Aurélie souffre de la maladie d'Alzheimer. Une maladie neurodégénérative qui fait peur, généralement associée au grand âge ou encore à la démence sénile. Parfois, c'est le cas pour les patients les plus jeunes, on confond même ses premiers signes avec la manifestation d'une dépression. Récit d'un épineux parcours du combattant.
"Les patients jeunes atteints de la maladie d'Alzheimer sont rares, mais ils existent", assène Ludivine Scaglione. Pour elle, c'est une histoire familiale qui se répète à quelques années d'intervalle "mais rien n'a changé en 15 ans", déplore-t-elle. Son père, patient Alzheimer, avait été diagnostiqué à l'âge de 50 ans. C'est à présent au tour de sa sœur Aurélie d'être victime d'un diagnostic posé tardivement. Entre errance médicale et sentiment de se heurter à un mur, Ludivine a mis son énergie dans une bataille : faire connaître la maladie au plus grand nombre.
Les personnes âgées... Pas seulement !
Aurélie est âgée de 43 ans. C'est une patiente Alzheimer "précoce". Chez cette jeune femme, le diagnostic a été définitivement posé au printemps dernier. Les premiers signes de cette maladie neurodégénérative sont apparus il y a presque deux ans. Aurélie n'avait que 40 ans. Tout a commencé par de petits oublis, notamment dans la chronologie. Des signes qui ont très vite attiré l'attention de ses proches. "C'était des choses qu'elle pensait avoir déjà faites... Très vite, on s'est posé des questions," raconte sa sœur. "La perte totale de mémoire, c'est la phase finale. On ne meurt pas de la maladie d'Alzheimer, c'est le corps qui lâche", tient à préciser Ludivine au sujet de cette maladie dégénérative.
Comment vit Aurélie aujourd'hui ? Elle ne travaille plus, "mais elle est autonome, même si les principaux symptômes touchent sa mémoire à court terme. Elle cherche aussi beaucoup ses mots. Elle se répète" explique sa sœur. Aurélie, qui a "pleinement conscience" de son état, prend un traitement, une molécule qui permet de retarder la progression inéluctable de la maladie et ses conséquences sur son cerveau. C'est un traitement délivré par le service hospitalier qui la suit. Elle bénéficie aussi d'une rééducation et du suivi d'un neuropsychiatre. "C'est ce qui lui a permis de récupérer une chronologie", précise sa sœur. Elle s'astreint à des séances chez un orthophoniste. Une prise en charge qui n'aurait pas été possible sans un diagnostic clair. Mais avant d'en arriver là, Ludivine évoque un véritable parcours du combattant.
Errance et indifférence médicale
"Poser un diagnostic, c'est ce qui a été le plus compliqué," confie Ludivine. C'est un médecin généraliste, spécialisé en gériatrie, qui a permis de débloquer la situation de la jeune femme. "C'est un médecin qui connaissait notre famille, la maladie de mon père et nos antécédents", souligne Ludivine. Après un examen génétique et une ponction lombaire, obtenus de haute lutte grâce à ce généraliste, le verdict tombe : maladie d'Alzheimer pour Aurélie.
"On a également fait un génosociogramme", ajoute Ludivine. Et Aurélie et son papa ne sont pas des cas uniques dans cette famille du sud de la France. Un oncle, un cousin, une tante et une grand-mère. Pour ces deux dernières, "c'était une autre époque, elles ont été prises en charge en hôpital psychiatrique", résume Ludivine. Mais pour Aurélie, l'origine génétique de sa maladie semble bien incontestable. Or, ce diagnostic posé tardivement n'est pas sans conséquence, car pendant ce temps, la maladie avançait à petits pas.
C'est une perte de temps en matière de prise en charge des symptômes et de son traitement médical. Et ça me met en colère. Elle n'a pas été prise en considération.
Ludivine Scaglione,soeur d'une patiente
Mais pourquoi tant d'errance avant d'arriver à poser des mots sur les maux ? Préjugés du corps médical ? Méconnaissance de la maladie ? Indifférence face à la parole des patients ? Peut-être un peu tout à la fois selon Ludivine. Elle revient, avec amertume, sur plusieurs mois de forcing, évacuée parfois avec une petite formule sans appel : "ça ne peut pas être ça !"
On s'est heurté à des médecins qui nous disaient que ce n'était pas possible à 40 ans d'avoir un Alzheimer. Des médecins qui nous demandaient d'arrêter de focaliser sur cette maladie ou qui nous demandaient pourquoi on insistait tant.
Ludivine Scaglionesoeur d'une patiente
Pas de structures adaptées
"On vous dit que ça ne peut pas être la maladie d'Alzheimer parce que ma sœur est trop jeune, mais on ne vous propose pas de prise en charge de ses symptômes", explique Ludivine, dépitée. Aurélie s'était vue prescrire des antidépresseurs, les médecins soupçonnant une dépression. Un traitement contre-indiqué dans son cas, selon Ludivine.
Mon père a été diagnostic à l'âge de 50 ans. Ma sœur a été diagnostiquée à 43 ans en avril. Quinze ans après le diagnostic de mon père, ça n'a pas évolué d'un pouce ! Rien n'a changé !
Ludivine Scaglionesoeur d'une patiente
Si la maladie d'Alzheimer est généralement considérée comme une maladie du grand âge, les jeunes patients pâtissent, selon Ludivine, d'un manque de structures adaptées à leur situation. "Il n'y a pas vraiment d'accueil, ni d'associations qui viennent en aide à ces malades précocement atteints. Difficile pour ma sœur de se retrouver dans un atelier avec des malades de 80 ou 90 ans. On a déjà connu ça avec mon père", explique Ludivine. Les réunions destinées aux aidants de patients jeunes ne sont pas non plus adaptées selon la jeune femme.
Pour la jeune femme, le besoin de parler de ce parcours du combattant s'impose aujourd'hui. Notamment pour aider d'autres familles plongées dans la même situation et confrontée à "la maladie du siècle". "Certaines ne sont même pas au courant des recherches en cours. Mais je pense surtout aujourd'hui à toutes ces personnes qui ne sont même pas diagnostiquées", explique Ludivine qui justifie son engagement.
5ᵉ Entretiens Alzheimer à Lyon
La maladie d'Alzheimer concerne aujourd'hui en France près d’un million de malades. Ce sont 225 000 nouveaux cas qui sont enregistrés chaque année. On estime ainsi que 3 millions de personnes, malades et proches aidants, sont concernées par cette maladie dégénérative. Cette pathologie est la quatrième cause de mortalité et la première cause de dépendance dans le pays.
Véritable enjeu de santé publique, la maladie d'Alzheimer ne dispose pas à ce jour de traitement efficace même si la recherche progresse. Mais la mise au point de traitements innovants progresse. " Récemment, de nouveaux traitements par immunothérapie ont été autorisés aux États-Unis. Ils sont en cours d’examen en Europe et les espoirs sont nombreux sur cette nouvelle thérapeutique", indique la Fondation Recherche Alzheimer.
Créée en 2004 par le Professeur Bruno Dubois, neurologue, et le Docteur Olivier de Ladoucette, psychiatre et gériatre, la Fondation Recherche Alzheimer a donné rendez-vous aux Lyonnais ce lundi 13 novembre pour en savoir plus sur cette maladie et l’avancée de la recherche. Cette 5ᵉ édition des Entretiens Alzheimer de Lyon est une occasion de faire le point sur l'actualité de la recherche, les maladies apparentées ou encore le quotidien des aidants et des familles... À l'Hôtel du Département, de 14h à 17h30, des échanges avec professionnels de santé ont été organisés.