Chroniques d’en Haut célèbre l’hiver et la neige dans une émission tournée au cœur de la Maurienne, entre le Galibier et le Thabor, à Valloire et à Valmeinier. Deux villages devenus stations à des époques différentes, et qui incarnent cette partie méridionale de la vallée, à l’extrême sud des Alpes du Nord.
Valloire et Valmeinier offrent un vaste domaine skiable permettant de découvrir des paysages extrêmement variés, mais aussi un territoire vierge de haute montagne qui s’étend bien au-delà des zones équipées.
Valmeinier, une station jeune et sportive
Survoler la vallée de Valmeinier 1 800 en ULM permet d’en prendre la mesure. La jeune station, créée au milieu des années 80, a su conserver un cirque impressionnant, vierge de toute remontée, en direction du Thabor. Franck Toussaint est pilote instructeur. Il forme ses homologues au pilotage en montagne, et aime faire découvrir au grand public sa passion à travers des vols initiatiques, survolant ainsi le Fond de Valmeinier, un désert blanc et vierge où la randonnée est reine.
Voilà quelques décennies qu’il a atterri ici, sans jamais en repartir. « L’accueil des locaux a été extraordinaire, la station m’a aidé à développer cette activité dès mon arrivée, à une époque où tout cela était très nouveau. Et j’ai aussi pu rendre de nombreux services à la sécurité du domaine, car je peux rapidement acheminer un pisteur avec son chien sur le site d’une avalanche », explique Franck, ancien pisteur lui-même. « Bien évidemment, l’ULM ne se substitue en aucun cas à l’hélicoptère, mais permet d’être sur place dès le signal de l’alerte et de gagner ainsi quelque précieuses minutes ».
De même, les pisteurs lui demandent parfois d’aller en reconnaissance pour retrouver des randonneurs égarés, ou vérifier qu’une avalanche naturelle n’ait emporté aucun randonneur.
Franck ne s’en lasse pas. Qu’il soit en mission de sécurité ou en vol découverte : le monde s’offre à lui et à ses passagers qui découvrent le point de vue des aigles en toute sécurité.
À Valmeinier, tout va très vite. Dans les années 70, alors que le village ne comptait quelques hameaux d’une poignée de maisons accrochées à la pente, la station proposait ses premières pistes sur le versant nord du Crey du Quart, déjà relié avec Valloire.
Mais c’est dans les années 80 que Valmeinier 1 800 fût créée sur le modèle des stations intégrées, c’est-à-dire entièrement conçues pour la pratique des sports d’hiver. Enfin, le véritable sommet du domaine a été atteint en 2019 avec la création de la Sandonnière, culminant à 2750m, et offrant un panorama époustouflant sur le sud de la Maurienne, mais aussi les Ecrins, la Meije, le Galibier, les Aiguilles d’Arves et Belledonne… Valmeinier est l’une des dernières nées des stations françaises…Et elle a bien grandi depuis.
Valloire, historique et contemplative, une des doyennes des stations de ski françaises
Sacré contraste avec sa voisine Valloire qui compte parmi les plus anciennes stations de France. L’authentique, la séculaire : il faut dire que le passage du col du Galibier depuis des temps immémoriaux, d’abord à pied puis par l’une des plus hautes routes de France, a fait de ce village de montagne un lieu de passage et de commerce depuis longtemps. Ce qui a contribué à la richesse de cette vallée, qui se lit encore dans ses maisons anciennes crépies de gypse rosissant avec l’âge, ou dans sa monumentale église classée au patrimoine historique pour son intérieur baroque savoyard remarquable.
Station village par excellence, Valloire a gardé les traces de toutes les modes qu’elle a traversées. Ainsi, des maisons séculaires côtoient des constructions plus récentes, datant des années 50, 60, jusqu’aux années 2000, selon les standards de chaque époque.
Et c’est à cela qu’on reconnait l’authenticité de la station : il ne s’agit pas d’une création nouvelle et homogène, mais bien d’un bourg de montagne qui s’est tourné vers les sports d’hiver dès le milieu des années 30. La solidité de cette vocation touristique hivernale, qui date de presque un siècle, se lit dans cette diversité architecturale. Néanmoins, le village s’inscrit toujours dans son écrin de neige, entouré par de nombreux sommets à plus de 3 000 mètres, et l’église reste le bâtiment le plus haut de la station.
Mais le point fort de Valloire est sans doute son ambiance familiale et chaleureuse. Ici, on recense plus des deux tiers d’habitués. Un je-ne-sais-quoi qui fait que, malgré les inévitables imperfections, on aime, et on y revient. Comme les sculpteurs sur neige qui se donnent rendez-vous chaque année en janvier, depuis 40 ans. Nombreux sont ceux qui viennent ici pour l’ambiance, la chaleur des cœurs et l’authenticité. Ici, on célèbre donc la neige en la transformant en œuvre éphémère, pour le plaisir des yeux. Hugues Grammont fait partie des artistes habitués à la station.
Pour rien au monde, il ne raterait cette semaine de concours où les artistes venant parfois de très loin rivalisent d’imagination pour transformer des cubes de neige de 4 mètres de haut en sculptures monumentales. « On ne vient pas vraiment pour gagner, mais pour le contact avec le public et les autres artistes. Chaque année, on propose une œuvre différente, sur laquelle on travaille plus de trois jours et parfois même la nuit. Et puis, à la fin, elle fond ou est détruite… C'est le charme de l’art éphémère, on en garde surtout des souvenirs ».
Poingt Ravier, un hameau préservé
Pour retrouver le Valloire d’autrefois, il faut quitter l’animation trépidante du centre, et se balader dans les hameaux. Celui de Poingt Ravier, éloigné du domaine skiable, est sans doute le mieux préservé. C’est ici que j’ai rencontré Bernard Grange, photographe et enfant du pays. Ses aïeux ont vécu, comme dans la plupart des vallées alpines, la grande révolution… En l’espace de quelques décennies, on est passé d’une économie montagnarde reposant principalement sur l’agriculture et l’élevage en quasi-autarcie à l’ouverture sur une économie de commerce, de sport et de tourisme dont le ski était -et reste encore- un formidable moteur. Révolution des mentalités, des gestes du quotidien, des savoir-faire et des modes de vie.
Bernard Grange, témoin de cette transition, a connu ceux qui ont, quelques années encore, perpétué ces traditions, ces gestes du quotidien. Tous, ou presque, ont aujourd’hui disparu. Mais les images restent. Ses photos rappellent à ceux venus de loin profiter des joies de la neige que l’empreinte des pas qui menaient d’un hameau à l’autre, au creux de l’hiver, en attendant que cette foutue neige fonde vite, n’ont pas toujours été celles des chaussures de ski... « Chaque rencontre a été un moment partagé, un bout de pain, une tranche de saucisson. Si ces personnes que j’ai photographiées voyaient ce qu’est devenu la station aujourd’hui, ils n’en croiraient pas leurs yeux », explique Bernard Grange, avec une émotion palpable.
À leur époque, on pratiquait déjà le ski à Valloire, mais sur quelques remontées parfois tenues par les paysans eux-mêmes. La Sétaz, massif historique de la station, existait déjà. L’avènement du ski était en train de bouleverser l’économie montagnarde, mais rares étaient ceux, à l’époque, qui imaginaient à quel point ce sport allait tout changer dans leurs vies.
Ses photos, en noir et blanc, ont fait le tour des Alpes. Elles témoignent de ce temps pas si lointain où l’hiver était une saison morte et la neige une calamité qu’on espérait voir fondre rapidement…
>> "L'hiver au cœur de la Maurienne" un magazine de 26 minutes présenté par Laurent Guillaume, réalisé par Xavier Blanot, diffusé le dimanche 19 février à 12H50 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, à revoir en REPLAY dans cet article et sur france.tv