La vidéo que Forrest Schorderet a partagée sur Instagram fait froid dans le dos. Emporté par une avalanche, Lake, son frère, a bien failli mourir. Il s'en est sorti grâce à la gestion sans faute des trois autres, aguerris à la recherche DVA, mais ils témoignent pour "faire réfléchir"
Forrest et Lake Schorderet, les deux frères bien connus de la planète pro du freeride, ont décidé ce samedi 20 mars de sortir les skis, et d'aller en hors piste profiter du grand beau qui leur tend les bras en montagne, à Saint-Luc Chandolin dans le Valais Suisse.
Avec leurs deux amis Per et Fred, qu'ils connaissent par coeur "avec lesquels on skie depuis 10 ans, avec qui nous avons fait nos premières compétitions de Freeride " ils ont bien l'intention "de faire de beaux virages et de ramener de belles images".
"Il fait beau, la neige est belle. On fait quelques petites lignes, des belles photos, la journée parfaite" raconte Forrest Schorderet
Et puis soudain...
D’un coup la peur, le stress, l’euphorie n’y est plus. Une grosse avalanche m’emporte moi et mon frère Lake
Tout s'est passé en quelques minutes, tel un raz-de-marée : "la puissance de l’avalanche nous emporte en bas de la montagne. Lake a disparu, sans aucun doute enseveli en quelques secondes".
Sur leur casque, leur caméra embarquée enregistre toujours, et les minutes qui suivent le départ de l'avalanche qu'ils ont eux-mêmes déclenchée durent ...une éternité glaçante : à travers les images, on ressent physiquement, en direct, le souffle incroyable de la poudreuse en rage, l'épaisseur de la vague qui aveugle, et les premiers cris de panique, quand ils réalisent que Lake a été emporté, disparu, enseveli quelque part...
Si les deux frères et leurs amis ont choisi d'un commun accord de diffuser cette vidéo sur Instagram, "ce n'est surtout pas, en aucun cas pour faire du buz" insiste farouchement Forrest l'aîné des deux frères "mais on a longuement réfléchi, et on s'est dit que c'était important de faire passer le message, de sensibiliser tous les amateurs de hors-piste, pro ou non, qu'ils prennent conscience qu'il faut faire extrêmement attention".
Nous, nous aurions dû être plus prudents,on est conscients de notre erreur et c'est important que notre exemple serve aux autres " insiste le freerider.
Miraculés, et encore un peu sonnés par l'événement, les deux frères ont accepté de montrer des extraits de leurs images, et de témoigner à la télévision suisse RTS
Je me retrouve complètement enseveli. Et tout d'un coup, la peur prend le dessus. On essaie de bouger. On n'y arrive pas. On essaie de crier, mais ça ne sert à rien. Je me suis dit que c'était fini",
Sa GoPro a continué à tourner, et sur les images, on perçoit, en même temps que lui, le manque d'oxygène dans son carcan de neige, l'obscurité presque complète, et puis des sons, des appels, des "on t'aime, tiens le coup, on est là Lake, reste calme" perçus comme des échos qu'on distingue mal, puis qui deviennent plus distincts au fur et à mesure que ses sauveteurs creusent et apparaissent, dans un rai de lumière.
Forrest a posteriori poursuit son récit "Nos 2 amis sont encore en haut, Per appelle les secours, Frédo me rejoint pour entamer la recherche. On localise mon frère après 2min et on lui dégage la tête après 5min. Il est inconscient au début, mais il respire, il finira par se réveiller en sursaut. Le premier hélicoptère arrive après 20min, le second avec le médecin 30 min après. Mon frère n'a rien, il va bien".
"Nous n'aurions pas dû partir en même temps à deux, dans cette descente trop pentue, j'ai mal jugé la situation
Forrest estime avoir "mal jugé" la situation, et sous-estimé le risque d'avalanche marqué de 3, ce jour-là." Nous n'aurions pas dû skier dans ce secteur, ni s'élancer en même temps, c'était une grave erreur".
Et sur son compte instagram, il débriefe :
1)Nous n’aurions jamais dû skier à 2 dans cette face et nous n’aurions pas dû sauter ce rocher
2) Nous aurions dû faire une traverse de sécurité, voir si c’était bien stable avant de s'élancer.
"On a décidé de partager ce témoignage en étant conscient de nos erreurs. Il a comme seul et unique but de prévenir.(...) et d'expliquer les points positifs et négatifs à retenir.
Car les points positifs dans cette terrible mésaventure, sont loin d'être négligeables . "Ce sont des miraculés mais ce qui les a sauvés, c'est qu'ils étaient aguerris et bien entraînés à la recherche en avalanche," a déclaré le responsable des secours suisses Pascal Gaspoz.
"Malgré le stress et la peur" écrit le freerider, "on a réussi à bien s’organiser avec mes amis pour le sauvetage. Rapidement, chacun avait une tâche définie. Per à directement appelé les secours, il connait Chando et savait exactement dans quel secteur on se trouvait. Ensuite Fred m’a rejoint, m’a confirmé que le signal du départ (60m était bon) et ensuite il a directement commencé à sonder".
"On espère qu'elle aura un impact sur certains skieurs-snowboarders"
"On est conscients qu’on a fait des erreurs. On voulait montrer ce qu’on a fait faux", explique Forrest Schorderet. Sur son compte instagram dans les commentaires, ils sont nombreux à remercier les freeriders du partage de cette expérience, qui aurait pu tourner au drame. Tous saluent" le sang froid, la précision et la coordination dont ils ont fait preuve".
"Malgre les erreurs vous pouvez être fier de votre réaction" écrit l'un."Une vidéo qui fait énormément réfléchir" commente un autre ou encore ce commentaire : "On mesure combien un sauveatge peut-être stressant et intense en émotion mais qu'il faut garder tout son calme, et on réalise combien il faut être entraîné, merci".
"L'entraînement régulier et la pratique de la recherche DVA en situation d'accident est essentielle,même si parfois hélas, cela ne suffit pas toujours" ont rappellé les pisteurs secouristes de Val d'Isère, qui entraînent régulièrement en ce moment y compris leurs chiens d'avalanche
En montagne, la saison est partulièrement meurtière cette année. Rien qu'en Valais, onze personnes sont mortes dans des avalanches.
Mardi dernier, l'ancienne championne française de snowboard Julie Pomagalski, est décédée dans un secteur hors piste, le canton d'Uri. Elle était âgée de 40 ans. Bruno Putelli, guide de haute-montagne, y a aussi trouvé la mort. Il était depuis un an en retraite d'un poste de secouriste à la CRS Alpes d'Albertville, en Savoie.
Dans les stations des Alpes du nord, les stations des Alpes du nord multiplient ces dernières année les séances d'initiation, menées par les pisteurs secouristes, des guides de haute- montagne ou des équipes des Pelotons de Gendarmerie de haute-montagne.
Les pisteurs-secouristes de la station des Deux-Alpes organisent par exemple des séances d'initiation aux bonnes pratiques en montagne. Pour se familiariser avec les outils nécessaires avant chaque sortie et connaître les bons réflexes.