La dissolution des Soulèvements de la terre est présentée ce mercredi 21 juin en Conseil des ministres. Le gouvernement reproche des violences au collectif écologiste, à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, mais aussi ce week-end lors de la manifestation contre le Lyon-Turin en Savoie. Le mouvement dénonce pour sa part une décision "très politique", également critiquée par une partie de la gauche.
La dissolution des Soulèvements de la Terre est en marche, si l'on en croit le gouvernement. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a confirmé mardi qu'il présenterait bien le décret de dissolution en Conseil des ministres ce mercredi 21 juin.
La procédure avait été engagée il y a près de trois mois, le 28 mars, quelques jours après les violents affrontements entre gendarmes et opposants aux méga-bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) dont il avait imputé la responsabilité au mouvement.
Mais depuis, rien. Le processus semblait au point mort. La manifestation contre la liaison ferroviaire Lyon-Turin, ce week-end, soutenue par les Soulèvements de la Terre a remis la dissolution à l'ordre du jour. Gérald Darmanin a estimé à l'Assemblée nationale que le rassemblement avait été interdit et que cette interdiction avait été "confirmée à deux reprises par la justice de notre pays".
"Aucune cause ne justifie qu'on blesse des policiers et des gendarmes", a fait valoir le ministre de l'Intérieur.
"Casser le thermomètre plutôt que de s'inquiéter de la température"
La manifestation contre le Lyon-Turin, en Maurienne, a été marquée par des échauffourées. Les autorités ont dénombré 15 personnes légèrement blessées dont 12 gendarmes. Les opposants au Lyon-Turin ont, eux, fait état d'un bilan "d'une cinquantaine de blessés graves, six hospitalisations dont deux pronostics fonctionnels engagés."
Le mouvement a dénoncé "une dissolution très politique et particulièrement inquiétante réclamée directement au chef de l'Etat par l'agro-industrie et la FNSEA".
"Essayer de faire taire les Soulèvements de la terre est une vaine tentative de casser le thermomètre plutôt que de s'inquiéter de la température", a déploré le collectif écologiste, né en janvier 2021 dans l'ex-ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes.
Quatorze interpellations ce mardi
Quatorze personnes ont également été placées en garde à vue mardi dans l'enquête sur l'action menée contre une cimenterie Lafarge de Provence par des activistes écologistes fin 2022. Ces arrestations ont été effectuées en Loire-Atlantique et notamment à Notre-Dame-des-Landes, où divers militants écologistes ont élu refuge au sein de l'ex-ZAD, selon le parquet d'Aix-en-Provence, mais également dans la région marseillaise.
Des rassemblements prévus ce mercredi soir devant les préfectures d'Auvergne-Rhône-Alpes
Ces arrestations sont vues comme "une opération de communication et d'intimidation contre le mouvement social dans son ensemble" par le mouvement, qui appelle à des rassemblements mercredi en début de soirée devant les préfectures, un peu partout en France et en Auvergne-Rhône-Alpes. A 18h ou à 19h, des militants devraient se retrouver notamment à Chambéry, Albertville ou Annecy mais aussi à Lyon, Valence, Villefranche-sur-Saône, Bourg-en-Bresse, Clermont-Ferrand, Roanne ou Montbrison. A Grenoble, le rassemblement aura lieu à 20h30 au jardin Hoche, devant la préfecture. Pont-en-Royans et Cevins sont également concernées.
Des personnalités doivent aussi venir exprimer leur soutien devant le Conseil d'Etat à Paris. "Nous irons devant la justice et croyons dans la possibilité d'une victoire juridique pour casser cette décision inique, comme ce fut le cas pour d'autres dissolutions pour motif politique des dernières années", assurent les Soulèvements.
Certains sont des "éco-furieux mais pas des éco-terroristes"
La dissolution et les arrestations ont été dénoncées par une partie de la gauche. Le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, a défendu "des citoyens pacifistes et inquiets des conséquences terribles de l'inaction climatique".
"C'est choquant, scandaleux", a réagi Jean-François Coulomme, député LFI de la Savoie, sur La Chaîne Parlementaire. "On est arrivés dans une phase où toute contestation, toute opposition, peut se trouver pour des raisons administratives ou pénales, soumise à des volontés gouvernementales d'interdiction", a déclaré l'élu. Certains peuvent être des "éco-furieux mais pas des éco-terroristes", a insisté le député de la Savoie.
La cheffe des écologistes Marine Tondelier a estimé de son côté qu'il s'agissait "d'une décision politique" s'inscrivant "dans un mouvement plus large de criminalisation des écologistes".
Soutien d'élus et de personnalités de gauche
La Confédération paysanne a pour sa part jugé que la dissolution représentait "une attaque directe à la liberté d'expression, d'opinion, d'association, de manifestation, aux droits humains, aux droits à l'eau et à l'alimentation et aux droits de l'environnement".
Les Soulèvements revendiquent une base "extrêmement variée". Une soirée de soutien en avril a attiré diverses personnalités politiques, artistiques et scientifiques, dont la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte - qui a cependant manifesté sa "complète incompréhension" en juin après une action visant des maraîchers.
Un ouvrage collectif, intitulé "On ne dissout pas un soulèvement. 40 voix pour les Soulèvements de la terre", a récemment réuni les signatures de l'anthropologue Philippe Descola ou encore les écrivains Virginie Despentes ou Alain Damasio.