Les médecins généralistes sont appelés à faire grève ce lundi pour revendiquer, notamment, une hausse du tarif de la consultation à 50 euros. La profession, en manque criant d'effectifs et écrasée par les tâches administratives, espère ainsi redevenir attractive.
A l'extérieur de son cabinet, Catherine Cuvelliez a posé une affiche rappelant aux patients qu'ils trouveront porte close toute la semaine. Médecin généraliste depuis 25 ans, installée à Aix-les-Bains (Savoie), elle n'a pas hésité à rejoindre le mouvement de grève nationale qui débute ce lundi 26 décembre.
"J'ai choisi ce métier par passion, mais ça reste un métier. Je n'ai pas signé pour rentrer dans les ordres, ce n'est pas un sacerdoce", pose la généraliste, membre du collectif "Médecins de demain" à l'origine de la grève. Elle dénonce un épuisement général au sein de la profession dans l'indifférence des pouvoirs publics.
Je suis là pour mes patients, mais je ne peux pas donner du temps et de l'énergie que je n'ai plus. A force de toujours nous demander plus avec moins, ce n'est plus possible. Le bateau coule. On est sur le Titanic, on vient de se prendre l'iceberg et on prend l'eau de toute part.
Catherine Cuvelliez, médecin généraliste à Aix-les-Bainsà France 3 Alpes
Cette grève est la deuxième chez les généralistes en moins d'un mois. Cette fois, elle tombe en plein milieu de négociations avec l'Assurance maladie, en vue d'un accord pour les cinq prochaines années avec la profession. La revendication principale reste la même : une augmentation du tarif de la consultation à 50 euros contre 25 actuellement pour payer, notamment, les secrétaires médicales et du matériel.
"Vous retrouver face à Doctolib quand vous avez 90 ans, c'est très difficile. Une secrétaire, c'est elle qui appelle les confrères, qui répond aux patients. Cela nous fait gagner du temps pour les soins et c'est un confort énorme pour nos patients", juge la praticienne de 53 ans.
"Il faut que l'Etat prenne ses responsabilités"
L'augmentation du tarif de la consultation pourrait aussi créer un "choc d'attractivité" pour la nouvelle génération de généralistes. "Les jeunes médecins ne veulent plus s'installer parce qu'avec 25 euros, si vous voulez vous installer dans le centre d'une grande ville, c'est impossible. Il n'y a plus un seul généraliste qui s'installe à Paris, par exemple", assure Catherine Cuvelliez.
"Cela fait près de 30 ans que l'on n'a pas été augmenté correctement alors que tous les autres frais ont augmenté", confirme le vice-président du syndicat des médecins de l'Isère, Didier Legeais. "Les médecins généralistes ont entre deux et trois consultations par jour pour payer uniquement les frais du cabinet", dit-il, se faisant l'écho de l'épuisement qui gagne la profession.
Un grand nombre de généralistes disent qu'ils n'en peuvent plus, que leur famille souffre et qu'ils ne veulent pas faire plus de 12 à 14 heures de travail par jour.
Didier Legeais, vice-président du syndicat des médecins de l'Isèreà France 3 Alpes
L'enjeu, selon lui, consiste aussi à rendre le métier attractif pour les jeunes, alors que le projet de quatrième année de médecine générale suscite la colère des internes. Cette mesure du projet de loi de finances de la sécurité sociale 2023 (PLFSS) a été adoptée fin opctobre par l'Assemblée nationale via la 49.3. Au cours de cette quatrième année d'internat, les futurs médecins devront exercer "en priorité" dans les zones sous-denses, avec l'objectif de pallier le problème de désertification médicale.
"En rajoutant cette année, on va juste les exploiter une année de plus", estime Catherine Cuvelliez, selon qui cette mesure ne réglera pas le problème du manque de médecins en zones rurales. "Nous, les médecins généralistes, sommes une espèce en voie de disparition. Il faut que l'Etat prenne ses responsabilités, il faut que l'Etat nous épaule."
Catherine Cuvelliez ainsi que les trois autres médecins de son cabinet d'Aix-les-Bains se préparent déjà pour la manifestation nationale, à Paris, le 5 janvier prochain. Pendant la grève, qui doit durer une semaine, les patients sont invités à contacter le 15 en cas de besoin. Les Agences régionales de santé (ARS) pourront procéder à des réquisitions de grévistes pour assurer les gardes de nuit et du week-end.