Au cinquième jour de son procès devant les assises de la Savoie, Nordahl Lelandais n'a pas changé sa version des faits au terme d'un long interrogatoire et malgré l'insistance de son avocat. Il comparaît pour le meurtre d'Arthur Noyer.
Aux environs de 13 heures, ce vendredi, après plus de trois heures d'interrogatoire de l'accusé, la cour a retenu son souffle. Toute l'assistance était suspendue à une réponse, celle que Nordahl Lelandais s'apprêtait à livrer à son avocat. Me Alain Jakubowicz venait de l'exhorter à dire "sa vérité".
"Je vais te parler comme si on était seul", lui avait dit son conseil. "C'est la dernière occasion. Tu as compris que là, c'est un moment important. Hier, tu as entendu les parents d'Arthur Noyer, son frère, sa grand-mère...S'il y a un moment, c'est maintenant".
Et l'avocat de poursuivre sa tentative de persuasion : "ta version est cohérente mais tu as compris que la partie civile et la procureure générale ne la croit pas. Si cette version n'est pas la bonne, c'est le moment. Est-ce que ça s'est passé comme tu l'as dit, où tu l'as dit, et pour les raisons que tu as dit ?"
Dans le box, les mains jointes devant lui, Nordahl Lelandais ne flanche pas. Un peu plus tôt, l'avocat de la défense était revenu minute par minute sur le déroulé de la nuit du meurtre. Il avait lancé à son client : "ce n'est pas la peine de dire des mensonges qui ne servent à rien", sur des détails de son récit. "C'est stupide", lui avait précisé Me Jakubowicz.
"S'il y a un mobile sexuel, ça ne change rien d'un point de vue pénal" et "la qualification, c'est mon domaine. Ton domaine, c'est la vérité. Alors je te repose la question : est-ce que tu as quelque chose à dire, un complément, sur le factuel ?"
Nordahl Lelandais redit calmement : "ce que j'ai dit, c'est ce qui s'est passé".
"Il n' y a rien de sexuel ?", reprend son avocat. "Rien de sexuel", déclare l'accusé.
Le trentenaire reste figé dans sa version de la bagarre qui a mal tourné.
"A cette époque, je me suis perdu"
Durant la matinée, Me Jakubowicz a tenté de démontrer que l'année 2017 avait été l'année de la "la rupture" entre "ce mec bien" qu'il était avant ce mois d'avril selon l'avocat et "celui que l'on décrit comme un monstre".
"Tu avais du succès avec la gente féminine, un poil dans la main oui, des amis que beaucoup aimeraient avoir. A ce moment-là, rien ne te prédestinait à ce que ça bascule. Qu'est-ce qui s'est passé pour en arriver là ?", avait insisté Me Jakubowicz.
"Pour moi, je n'avançais pas dans ma vie", répond de sa voix toujours calme et posée, Nordahl Lelandais.
Son conseil, lui, hausse le ton : "D'accord, mais expliquer aux parents d'Arthur Noyer que tu l'as tué parce que tu n'avançais pas dans ta vie, c'est un peu léger. Comment tu l'expliques ? Les gens qui vont te juger, il faut qu'ils comprenennt ce qui s'est passé !"
"J'ai du mal à l'expliquer", réitère Nordahl Lelandais. "Il n' y a pas d'événement particulier, c'est un enchaînement d'événements. Je me perds tout seul".
Le scénario de la bagarre
"Tu veux qu'on se contente de ça ?", lui lance l'avocat. Nordahl Lelandais n'ajoute pas un mot. Un peu plus tôt il avait expliqué au président de la cour : "je me suis perdu cette année-là, ma vie se résumait à des échecs".
Pendant son interrogatoire d'abord par le président de la cour, puis par les différentes parties, Nordahl Lelandais s'en est tenu au scénario qu'il a avancé depuis le début de la semaine.
Pour Nordahl Lelandais, la soirée du meurtre, il a vu Arthur Noyer "pratiquement au milieu de la route", "il a fait des signes pour que je m’arrête", a raconté l'accusé. "J’ouvre ma vitre, il ouvre ma portière et me demande si je peux le déposer". "A Saint-Baldoph", certifie l'ancien maître-chien "alors qu'il ne connaissait personne à Saint-Baldoph", tempère l'avocate générale.
"Il était agacé", dit encore Nordahl Lelandais. Le jeune homme lui aurait dit qu'il avait passé "une soirée de merde, qu’il avait eu une altercation après s’être fait volé son téléphone". Arthur Noyer lui aurait même dit qu'il aurait "préféré finir la soirée autrement, avec une petite poulette". Des propos qui "ne lui ressemblent pas", dira dans l'après-midi, l'un des meilleurs amis d'Arthur Noyer qui décrit le jeune homme comme "un vrai gentleman".
A St Baldoph, "il est descendu de la voiture et a oublié son téléphone sur le siège passager. Je suis sorti pour lui rendre et il a cru que c'était moi qui lui avait volé", maintient Nordahl Lelandais. C'est suite à cet échange qu'aurait débuté la bagarre.
"Ce que vous dites, c'est un gros mensonge !"
Thérèse Brunisso ne semble pas y croire. "La vraie question est de savoir comment Arthur Noyer a réagi quand il a vu que vous ne l’emmeniez pas à Barby", lui a lancé l'avocate générale, ajoutant "je n’attends pas de réponse. Sinon vous l'auriez déjà expliqué cette semaine".
Me Boulloud, l'avocat de la famille Noyer, s'en est lui tenu à un interrogatoire bref de l'accusé. Il a tenu à pointer certaines incohérences dans le récit de l'accusé, notamment sur les détails de la position du corps de la victime dans le coffre de sa voiture. "Ce n'est pas possible", pointe l'avocat des parties civiles. Mais Nordahl Lelandais reste inflexible et lance : "c'est vous qui le dites que ce n'est pas possible. Moi je vous explique ce que j'ai fait".
"Ce que vous nous dites, c'est un gros mensonge", conclut Me Boulloud avant de se rassoir.
Lelandais se justifie par "un état de panique"
Nordahl Lelandais a également été longuement questionné par les différentes parties sur son comportement, une fois le meurtre commis. "Un mec bien, il aurait appelé les secours, il n'aurait pas coupé ses téléphones", lui dit son avocat Me Jakubowicz.
"J’étais dans un état de panique, je n’avais pas la lucidité", dira toute la matinée l'accusé.
Une lucidité remise en cause par le président qui lui fera noter qu'il avait tout de même "suffisamment de lucidité pour conduire 30 km sur une route de montagne pour trouver un endroit où déposer le corps".
Quant aux différentes versions avancées par l'accusé depuis sa première garde à vue, du déni, à la reconnaissance par étapes d'avoir pris Arthur Noyer en stop puis de l'avoir tué, Nordahl Lelandais dit avoir fait preuve "de lâcheté", "d'un manque de courage". "C'était compliqué de dire la vérité". "C'est dur de dire qu'on a tué un homme".
Le verdict est attendu autour du 12 mai.