En Suisse, les femmes appelées à la grève contre les inégalités salariales

La moitié de la population suisse est appelée à la grève, ce vendredi 14 juin. Pour demander l'égalité des salaires, la tolérance zéro face aux violences sexistes, l'introduction d'un salaire minimum... les femmes feront grève et manifesteront à l'appel de nombreuses associations et syndicats.

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Parades de poussettes, concerts de sifflets, pauses déjeuner prolongées, pique-nique géants... Les femmes suisses sont appelées à se mobiliser, ce vendredi 14 juin, pour dénoncer les inégalités salariales sous la devise : "plus de temps, plus d'argent et du respect". Elles feront grève et défileront vêtues de mauve, notamment à Genève, mais l'ampleur du mouvement reste difficile à estimer tant les débrayages sont rares en Suisse.

Plusieurs manifestations sont prévues tout au long de la journée, avec comme point d'orgue un défilé dans plusieurs villes, dont Berne, devant le Palais fédéral. Et les députés ont décidé de marquer leur soutien à l'initiative en faisant une pause de 15 minutes. Le ministre de l'Intérieur, en charge des affaires sociales, Alain Berset, a pour sa part publié une vidéo sur twitter pour dénoncer les violences conjugales, le harcèlement et le "fossé" existant entre hommes et femmes en matière de salaires et de retraite.
 


La manifestation est jugée "illicite" par l'un des représentants de l'Union patronale, Marco Taddei, arguant que les revendications "ne visent pas uniquement les conditions de travail" et que la Constitution "stipule que le recours à la grève ne doit survenir qu'en dernier ressort". Ce mouvement fait écho à la dernière grande grève féministe qui avait réuni dans tout le pays un demi-million de femmes le 14 juin 1991, dix ans jour pour jour après l'introduction du principe d'égalité entre genres dans la Constitution.

Les femmes avaient alors dénoncé l'absence de mesures concrètes et l'inégalité salariale. Cette mobilisation avait abouti à l'entrée en vigueur, en 1996, de la loi sur l'égalité au travail. Portées désormais par la vague #MeToo, la nouvelle génération de femmes veut poursuivre le combat initié par leurs aînées il y a presque 30 ans, alors que l'égalité salariale n'est toujours pas atteinte.
 

Trois décennies plus tard, les femmes suisses touchent en moyenne environ 20% de moins que les hommes. Et à conditions égales, notamment formation et ancienneté, l'écart salarial est encore de près de 8%, selon le gouvernement. Quant aux agricultrices, environ 70% ne reçoivent pas de revenu car elles travaillent souvent en famille. Elles ne cotisent donc pas pour leur retraite car les non-salariés n'ont pas l'obligation de le faire, une "situation particulière" à la Suisse, déplore la présidente de l'Union des paysannes, Anne Challandes.

 

Long chemin vers l'égalité


Égalité des salaires, introduction d'un salaire minimum, tolérance zéro face à la violence sexiste... les revendications sont multiples. Celles qui ne peuvent pas faire grève toute la journée sont invitées à débrayer à 15h24, heure à partir de laquelle les femmes travaillent gratuitement si l'on prend en compte l'inégalité salariale moyenne de 20%.

A Genève, un groupe de "marraines" a même été lancé pour manifester à la place de celles qui renoncent à défiler par peur de perdre leur emploi. En 1991, une femme sur sept s'était mobilisée, un chiffre d'autant plus exceptionnel que les arrêts de travail sont très rares depuis l'instauration en 1937 de la "paix du travail", une convention signée entre patronats et syndicats excluant le recours à la grève au profit de la négociation.
 
L'idée de refaire grève est née sous l'impulsion des syndicats, ces derniers n'étant pas parvenus à introduire, lors de la révision de la loi sur l'égalité en 2018, le principe de sanctions contre les entreprises violant l'égalité salariale. Un contrôle des salaires a été mis en place, mais limité aux entreprises d'au moins 100 employés.

Les femmes des partis de la droite traditionnelle et du centre n'ont pas appelé à faire grève mais ont demandé la semaine dernière que ce contrôle des salaires soit étendu aux sociétés d'au moins 50 employés. Elles réclament aussi plus de femmes dans les instances dirigeantes. Près de deux tiers de la population suisse, soit 63,5%, soutiennent la grève, selon un sondage publié début juin par le groupe de presse Tamedia.

En Suisse, la reconnaissance des droits des femmes est le résultat d'un long chemin. Ces dernières années, des avancées ont été obtenues, comme la dépénalisation de l'avortement en 2002 et un congé maternité payé de 14 semaines en 2005. Mais le congé paternité n'existe pas et les places en crèche, limitées et coûteuses, sont un handicap majeur à la participation à la vie active des femmes. Et ce n'est qu'en 1971 qu'elles ont obtenu le droit de vote.

 
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