L'avocat de la famille de Lucie Roux, disparue en 2012, assiste au procès pour explorer la piste Nordahl Lelandais

Après avoir assisté au procès, Me Christian Saint-André est convaincu que toutes les vérifications concernant la présence éventuelle de Nordahl Lelandais près des lieux de la disparition de Lucie Roux en 2012 n'ont pas été effectuées. La justice avait classé le dossier sans suite fin 2019.

 

 

Il s'est assis dans sa robe d'avocat au fond de la salle du Sénat de Savoie pendant deux jours. Attentif, Me Christian Saint-André a écouté les différentes parties retracer le parcours de Nordahl Lelandais depuis son enfance jusqu'à la nuit d'avril 2017 qui s'est conclue par la mort d'Arthur Noyer. Il n'a pas accès au dossier, alors il est venu en spectateur recueillir des éléments biographiques sur l'ancien maître-chien.

Lui, défend la famille de Lucie Roux depuis plus de huit ans. Cette Savoyarde a disparu le 16 septembre 2012 à Bassens, près de Chambéry. Volatilisée. Depuis, rien. Sauf un combat pour faire vivre ce dossier face à la justice qui l'a classé à plusieurs reprises sans suite.

La disparition de Lucie Roux fait partie des quarante affaires non résolues sur lesquelles la cellule Ariane a enquêté pour voir si la quarantenaire avait pu croiser la route de Nordahl Lelandais. A la suite de ces recherches, fin 2019, la justice a de nouveau classé le dossier sans suite.

Pourtant, Me Saint-André estime qu'il reste "un certain nombre de zones d'ombres absolument incroyables".
 


Nordahl Lelandais vivait à proximité de l'hôpital de Bassens


"Depuis l’interpellation de Nordahl Lelandais, j’ai eu des appels de gens proches de Lucie Roux au moment de sa disparition qui ont indiqué qu’ils avaient vu Nordahl Lelandais dans l’hôpital de Bassens. Ils disent que peut-être même que Lucie avait mangé avec lui, à table, à l’hôpital", explique l'avocat. D'après les enquêteurs cependant, ce n'est pas possible. Nordahl Lelandais n'était pas suivi à Bassens en même temps que Lucie Roux.

Certes. Mais d'après Me Christian Saint-André, cela ne veut pas dire que leurs chemins ne se sont pas croisés. 
 


"Des éléments qui méritent d'être vérifiés"

"Ce mardi matin, à l'audience, j’ai entendu le témoignage d’une ancienne compagne de Nordahl Lelandais qui a expliqué qu’elle avait vécu avec lui dans un appartement à partir du début de l’année 2013 rue Lucien Rose".

"Or, si vous tapez l’adresse dans un logiciel de géolocalisation", poursuit l'avocat, "vous aurez la même surprise qui a été la mienne de constater que cet immeuble est situé grosso modo à 500 mètres à vol d’oiseau de l’hôpital de Bassens".

Nous avons vérifié. La rue Lucien Rose est située à un peu plus d'un kilomètre de l'hôpital de Bassens, à un gros quart d'heure de marche (voir plan ci-dessous). Pour lui, il est très probable que Nordahl Lelandais se soit rendu régulièrement dans le parc de l'hôpital pour promener ses deux gros chiens, "le parc le plus proche".

"A partir de janvier 2013, ça m'apparaît comme une certitude. Alors, est-ce qu'il fréquentait ce parc avant ? Je n’en sais rien, mais en tous cas on ne peut pas aujourd’hui continuer à me dire que les témoins sont des témoins qui se trompent".

D'autre part, "Lelandais a aussi travaillé comme ambulancier et je me dis que peut-être qu'il a pu venir à l'hôpital de Bassens, dans ce cadre-là"
 


"Je ne suis pas là à dire qu’il est responsable mais je continue à dire qu’il y a encore matière à chercher avant de classer ce dossier sans suite", indique Me Saint-André qui espère "qu'on a regardé dans le téléphone de Nordahl Lelandais s'il n'y avait pas de traces du numéro de téléphone de Lucie"

Fermer des portes, une par une, pour exclure des hypothèses ou suivre une piste.
 

L'association Assistance et Recherche des Personnes Disparues elle aussi présente au procès
 

Un travail de fourmi mené de concert avec Bernard Valézy, le vice-président national de l'association Assistance et Recherche des Personnes Disparues.

Faute d'enquête officielle, c'est l'ancien commissaire de police qui tente d'exploiter tous les indices possibles. Il est lui aussi présent à Chambéry pour suivre les débats du procès aux assises de Nordahl Lelandais. Lui aussi pense que la piste Lelandais doit être étudiée davantage. 
 


"Une nouvelle piste à explorer"


"Les vérifications qui ont été faites par notre association montrent, qu’effectivement, à deux reprises, d’après un témoignage, Lucie Roux est allée au réfectoire et que dans cette salle de réfectoire il y avait, pas forcément à la même table, quelqu’un qui pouvait ressembler à Nordahl Lelandais. Personne avec laquelle elle n’a jamais eu d’entretien et personne qu’elle ne semblait pas connaître. Tout cela, on le tient de sa voisine de chambre qui était avec elle à ces deux reprises, donc les liens sont ténus", indique le policier qui consacre tout son temps libre aux enquêtes sur ces dossiers non résolus.

Mais pour lui, c'est aussi le fil des promenades dans le parc qu'il faudrait désormais tirer.

"On a pu récupérer une information montrant que quelqu’un qui avait le profil de Nordahl Lelandais avec des chiens malinois se retrouvait assez souvent dans le parc de l’hôpital de Bassens. C’est une nouvelle piste qui devrait être explorée même si les enquêteurs n’ont pas trouvé trace d’une présence permanente de Lelandais dans l’établissement".

"On peut très bien estimer qu’il venait dans le parc à titre de visiteur libre et, dans ce cas-là, c’est normal qu’on n’ait pas retrouvé de trace officielle de sa présence. Il faut voir peut-être dans le détail si, au niveau médical, Lelandais était suivi non pas en hospitalisation au sein même de Bassens mais en hôpital de jour par exemple"
 


D'autres hypothèses à vérifier

Encore une fois, Bernard Valézy insiste : il n’est pas question "de cibler Nordahl Lelandais", seulement de vérifier des "éléments factuels".

Bien d'autres éléments restent à explorer dans le dossier de la disparition de Lucie Roux d'après les deux hommes. A commencer par le téléphone de la quarantenaire qui n'a jamais été exploité. Les colocataires de la disparue n'ont eux pas été interrogés.

Bernard Valézy a retrouvé par ailleurs la trace de deux individus qui n'ont pas été auditionnés alors même qu'ils étaient dans les parages à l'époque de la disparition de Lucie Roux. "Il semble qu'il y ait eu un individu qui traînait autour de la maison dans laquelle vivait Lucie", explique Me Christian Saint-André, selon des éléments collectés par l'association ARPD, "un sans domicile fixe qui vivrait désormais en Bretagne". Autre profil suspect : celui d'un "homme schizophrène, interné à plusieurs reprises, surnommé Jésus"
 


Une demande de réouverture du dossier déposée vendredi dernier

Enfin, la chambre de l'appartement en colocation dans laquelle vivait Lucie Roux n'a jamais été relouée depuis sa disparition. Elle est désormais vide "mais ça ne prendrait pas longtemps de faire des analyses pour voir s'il y a des traces de sang ou si on a là une scène de crime", continue l'avocat de la famille. 

Sur la base de l'ensemble de ces éléments, Christian Saint-André a demandé vendredi dernier -trois jours avant l'ouverture du procès de Nordahl Lelandais- au procureur de la République de Chambéry la réouverture du dossier de la disparition de Lucie Roux. 

Tous sont convaincus que Lucie Roux a fait une mauvaise rencontre. Pour eux, la thèse du suicide ou de l'accident ne tiennent pas car, depuis huit ans, le corps aurait été retrouvé. Si aucun ossement ne l'a été jusqu'à présent, c'est pour eux la preuve que la dépouille de Lucie Roux a été cachée et que sa disparition est la conséquence d'un acte criminel.
 


Qui la jeune femme a-t-elle croisé ? Nordahl Lelandais ? Un autre individu ?

Même s'ils ont l'impression de se battre dans le vide, ils espèrent, plus que tout, obtenir enfin une réponse et que le dossier de la disparition de Lucie Roux ne devienne pas définitivement un "cold case".

"Si on laisse tomber, c’est pire que tout. Si on ne cherche plus, c’est pire que tout. Faut continuer de chercher, c’est impensable de s’arrêter, confiait Olga Roux, la mère de Lucie, il y a quelques semaines, à nos confrères d'Envoyé Spécial sur France 2.

 

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