Dix-huit personnes sont mortes et 200 autres portées disparues après la crue subite d'une rivière du nord de l'Inde, causée par l'effondrement d'un glacier de l'Himalaya. Une telle catastrophe est-elle possible dans les Alpes, où le réchauffement climatique fragilise les glaciers ?
Une crue éclair, une vague dévastatrice transformant un petit torrent de montagne en fleuve rageur, abattant un barrage sur son passage. Voilà les images effarantes, filmées dimanche 7 février par des habitants de l'Etat de l'Uttarakhand, dans le nord de l'Inde. La cause, un glacier des hauteurs de l'Himalaya s'est effondré, faisant monter d'un coup le niveau de la rivière qu'il alimente.
Gushing water of #Dhauliganga #Chamoli avalanche, #WATCH | A massive flood in Dhauliganga seen near Reni village, where some water body flooded and destroyed many river bankside houses due to cloudburst. Casualties feared. team of @ITBP_official personnel rushed for rescue pic.twitter.com/264p8MoQho
— Utkarsh Singh (@utkarshs88) February 7, 2021
Cet événement rappelle le spectaculaire effondrement du glacier de Tournemagne, en Suisse, filmé en août dernier. Les images montrent de petites avalanches de glace puis un effondrement massif, comme une cascade qui jaillit de la montagne.
Un effondrement à mettre en lien avec le réchauffement climatique : "2020 dans son ensemble est pour l'instant l'année la plus chaude enregistrée jusqu'ici... On peut bien penser que les glaciers souffrent avec ce type de températures", estimait une météorologue à MétéoSuisse interrogée à l'époque par RTS.
A peu près au même moment, les scientifiques avaient craint un effondrement de Planpincieux, en Italie. Environ 500 000 mètres cubes de glace menaçaient alors de s'ébouler. La vallée du Val Ferret a été évacuée pendant 72 heures avant finalement le retour à la normale dans le secteur quelques jours plus tard.
Des risques "à l'échelle de quelques décennies"
Ces deux alertes témoignent de la fragilisation progressive des glaciers alpins. Une catastrophe similaire à celle de dimanche en Inde est-elle alors envisageable dans les Alpes ? "On n'est jamais à l'abri", répond Christian Vincent, du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE) de l'Université Grenoble-Alpes. De nombreux glaciers alpins sont d'ailleurs sous surveillance pour évaluer les risques de rupture.
Parmi eux, le glacier de Taconnaz, surplombant la vallée de Chamonix, est étudié par le glaciologue et son équipe. Le géant de glace, long de plus de 5 km, "pourrait présenter des risques de déstabilisation directement liés au réchauffement climatique", explique-t-il. Ce glacier froid, culminant à une altitude où les temératures restent toujours négatives, se verrait destabilisé si le mercure venait à dépasser la barre de 0 °C. Ce qui pourrait arriver "à l'échelle de quelques décennies", expose le glaciologue.
Auquel cas il commencerait à déraper et une avalanche de glace, entraînant tout sur son passage, se déverserait dans la vallée de Chamonix, peuplée par plusieurs milliers d'habitants. "C'est la principale différence entre l'Himalaya et les Alpes, poursuit Christian Vincent. Les surfaces glaciaires sont beaucoup moins importantes dans les Alpes mais la densité de population est largement plus élevée".
Problème, la date de la rupture du glacier reste très difficile à anticiper. Les glaciologues travaillent donc à établir des projections pour ceux qui menacent des zones habitées. "Beaucoup vont devenir instables dans le futur" compte tenu de la hausse des températures, estime toutefois M. Vincent. Si les glaciers alpins perdent de leur volume depuis 150 ans environ, le phénomène s'est accéléré au cours des 30 dernières années.
Des experts prévoient la disparition de près de 90% des quelque 4 000 glaciers des Alpes avant 2100 si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel. Un scénario climatique médian table sur une augmentation de 3°C d'ici la fin du siècle. Et sans anticipation, ce sont des vallées entières qui se retrouveraient exposées.