Produit exclusivement en Savoie, à plus de 1500 mètres d'altitude et selon un cahier des charges draconien, le Beaufort "Chalet d'alpage" est le prince des Beaufort. Un fromage rare fabriqué de juin à octobre par seulement 17 producteurs, avec le lait chaud provenant obligatoirement de la traite d'un seul troupeau de vaches de races Tarine et Abondance.
La fabrication du prince des Beaufort commence à 2035 mètres d'altitude au-dessus d'Arêches-Beaufort, en Savoie. Avec pour fond sonore le bruit d'un torrent venu rafraîchir les quatre bidons du lait à peine récolté de la première traite du jour.
Et pour toile de fond, une large étoffe de lin toute blanche. Florent vient de la retirer de l'étendage où elle séchait, ouvrant une fenêtre sur les paysages verdoyants de la vallée qui donne son nom à ce fromage : le Beaufortain.
Un fromage qui a le temps pour lui
"Cela fait plus de 30 ans que je suis dans la filière Beaufort", explique Florent Perrier du Gaec Alpage Les Arolles. "J'ai eu la chance de rencontrer des personnes qui avaient elles-mêmes hérité du savoir-faire des générations passées. Cette expérience m'a permis ensuite d'apporter chaque été, mon analyse et mon expertise pour progresser au fil du temps".
Le temps, c'est bel et bien l'un des ingrédients essentiels de ce fromage d'exception. Par sa rareté, d'abord. Sur les plus de 54 000 meules de Beaufort d'été produites l'an dernier, à peine 10 000 sont d'appellation "Beaufort Chalet d'alpage".
Mais le temps, c'est surtout la composante première d'une fabrication où chaque heure, chaque jour est compté. Produit, comme tous les Beaufort pendant la période dite "des 100 jours", de juin à octobre, quand le troupeau de vaches Tarine et Abondance est à l'alpage à plus de 1500 mètres d'altitude, le Beaufort chalet d'alpage sera affiné en cave pendant une période variant entre 5 et 12 mois, "voire jusqu'à 2 ans", précise Florent. "Pour les amateurs de fromage vieillis".
Des meules de 40 à 45 kilos
Sur les étagères en bois de sa cave d'affinage, quelques-unes des 200 meules annuelles produites par sa fromagerie : un vrai trésor qu'il cajole, qu'il bichonne chaque jour pendant toute la durée de leur séjour. Faisant prendre à ses meules, tantôt un bain de saumure de sel ("300 grammes de sel par litre d'eau", précise-t-il. "C'est important que le fromage prenne beaucoup de sel dès sa première semaine passée ici : pour sa conservation future"), tantôt en leur prodiguant des soins dignes d'un salon de beauté.
"Là vous voyez que je coupe l'arête des bords de la meule. D'abord, pour préserver sa belle forme concave caractéristique du Beaufort. Car une arête trop aiguë risque de casser la croûte. Mais aussi mes genoux qui m'aident bien à retourner chaque jour les fromages."
Une préoccupation que l'on ne peut que partager avec Florent, le poids d'une meule oscillant entre 40 et 45 kilos.
Un Beaufort des sommets
Des tâches à la main qui font partie intégrante d'un cahier des charges très rigoureux. Associée à l'obligation de vivre l'été en haute montagne, elle a pu décourager certains producteurs de Beaufort "chalet d'Alpage". Ils ne sont que 17 au total...
Parmi eux, Florent, à la fromagerie, et Mélanie, qui s'occupe de nourrir, soigner et traire Réglisse, Nougatine et les autres vaches d'un troupeau qui compte 70 têtes. Pas moins, mais pas davantage non plus : le lait du prince des Beaufort ne pouvant provenir que d'un seul et unique troupeau.
"On a aussi l'obligation de les traire deux fois par jour, matin et soir", explique Mélanie Regazzoni. "C'est important de vider la mamelle régulièrement".
Vider la mamelle d'un lait riche d'une diversité de végétaux contenue dans une herbe de haute altitude à nulle autre pareille. On y compterait plus de 130 espèces végétales différentes au mètre carré.
Essentiel pour donner au prince des Beaufort cette pâte plus jaune et ce goût plus fruité qui forgent ses lettres de noblesse auprès des gastronomes.