Depuis la mort de Nahel, les rues de la métropole de Lyon sont le théâtre de violences urbaines. Vendredi 30 juin au soir, un émeutier a visé les policiers avec un fusil à Vaulx-en-Velin. Plusieurs d’entre eux ont été blessés. Rencontre.
Des balles de fusil en direction des forces de l’ordre. Alors qu’une soixantaine de jeunes érigent des barrières et incendient des poubelles à Vaulx-en-Velin, une colonne d’environ 25 policiers cherche à faire reculer le groupe pour protéger l’école et la médiathèque.
Un individu tire sur les forces de l’ordre avec un fusil. Quatre policiers sont touchés et une dizaine d’autres est blessée par les éclats de balles. “On a crié : danger, arme de chasse ou fusil à pompe !”, raconte le gradé qui a accepté de témoigner. Lui a été blessé par des éclats de balle au niveau des jambes. Son uniforme transpercé témoigne du tir.
“On est capable de faire reculer 200 à 400 personnes. Une foule hostile, on peut la faire reculer à 15 policiers. Là, on était 25 et ils nous ont fait reculer par leur nombre et leur détermination”, se souvient-il. “L’individu armé est resté 1h dans le quartier avec le fusil à se pavaner et à se protéger au milieu du groupe”.
Après les premiers éclats, vous réalisez ?
“Oui, on a peur pour notre vie. On savait que c’était une arme de chasse ou un fusil à pompe, on s’est dit là s’il tire à nouveau, il va tuer quelqu’un. On recule et on se dit : est-ce que ce sera moi ? Un collègue ? Qui va être impacté ? Et en même temps, on est impuissant, on ne peut pas riposter. On ne peut pas utiliser une arme létale dans un groupe hostile, ils sont environ 60. L’individu avec arme est dans le groupe, donc hors de question de viser le groupe”, assure le policier.
Qu’est-ce qui vous heurte aujourd'hui ?
“J’ai connu tous les événements précédents, notamment sur l’est lyonnais. Mais, je n’ai jamais connu ce degré de violence et cette détermination. Jusqu’à présent la police arrivait toujours à avoir le dernier mot, là ce n’était pas possible. On a reculé face à des gens déterminés.
Ils n'ont pas peur de nous, de nos lacrymogènes, de nos lanceurs de balles. On est inopérant, inefficace. Mais, on garde notre motivation et notre détermination. On est sur le pont, on est revenu le lendemain.”
Face à l’intensité de la violence, les policiers décident de sortir le “cougar”, une sorte de petit canon qui lance une grenade lacrymogène en l’air. Le gradé ordonne deux tirs tendus, normalement interdit, mais autorisé en matière de légitime défense.
Aujourd’hui, qu’est-ce que vous redoutez ?
"Des règlements de compte. On sait que l'on est traqué. Régulièrement, certains cherchent à savoir où on va, où on habite, on est suivi. On craint des vengeances.
On craint aussi le drame. Jusqu'à présent, mes collègues policiers, sur toute la France, ont agi vraiment avec intelligence et modération. On n’a pas eu d’événements graves alors qu’il aurait pu y en avoir. Quand on est mis en danger, il faut apprécier une situation dans l’instant.
Le drame dans les deux sens, que ce soit un policier ou parmi les émeutiers, c’est ce que l'on craint."
Comment on se sent quand on doit revenir sur le terrain ?
"Il y a une grosse appréhension. On a des services spécialisés et on est formé à ça, mais on n’est pas à l’abri dans un quartier d’un tir de devant, derrière, en haut… On craint tout et on craint pour le collègue. On a parfois peur, mais on est présent. On va jusqu’au bout et on surmonte nos peurs, quoi qu’il en coûte".
Entretien réalisé par Olivier Martin de France 2 à Lyon.