Nous avons suivi Kevin Chabanon, artisan taxi, avec ses passagers alors que des négociations sont en cours avec le Gouvernement sur de nouvelles modalités de transports. Notamment le covoiturage avec plusieurs patients.
Chauffeur de taxi, Kevin Chabanon attend Colette, nonagénaire, au pied de son immeuble. Elle sort, appuyée sur son déambulateur. Kevin la prend sous le bras avec la main droite et guide le déambulateur de la main gauche comme il conduit sa voiture, en douceur. Colette lui sourit. Il leur faudra deux bonnes minutes pour rejoindre le véhicule, que Kevin a dû garer sur un passage piéton. Il ouvre la portière, installe Colette à bord, l'attache, puis lui lance "je mets la Ferrari dans le coffre !". Il plie et range le déambulateur.
Kevin met des paillettes dans la vie des patients
En route, ils discutent. Kevin prend des nouvelles du petit-fils qui rêve de Canada. Colette se sent bien. "Kevin est bienveillant. Il m'aide à monter dans la voiture, me demande comment ça va, prend des nouvelles de la famille. Quand on n'a pas toutes ses capacités, on apprécie ces petites choses délicates."
Ancien cuisinier, Kevin Chabanon s'est d'abord lancé comme taxi non conventionné. Mais transporter des clients et ne plus les revoir l'a rapidement lassé. Aujourd'hui, dans sa Mercedes rutilante, il accompagne des patients dans les rues lyonnaises, tout au long de leurs soins. "Dans les transports médicaux, on tisse des liens. On se connaît, on raconte nos vies. On s'attache un petit peu" reconnaît-il, satisfait de ce nouveau virage.
Kevin doit enchaîner sur une autre course. Il embarque Fernand, qui suit un programme de rééducation. Ils se connaissent depuis un an et demi. Kevin préfère définir ses compagnons de route comme des patients plutôt que des clients. "Le client, il me paie. Là, c'est la CPAM (caisse primaire d'assurance maladie) qui paie la course au patient." Fernand abonde en ce sens. "Kevin m'apporte sur le côté médical. Il est très agréable, très ponctuel, avec une conduite souple et un bon véhicule et ça, quand on souffre, c'est essentiel."
La menace d'une dégradation du service
Cet hiver, Kevin Chabanon a participé aux manifestations et opérations escargot des artisans taxis sur Lyon. En cause, une nouvelle convention avec la CPAM. Celle-ci prévoit de faire sauter le plafond de 16,5% sur l'abattement des tarifs. "Le tarif conventionné est déjà beaucoup plus bas que le tarif préfectoral" se désole Kevin.
Autre inquiétude, le transport simultané, c'est-à-dire plus communément, du covoiturage. Le projet prévoit que tout patient qui refuserait de partager un taxi avec un autre patient verrait son remboursement diminuer. Cette mesure inquiète Fernand, qui veut bien faire un détour de cinq minutes, mais pas au-delà. "Comment un patient qui souffre peut rester une heure ou une heure et demie dans un taxi pour aller chercher d'autres patients ? Ça me paraît inacceptable !"
Cette réaction confirme les craintes de Kevin. "L'obligation du covoiturage pourrait nuire à la profession. On aurait une mauvaise image qui favoriserait le développement d'autres transporteurs. Les gens sont déjà malades, ils n'ont pas besoin de pâtir de quelque chose d'autre."
Au volant de son taxi, Kevin Chabanon regarde vers 2025. D'ici là, les fédérations qui représentent sa profession doivent convaincre le Gouvernement de revoir sa copie.