Il y a eu Merlita lors de la première édition en 2012. Puis six autres vaches du Val d'Aoste ont remporté le titre de "Reine de l'Espace Mont-Blanc". Ce samedi 16 septembre, la grande finale annuelle des combats de vaches de France, d'Italie et de Suisse s'est déroulée à La Fouly (Suisse). Immersion dans deux familles d'éleveurs italiens.
Le soleil est déjà haut dans le ciel, en ce matin de septembre, quand Aurelio s'avance, au milieu de son immense étable construite sur les hauteurs de la ville d'Aoste, en Italie. Il tient une sonnaille à la main. Pour savoir à quel cou l'accrocher : pas de risque de se tromper. Son troupeau d'une centaine de vaches est encore en alpage. Alors devant les râteliers soigneusement approvisionnés, il n'en reste qu’une : Samba, sa championne. C'est elle qu'il prépare pour la "finalissima" comme on l'appelle ici, du 16 septembre : la grande finale des Reines de l'Espace Mont-Blanc.
Dans l’arène, les bêtes s’enfourchent, tête contre tête. Les affrontements entre les bêtes, des vaches de race Hérens, peuvent durer de quelques secondes jusqu'à une heure. Un spectacle, dénoncé par certaines associations, mais qui s'avère naturel pour ces animaux : d'un tempérament vif, elles s'affrontent au sein même d'un troupeau pour instaurer une hiérarchie.
7 finales sur 10 gagnées
"580 kilos". Le verdict de la balance est sans appel et semble satisfaire le propriétaire. Un heureux propriétaire, en matière de vaches de combat. En dix ans de "Ligue des championnes" entre l'Italie, la France et la Suisse, la vallée d'Aoste a ramené le titre de "reine des reines" à sept reprises. Aurelio Crétier y est pour beaucoup.
Dans la salle des trophées de sa ferme, Merlita, Canaille et Jardin, ses vaches reines de l'arc alpin, trônent en bonne place. En tableau, en photos à ses côtés, en sculptures de bois, ou reproduites sur des sonnailles... Le souvenir de ses glorieuses combattantes ne le quitte jamais.
Le secret de sa réussite ? Aurelio n'en a pas. C'est ce que sa modestie naturelle lui souffle de raconter. Mais il est, en réalité, animer par une passion qui lui fait prendre soin de sa Samba, comme d'autres choient leur pur-sang arabe ou leur voiture de course.
"Les quelques minutes de combat en finale, c'est l'aboutissement d'un long travail qui commence dès la naissance de la vache. On sélectionne les mères, les taureaux. Puis au moment du vêlage, il faut espérer une femelle. Et si c'est le cas, il faut sélectionner les meilleures. Après, pour savoir si tu as fait le bon choix ou pas, ça se passe dans l'arène, lors de ces grandes finales".
Une plus-value pour tout le troupeau
Ces grandes finales, ces moments où chaque propriétaire marche sur un fil le temps d'un assaut de sa championne : Roberto les connaît bien. Son père les vivait avant lui lors des deux combats vainqueurs en finale des reines de l'espace Mont-Blanc en 2014 et 2017. Et tout autant lors des finales régionales de la vallée d'Aoste gagnées par les Reines de son troupeau depuis des décennies.
"Ici, en vallée d'Aoste, on se connaît tous. Les troupeaux de vaches de combat se rencontrent lors d'une vingtaine de combats de mars à octobre. L'éleveur dont les vaches ont de bons résultats vend mieux son bétail, c'est certain, explique Roberto. Mais quand tu participes à une compétition internationale comme l'Espace Mont-Blanc, ça t'ouvre forcément des portes ailleurs. Une finale donne de la valeur à tout ton troupeau".
Ainsi, la valeur d'une vache ordinaire, qui se situe autour d'un millier d'euros, peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros lorsqu'elle devient reine de la vallée d'Aoste ou, mieux encore de l'arc alpin. Idem pour sa descendance. Une donnée qui a son importance, mais qui, pour Roberto n'est malgré tout pas essentielle.
Mes vaches, ce ne sont pas des chiffres. Elles ont toutes un nom. Avec elles, on se regarde dans les yeux, et on se comprend : c'est un rapport de confiance que l'on noue.
Roberto Bonin, président des "Amis des batailles de Reines"
Une opinion commune dans l'équipe des 16 vaches de l'équipe de la vallée d'Aoste. Dans la famille Betamps, dans la proche banlieue d'Aoste, on n'a pas encore eu la chance de gagner un seul titre de Reine du Mont-Blanc. Mais presque chaque année, Dario, et plus récemment son fils de 12 ans, Emile, mettent un point d'honneur à y présenter leur plus belle vache.
La peur de gagner
Cette année, c'est au tour de Guerra. 600 kilos de corne et surtout de muscles. Cette petite fille d'une lignée de championnes n'a pourtant jamais eu la chance, ou le mental, de gagner un titre de reine de l'espace Mont Blanc.
"Même si, en vallée d'Aoste, avoir une reine lors de la finale régionale c'est certainement plus beau, gagner la finale de l'Espace Mont blanc, c'est déjà un joli rêve", explique Dario, le père. "Mais cette année, la finale se déroule en Suisse (la finale a lieu en alternance en Suisse, France ou Italie, ndlr). C'est à plus de deux heures de route de mon étable. Il y a beaucoup de vaches qui, loin de chez elle, éprouvent de la nostalgie. Et une fois arrivées dans l'arène, devant l'adversaire, refusent de combattre. "
C'est peut-être cette faiblesse, qui explique que ni Guerra, ni ses compatriotes n'aient remporté le titre de Reine de l'Espace Mont-Blanc cette année. Samedi 16 septembre, à La Fouly, la 10e édition s'est terminée sur un doublé suisse. En finale, la vache valaisanne Nicha l'a emporté sur sa compatriote, mal nommée pour l'occasion : Victoire.