En Savoie, chroniques d'un confinement d'en haut : Solide comme un roc - 24e jour

Laurent Guillaume, présentateur du Magazine de la Montagne depuis plus de 20 ans, propose tous les jours ses "chroniques d’en haut" en attendant la fin du confinement. Il raconte avec authenticité et parfois humour le quotidien des habitants de sa vallée et porte un regard décalé sur l’actualité.

C’est à Valloire, commune située en Maurienne (Savoie) que Laurent Guillaume passe cette période de confinement, dans un hameau perdu situé à 1 700 mètres au dessus de la station. Ici, l’isolement est dans la nature des choses. 

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Le Galibier, montagne de roche brute culminant à 3 228 mètres trône en solitaire aux confins de la vallée de Valloire. Ici, c’est un symbole, pour son col mondialement connu, mais aussi parce qu’il marque la fin d’un territoire. Il veille sur ses habitants comme un phare sur lequel s’accrochent tous les regards. Aux yeux des gens d’ici, c’est la plus belle montagne du monde, et la plus belle montagne du monde : c’est toujours celle qu’on voit depuis sa fenêtre. Il impose le respect, même s’il est loin d’être le plus haut sommet de la région, loin aussi d’être le mieux dessiné. On peut railler sa silhouette lourde, son manque de légèreté, d’élégance peut-être. N’empêche, à mes yeux comme dans ceux des habitants de mon hameau, c’est un totem. L’expression brutale d’une force bienveillante, solidement ancrée dans le sol, qu’aucun cataclysme ne pourrait ébranler tant ses formes rassurantes semblent avoir été créées pour soulever la vallée. 

On peut puiser une force exceptionnelle en contemplant la montagne, dit-on. Cet après-midi, des heures durant, je l’ai observé. Et c’est vrai que ce sommet, comme tous les autres autour de lui, défie le temps avec une puissance glaciale. Il est le premier à se pavaner au soleil le matin, puis le dernier à s’assombrir le soir, depuis quelques millions d’années. Certes, le réchauffement climatique lui a déjà changé sa robe d’été, son glacier n’est plus que l’ombre de lui-même, mais il ne s’agit que d’un détail à l’échelle géologique, aussi frivole que la couleur d’une écharpe. Lui, le roc, n’a pas bougé. Et il ne bougera pas, en tout cas ces prochains milliers d’années. Peut-être perdra-t-il ici ou là quelques rochers qui tomberont en contrebas, comme les cheveux d’un homme mûr, mais ça aussi, c’est un détail. Lui, impassible, indifférent aux catastrophes, aux vents mauvais, au temps qui passe comme au temps qu’il fait, sera toujours là. Sa force, sa sérénité, sa résistance : c’est à son cœur de pierre qu’il les doit. Voilà bien toute la différence avec les êtres de chair et de sang.

Le Galibier, c’est lui que je vois depuis ma fenêtre, et c’est une raison suffisante pour qu’il soit, à mes yeux, la plus belle montagne du monde. Et mon refuge de pierre.

A suivre...


 
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