VIDEO. Italie : Don Luigi, un prêtre au secours des migrants

A l’état civil, son nom est Luigi Chiampo. Mais dans la vallée de Suse, il est plus connu sous le nom de Don Luigi, le prêtre des migrants. A l’heure où les premiers réfugiés fuyant les talibans afghans arrivent de plus en plus nombreux dans les alpes italiennes, l’une de nos équipes est allée à sa rencontre.

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« Ils étaient encore 30 la nuit dernière…alors on a dû les amener ici ! ». Les paumes de mains retournées vers le ciel en signe d’impuissance, Andrea, le volontaire du centre d’accueil de la Croce Rossa Italiana (la croix rouge) de Bussoleno, en basse vallée de Suse, explique les conditions dans lesquelles il a encore dû travailler la nuit précédente.
A Oulx, 60 kilomètres plus haut dans la vallée, la cinquantaine de place du refuge de « la fraternità Massi » fondé il y a 4 ans par Don Luigi, ne suffit plus désormais à assurer l’accueil des dizaines de réfugiés qui débarquent chaque jour : d’Afghanistan surtout.
« Ils arrivent presque tous par la route balkanique. Après des mois et des mois de galère pour franchir les postes frontières des ex-pays du bloc de l’Est, les murs parfois comme en Hongrie, ces afghans arrivent dans les grandes gares ferroviaires ou routières de Milan ou Turin. Les observateurs que l’on a dans ces points stratégiques, nous avaient prévenu de cet afflux de réfugiés. Mais on a été un peu surpris de leur nombre », explique Andrea.

Arrivées de migrants : du jamais vu depuis le rush de 2017

Ce qui n’a pas empêché le petit refuge installé dans un bâtiment paroissial il y a 4 ans par Don Luigi, de se retrouver à court de place.
« Nous avons été obligé d’en redescendre une dizaine dans la basse vallée. Ici, au centre de la Croix rouge de Bussoleno. A la descente de leur train, ça n’a pas été facile de leur expliquer qu’il fallait rebrousser chemin de 60 kilomètres pour dormir. A Oulx, ils n’étaient plus qu’à 10 kilomètres de la frontière française… alors vous vous imaginez leur désarroi ? », conclut Andrea.

En face de lui, Don Luigi acquiesce. « Bien sûr, que c’est dur », commente le curé. Depuis l’hiver 2017, quand les chroniques de faits-divers ne parlaient que des migrants africains qui, souvent en tennis et tenues de ville, affrontaient les cols de haute altitude pour passer en France : le curé de Bussoleno était déjà là.
Pour ouvrir les maisons des 4 paroisses dont il a la charge. Pour accueillir des migrants dans sa propre maison de famille, pourtant déjà transformé en centre d’accueil des enfants en souffrance.
Pour assurer aux réfugiés, pain et coucher pour une ou plusieurs nuits avant de reprendre le chemin menant à la frontière française.

Oulx : dernier point d’accueil pour les migrants en Italie

« En Italie, après les faillites des centres d’accueil de Vintimille, sur la côte d’Azur, de Trieste sur l’Adriatique, de Lampedusa dans le sud qui est débordé, notre refuge d’Oulx est devenu le dernier point d’accueil où les migrants peuvent reprendre quelque force avant poursuivre leur route vers le nord de l’Europe », explique Don Luigi de retour dans son église de Bussoleno.

Car le prêtre a beau avoir été chargé par l’évêque de Turin d’accueillir les migrants, il n’en continue pas moins sa mission de base : à commencer par celle de célébrer les offices.
« Cela fait 35 ans que je suis dans le soutien aux personnes en difficulté. Aujourd’hui, l’accueil des migrants, mais hier encore c’était les toxicomanes, avant encore les alcooliques, et encore avant les malades mentaux…les destinataires de ma mission changent, mais pour ce qui est de ses modalités, c’est toujours la même chose : ne laisser personne sans attention au bord du chemin ».

Son expérience, Don Luigi ne se l’est pas forgée dans les seules églises. Sa vie de prêtre n’est que l’aboutissement d’une longue série de vies. De métallo d’abord, quand il travaille dans les forges d’une usine sous-traitante de Fiat. De sportif de haut niveau aussi, quand il enchaîne les kilomètres parcourus lors des marathons de Turin, Stockholm, Londres ou Carcassonne. De prêtre ouvrier enfin, quand 3 mois avant d’être ordonné prêtre, un chroniqueur sportif le baptise : le « diacre volant ».

« Quand un migrant arrive en Italie, il doit savoir qu’il est vraiment arrivé en Europe »

Et il continue de courir, de voler… le curé, aux 4 coins de sa val di Susa natale. Pour mobiliser les services communaux des villes et villages qui trouvent des familles pour faire de l’accueil « diffus » des migrants.
Pour remonter la vallée jusqu’à Oulx afin de s’enquérir des conditions d’hébergement des derniers migrants arrivées.
« Quand ils arrivent dans notre foyer de la haute vallée, ils nous disent : « mais c’est un hôtel à 5 étoiles que vous nous offrez là ! » On comprend pourquoi ils nous disent cela, lorsqu’ils nous racontent comment ils sont traités par les gardes-frontières ou les populations des pays qu’ils ont traversés avant l’Italie. »

En Turquie, en macédoine ou en Croatie, la « pasta » qu’on leur sert, a souvent le goût du bâton, d’après les témoignages.

« Et quand ils me demandent, » poursuit Don Luigi : « mais ici, tout est gratuit ? » ; là je comprends qu’ils ont véritablement saisi la dimension de l’accueil qu’ils doivent recevoir dans la bonne partie de l’Europe : cet esprit existe aussi bien en Italie, qu’en France, qu’en Allemagne ! »

Et lorsqu’on lui rétorque que cet esprit d’accueil est mis à mal tous les jours par les renvois aux frontières opérés par les forces de l’ordre françaises, voici ce qu’il répond.
« Bien sûr, que la polices française les repoussent aux frontières, ces migrants. Mais qu’y a-t-il d’étonnant à cela puisque ces personnes n’ont aucun droit pour rentrer en France, si ce n’est de vouloir fuir la misère. Mais leur objectif n’est pas la France ou l’Italie : c’est l’Allemagne, ou le nord de l’Europe. Par rapport aux mois de voyage qu’elles ont dû affronter : la spoliation de leurs biens pour payer à prix d’or leur fuite, les coups ou les morsures de chiens qu’elles ont reçu, les vols qu’elles ont subi…après tout cela, ce n’est pas d’être repoussé aux frontières de la France qui va leur faire peur, tout de même ! »

Alors, peu importe le nombre de tentatives qu’il faudra à leurs invités de la nuit. Don Luigi et ses « volontaires de la main tendue » continueront d’être là. Pour les 10 mille migrants déjà passé par Oulx depuis l’an dernier…et les milliers d’autres à venir.
 

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