En France, cette fin d'année rime avec grève à la SNCF. Depuis le 11 décembre, un préavis reconductible est en cours contre le démantèlement du frêt et l'ouverture à la concurrence des lignes régionales. C'est le 17ᵉ préavis à cette période en 21 ans. Un sénateur des Alpes-Maritimes voudrait concilier la continuité du service public et le droit de grève dans les transports en commun avec une loi.
En ce vendredi de grands départs en vacances, la question se pose : quelles sont les différentes modalités du droit de grève en France et en Italie ?
En France, le droit de grève est inscrit dans la constitution, chez nos voisins transalpins aussi - article 40 -
Mais en Italie, une loi est en vigueur depuis 1990. Certains services comme La Poste, l'Éducation nationale, les crèches, le transport de déchets ou encore les transports en commun sont considérés comme "essentiels".
Cette loi garantit donc "la jouissance des droits de la personne protégés par la Constitution : droits à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité, à la liberté de circulation, à l’assistance et à la prévoyance sociale, à l’éducation et à la liberté de communication".
Concrètement, ce texte de 1990 fixe le cadre de prestations minimales dans ces services essentiels, mais elle laisse aux partenaires sociaux le soin de fixer les règles.
Des périodes sanctuarisées
Et dans ces secteurs précis, il n'est pas question de cesser le travail n'importe quand, car cette loi de 1990 instaure des "périodes sanctuarisées", durant lesquelles les mouvements sociaux ne sont pas autorisés.
Pour le secteur spécifique des transports, sont concernés les chemins de fer, les transports en commun, mais également aériens et maritimes.
En résumé, deux mois sont interdits de grève, il s'agit des périodes où il y a des déplacements de population. Et comme les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord, c'est une autorité administrative indépendante, " la commission de garantie" qui a été saisie pour suppléer cette carence.
Un préavis de 10 jours et des plages à respecter
En Italie, un préavis doit être déposé avec 10 jours d'avance avant le début de la grève avec indication de la durée. En France, il est de 5 jours et le mouvement peut être renouvelable.
Et de l'autre côté de la frontière, quand il y a grève, les transports sont complètement assurés pendant les heures de pointe, de 6 heures à 9 heures et de 18 heures à 21 heures, soit six heures par jour.
Aldo Sevino est avocat aux barreaux de Lyon et de Turin. Il précise que cette autorité administrative indépendante a également un rôle de contrôle. Date, délais des préavis, elle vérifie tout.
"Entre 60 et 80 % des grèves déclarées sont annulées ou reportées après cet examen. Cette autorité administrative, c'est un peu la "police des grèves" explique l'avocat.
Une limitation du droit de grève selon les syndicats
Forcément, cette loi vieille de 35 ans est contestée par les syndicats italiens.
L'efficacité de la grève n'est plus la même, c'est la limitation d'un droit de grève qui est constitutionnel. Aujourd'hui, nous voyons que cette loi est détournée de son objectif initial et sert d'autres fins notamment politiques et antisyndicales.
Roberto Gulli, secrétaire général du syndicat UIL transports Ligurie
Une proposition de loi de plusieurs sénateurs
Joint par France 3 Côte d'Azur, Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes et rapporteur de la loi, rappelle qu'une proposition de loi s'inspirant en partie du modèle italien a été votée par 70% de ses pairs.
Elle vise les transports terrestres (mais pas aériens) et permet selon lui de ne pas remettre en cause le droit de grève, mais d'éviter qu'il soit détourné pour garantir la mission de service public et pour le citoyen, la liberté d'aller et venir. Ainsi, la proposition de loi interdit une grève de 59 minutes tout comme les grèves perlées.
🎁 Grève de Noël à la SNCF :
— Les Républicains Sénat (@lesRep_Senat) November 13, 2024
"Depuis 1947 il n'y pas eu UNE année sans un jour de grève à la SNCF" pointe @PhilippeTabarot et face à ces dévoiements, appelle à encadrer le droit de grève dans les transports.#QAG pic.twitter.com/7V11cHeqCf
Depuis 1947, il n'y a pas eu une seule année sans un jour de grève de la SNCF et sanctuariser certaines périodes comme Noël, les grands départs en vacances, les jours d'examen ou de consultations électorales.
Philippe Tabarot, sénateur LR des Alpes-Maritimes
Votée en avril, la proposition de loi du Sénat concerne une période sanctuarisée d'un mois.
Les syndicats français vent debout
Le droit de grève est inscrit dans la constitution depuis 1946 et pour Céline Petit, secrétaire départementale de la CGT, cette proposition de loi est une attaque de ce droit constitutionnel.
Non, ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Sinon, c'est une attaque aux libertés collectives des salariés de pouvoir s'organiser pour lutter contre des conditions de travail et des réorganisations d'entreprises totalement nauséabondes. Vous croyez qu'aujourd'hui, les salariés se mettent en grève juste pour le plaisir de faire grève ? Non !
Céline Petit, secrétaire départementale de la CGT
Pour Maître Aldo Sevino, une loi fixant le droit de grève dans les transports publics n'est pas anticonstitutionnelle. En France comme en Italie, le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent, certaines professions (militaires, pompiers) ne peuvent l'exercer.
Désormais, dans le cadre de la navette parlementaire, le texte doit être examiné par les députés. Reste donc la question du débat politique, qui risque fort d'être agité au palais Bourbon !