Au deuxième jour du procès de Nordahl Lelandais pour le meurtre d'Arthur Noyer, c'était le moment le plus attendu de la journée. L'accusé a livré sa version des faits, au cours de laquelle il a présenté des excuses à la famille du caporal tué le 12 avril 2017.
Mains jointes, les épaules basses, Nordahl Lelandais s'approche du micro. Debout dans le box des accusés, le suspect du meurtre d'Artur Noyer est invité par le président de la cour d'assises de la Savoie à livrer sa version des faits. Durant quinze minutes, il va dérouler le scénario "des circonstances de la disparition d'Arthur Noyer".
D'une voix posée, sans chercher ses mots, il revient sur sa rencontre avec le caporal Arthur Noyer dans la nuit du 11 au 12 avril 2017, alors que ce dernier sortait de boîte de nuit. "Ce soir là, je vais sur Chambéry", raconte Nordahl Lelandais. "Au moment de repartir pour rentrer chez moi, j’ai vu un jeune homme qui était Arthur Noyer. Il était au niveau d’un rond-point, il me faisait signe de m'arrêter. Il était pratiquement au milieu de la route. Je me suis arrêté, j'ai ouvert ma fenêtre. Il a ouvert la portière et demandé si je pouvais le déposer sur Saint-Baldoph".
"Sur le chemin on a parlé d’une histoire de téléphone volé en boîte de nuit", poursuit l'accusé. "Une fois arrivés devant le centre socio-culturel [de Saint-Baldoph] , il m’a demandé de le déposer. Il voulait retourner sur Chambéry pour s’expliquer avec les personnes avec qui il avait eu ce vol de téléphone. Je lui ai dit ça 'sert à rien, rentre chez toi'. Il est sorti, son téléphone était resté sur le siège passager. J'ai vu le téléphone. Je suis sorti pour lui rendre".
"Désolé Arthur"
Fidèle à la ligne de défense qu'il a adoptée depuis ses aveux en mars 2018, Nordahl Lelandais invoque une "bagarre" survenue ensuite. "Quand je lui ai tendu le téléphone, il a cru que j'étais à l'origine du vol de son téléphone en boîte de nuit. J'ai pas eu le temps de finir ma phrase qu'il me met un coup de poing sur la lèvre. Il me remet un deuxième coup de poing. De là s'engage une bagarre. Je réplique avec des coups de poings. Après cet échange de coups, il tombe en arrière."
"Sur le moment je réalise pas, mais je vois qu’il est tombé de haut. Je réagis pas vraiment sur le moment et au bout d'un moment je m'avance vers lui. Je pensais qu'il était K.O. (...) j’approche mon oreille vers sa bouche. Je mets mes doigts au niveau de sa carotide. (...) Je perçois aucun pouls. Je décide de lui faire un massage cardiaque. Y'a aucune réaction."
Nordahl Lelandais marque une pause. Puis il reprend son récit, décrit un moment de flottement et répète : "je savais pas quoi faire". Puis "j'ai décidé de le mettre dans mon coffre." Il explique ensuite reprendre le volant dans le but d'aller déposer le corps dans un lieu discret.
Silence. Nordahl Lelandais verse une larme. Et s'adressant au portrait d'Arthur Noyer posé devant l'accusation : "Désolé Arthur. Désolé pour ta famille. Elle doit être très peinée aujourd’hui d’entendre ce que je suis en train de raconter. Mais je dis la vérité."
L'ancien maître chien termine en expliquant comment il a choisi un "endroit caché" en montagne, qu'il connaissait pour y être allé avec une ex-compagne, pour y "déposer le corps de monsieur Arthur Noyer". "Ensuite, une fois le corps déposé, je suis reparti".
"Il y a bien un monstre Lelandais"
Une version qui ne tient pas, aux yeux de la partie civile. "Je viens de raccompagner le grand-père [d'Arthur Noyer] qui a été particulièrement choqué, parce que lui-même sait que ce n’est pas la vérité", a déclaré à la presse l'avocat de la famille Noyer, Maître Bernard Boulloud, durant une suspension d'audience. "Il le dit avec un tel aplomb, il a tellement préparé cette version pendant 4 ans, qu'il est tellement convaincu par cette version, et qu’il n'en sortira jamais."
Quant aux excuses formulées par l'ancien maître chien, "c’est du cinéma", estime l'avocat. "Quand j’ai regardé [le portrait d'] Arthur lundi, je l’ai regardé droit dans les yeux. Lui il a baissé les yeux. (...) On a parlé de monstre Lelandais hier. Il y a bien un monstre Lelandais qu’on est en train de voir aujourd’hui", a asséné Maître Boulloud avant de retourner assister aux débats.