Un juge fédéral aux Etats-Unis a estimé, début janvier, que le gruyère n'était pas forcément français ou suisse. Un revers pour les producteurs alpins qui tentent de protéger l'appellation du fromage.
Du gruyère made in Wisconsin. C'est ce qu'a autorisé un juge fédéral aux Etats-Unis, début janvier, après avoir estimé que le terme "gruyère" était devenu "générique" outre-Atlantique.
Cette décision peut avoir de lourdes conséquences dans les Alpes : le gruyère ne peut pas être inscrit au registre des marques pour le réserver aux produits originaires de Suisse et de France. Un revers pour tous les producteurs français et suisses qui tentent de protéger l'appellation.
Des décennies d'importation, de production, et de ventes de fromages appelés gruyère mais produits en dehors de la région de la Gruyère en France et en Suisse ont érodé le sens du terme.
Le rapport du juge T.S. Ellis.
Dans une décision d'une trentaine de pages, le juge T.S. Ellis souligne que des producteurs américains fabriquent du gruyère dans l'Etat du Wisconsin depuis les années 1980. Le rapport indique également que plus de la moitié du gruyère importé aux Etats-Unis entre 2010 et 2020 était produite en Allemagne et aux Pays-Bas.
"Des décennies d'importation, de production, et de ventes de fromages appelés gruyère mais produits en dehors de la région de la Gruyère en France et en Suisse ont érodé le sens du terme et l'ont rendu générique", écrit-il.
Même les dictionnaires ne mentionnent pas tous l'origine géographique de ce "fromage de lait de vache, à pâte cuite formant des trous", bien qu'il soit apparu dès le 12e siècle dans les Alpes, relève le magistrat.
Le combat continue pour les producteurs
L'interprofession du Gruyère, qui représente les acteurs du secteur en Suisse, et le Syndicat interprofessionnel du Gruyère, son pendant français, ont notifié ce lundi 10 janvier, leur intention de faire appel de cette décision.
Pour eux, le gruyère, qui bénéficie d'appellations d'origine protégée dans les deux pays, "est fabriqué avec soin à partir d'ingrédients locaux et naturels, en utilisant des méthodes traditionnelles qui assurent le lien entre la région d'origine et la qualité du produit final".
"Du fromage fait dans le Wisconsin ne peut pas reproduire le goût unique du vrai Gruyère fait en Suisse ou en France", ont-ils écrit dans leur plainte originelle.
"Une victoire historique" pour les Américains
Du côté américain, les acteurs du secteur ont au contraire salué "une victoire historique". Et, dans un communiqué, ils ont pris acte pour la suite : cette décision "établit un précédent dans une bataille bien plus large au sujet des noms des produits alimentaires aux Etats-Unis".
L'Union européenne avait tenté d'obtenir des protections pour environ 200 produits associés à ses territoires (comté, chablis, parmesan, bolognaise, etc), lors des négociations pour un traité de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis (Tafta) qui ont finalement achoppé.
En l'absence d'accord, le cas par cas prévaut. La feta grecque ou le chablis avaient déjà perdu le combat, contrairement aux termes "roquefort" ou "cognac" reconnus par les Etats-Unis pour les produits fabriqués autour des villes françaises éponymes.