Les deux villes d’Oullins et Pierre-Bénite, toutes deux dirigées par des exécutifs LR, ont décidé de convoler en justes noces à compter de janvier 2024. Cela représenterait une nouvelle collectivité de 37 000 habitants. Petit problème : personne n’était au courant mis à part une poignée d’élus. Les réactions sont mitigées.
Comme dans toutes les histoires de mariage, il faut laisser la porte de la salle ouverte pour que la cérémonie puisse être stoppée en cas de non-respect des règles. Dans le cas de la fusion entre les deux villes du sud-ouest lyonnais, le secret absolu avait été bien conservé. Les bans pas vraiment publiés non plus.
Dans les rues ce mardi matin, les points de vue des administrés sont enthousiastes, aigre- doux, parfois amers. Une dame âgée d'Oullins refuse tout idée de fusion. « Pour moi Oullins, c’est sacré c’est pas Pierre-Bénite, y’a pas à tortiller ! »
Une jeune femme ne comprend pas le tour de passe-passe démocratique. «Quel bénéfice ou quelles difficultés cela peut il engendrer pour les habitants ? Et de réclamer la tenue d'un référendum». Certains voient la fusion d'un bon œil.
Dans les rues de Pierre-Bénite, un employé et une lycéenne en classe à Oullins ne cachent pas leur joie. Près de la mairie, une dame interrogée s'inquiète néanmoins du risque de disparition d'un certaine nombre d'équipements, tels le CCAS ou la médiathèque. Ils redoutent que Pierre-Bénite soit le parent pauvre du mariage.
Oullins et Pierre-Bénite dans la même corbeille au XIX e
Lors de leur conférence de presse commune, les deux édiles ont voulu rappeler que Oullins et Pierre-Bénite ne faisaient qu’une des siècles durant. Jusqu’en 1869 , date à laquelle deux groupes de paroissiens qui correspondent peu ou prou aux deux communes d’aujourd’hui, demandent à ce que la ville soit divisée, une commune par église. Pour Clotilde Pouzergue, mairesse d’Oullins depuis octobre 2017 et Jérôme Moroge, maire de Pierre Bénite depuis 2014, l’affaire est entendue. On retourne à une situation déjà connue. Fin du sujet.
Tous les deux expliquent que la genèse du projet remonte à plusieurs mois, le temps de dresser les tenants et aboutissants par rapport aux besoins de notre territoire.
Nous avons trois motivations, un intérêt commun, une vision à long terme et une plus grande capacité de financement face à la baisse des ressources de l’Etat. On est plus forts quand on pèse 37 000 habitants que 27 000 d’un côté et 10 000 de l’autre
Clotilde Pouzergue, mairesse d’Oullins et Jérôme Moroge, maire de Pierre Bénite (LR)
Pour eux, il s’agit aussi de peser face à la Métropole de Lyon tout en restant à taille humaine. Les deux communes, de superficie analogue, totaliseront 90 hectares. Aucun nouveau nom n’est projeté à l’heure qu’il est, selon les deux élus, «on pourrait parler d’Oullins-Pierre-Bénite», tout simplement.
Une cuisine centrale commune et un centre aquatique
Un centre nautique intercommunal, voilà ce qui serait à l’origine de la réflexion sur la fusion. « Cela fait des années qu’on en parle dans chacune de nos deux communes, mais vu les coûts, on ne se décidait pas. C’est plus facile d’y aller ensemble », souligne Jérôme Moroge qui devrait, selon toute vraisemblance, s’assoir dans le fauteuil de maire de la nouvelle collectivité en janvier prochain, sa collègue devenant adjointe.
L'un comme l'autre insistent sur ce point : les élus de leur majorité répondent de manière très favorable. Les administrations sollicitées, dont la préfecture, l’association des maires de France, idem.
Avec cette fusion, les deux élus espèrent entrer dans une dynamique forte, « on a quelques mois devant nous pour travailler ensemble. Nous avons fait beaucoup de pédagogie sur le bien-fondé de ce projet, avec les équipes associées » à ce rapprochement. Les travaux préparatoires ont été menés de façon discrète il n’était pas question d’ébruiter quoi que ce soit. Et les deux maires d’annoncer une consultation de la population. A ce titre, ils ont : « rencontré des maires ayant vécu cette même expérience pour avoir des conseils et des références », rappelle Clotilde Pouzergue.
Pour preuve de leur bonne volonté d’informer les habitants, un Facebook live est prévu le jeudi 23 février 2023 en soirée pour répondre aux questions des administrés. Des réunions publiques sont également programmées « et il y aura un travail de terrain pur aller au contact des habitants. Un stand itinérant est aménagé pour aller au pied des immeubles. »
Les élus de l'opposition estomaqués
Les travaux préparatoires ont été menés de façon discrète ? C’est le moins que puissent dire les élus de l’opposition qui tombent des nues en apprenant la fusion par la presse (Le Progrès). L’écologiste Jean-Charles Kohlhaas, chef de file de l’opposition et vice-président de la Métropole, dit avoir cru à un poisson d’avril. « Les citoyens n’ont jamais entendu parler d’un tel projet. Quant aux élus, nous avons été convoqués hier soir pour jeudi en vue d’être officiellement informés, lors d’une réunion de commission. A Pierre-Bénite ce devrait être ce mardi soir à l’occasion du conseil municipal. »
Pour l’opposition, le projet est « énorme », il « engage les communes sur le long terme, tout ce qui nous est dit par les deux majorités ne sont que des prétextes », martèle Jean-Charles Kohlhaas, devancé par à peine 148 voix lors des dernières municipales de 2020 à Oullins. Ce dernier imagine une revanche possible pour les prochaines élections en 2026 mais pourrait être fragilisé si Jerôme Moroge se représente.
Elue « socialiste, gauche sociale et écologique », Joëlle Sechaud estime que « l’annonce est très violente. C’est une méthode qui me choque. Sans information préalable, une fusion imposée sans consultation, c’est grave par rapport aux habitants qui les ont élus sur un programme où ce projet n’apparaissait absolument pas. »
Pour l’élue, cela se fait sur un coup de tête : « Même si c’est prévu par la loi, les fusions concernent avant tout les petites communes rurales. Ce n’est pas du tout le cas ici. Oullins est une ville assez dense. »
Une bonne chose selon les commerçants
Côté acteurs économiques, l’optimisme semble l’emporter. Président de l’union des commerçants d’Oullins, qui représente plus de 200 commerces, Maxime Balouzat considère le projet comme « précurseur », une bonne chose pour le commerce, grâce à la complémentarité entre les profils des commerces des deux villes. Déjà, l’hôpital lyon Sud (Jules Courmont) a été construit à cheval sur les deux communes et leur voisine Saint-Genis-Laval. Pour beaucoup d’entreprises, les deux villes sont dans le même périmètre, avec bientôt le métro dans le centre d’Oullins comme au CHU.
A peine plus au sud, Jean-Pierre Grondin, son homologue de Pierre-Bénite est plutôt ouvert à la fusion. « Ça peut permettre de faire des choses ensemble plus naturellement. Il peut parfois y avoir une certaine concurrence, mais c’est surtout une complémentarité territoriale.»