Le cardinal Barbarin a été condamné jeudi à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lyon pour "non dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs". Les autres prévenus, poursuivis avec lui par citation directe de la "Parole libérée", bénéficient d'une relaxe.
La justice des hommes est passée. Le cardinal Barbarin a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à six mois de prison avec sursis pour non "dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs". Ses avocats ont aussitôt annoncé qu'ils faisaient appel de la décision.
Les termes du jugement font clairement apparaître la responsabilité de Mgr Barbarin : "Il est établi qu'en mars 2010, Philippe Barbarin était précisément informé de faits d'agressions sexuelles commis par Bernard Preynat sur cet enfant qu'était Francois Devaux (le fondateur de la "Parole libérée") Aucune dénonciation n'était effectuée par le cardinal à cette époque (...) Cela apparaît tout à fait regrettable car une enquête aurait pu être ordonnée. Francois Devaux aurait pu ainsi être entendu plus tôt sans risque pour lui peut être de se voir opposer la prescription des faits subis (...) Le tribunal retient plutôt que le cardinal craignait la diffusion de cette information".
Le tribunal se veut même plus accusateur : "Alors même que ses fonctions lui donnaient accès à toutes les informations et qu'il avait la capacité de les analyser et de les communiquer utilement, Philippe Barabarin a fait le choix en conscience, pour préserver l'institution à laquelle il appartient, de ne pas les transmettre à la justice "
A l'issue des débats, lors du procès début janvier, la procureure Charlotte Trabut n'avait pourtant requis aucune peine à l'encontre de l'archevêque, ni des cinq anciens membres du diocèse poursuivis avec lui, tout en assurant de son impartialité: "Le ministère public ne s'oppose pas aux parties civiles, pas plus qu'il ne soutient mordicus les prévenus".
Le procès avait été marqué par les silences de certains prévenus et la parole décomplexée des victimes. Des témoignages, crus et poignants, livrés à la barre par d'anciens scouts à l'origine de l'affaire. Mais l'avis du procureur était strictement conforme à celui du parquet de Lyon, qui avait classé sans suite une première enquête en 2016.
Soutenus par l'association de victimes "La Parole libérée", neuf hommes avaient d'abord accusé le père Bernard Preynat d'avoir abusé d'eux - son procès n'a pas encore eu lieu - avant de porter plainte contre ceux qui n'ont rien dit des agissements du prêtre.
L'affaire ayant été classée sans suite, "La parole libérée" avait choisi en 2017 une procédure de citation directe devant le tribunal, qui leur garantissait un procès pour la première fois depuis la révélation de l'affaire fin 2015. Une procédure qui leur permettait aussi de médiatiser le silence de l'Eglise dans le traitement des cas de pédophilie en son sein.
Relaxe pour les autres prévenus
Xavier Grillon, vicaire épiscopal du Roannais, là ou officiait le père Preynat, est relaxé de toute peine. "S'il connaissait la rumeur qui circulait au sujet de Bernard Preynat à compter de 2012, (...) rien n'établit qu'à cettte époque , l'information était suffisamment consistante pour constituer une véritable connaissance des faits". Et ce d'autant plus que l'une des victimes qu'il avait rencontrée "l'informait de son intention d'agir lui-même". De fait , Alexandre Hezez portait plainte un peu plus tard, le 5 juin suivant.Régine Maire, la psychologue laïque bénévole du diocèse, qui avait recueilli la parole de certaines victimes du père Preynat et qui était à ce titre poursuivie des mêmes chefs d'inculpation que le cardinal Barbarin, bénéficie elle aussi d'une relaxe. Le tribunal lui fait crédit des démarches effectuées auprès de l'archevêque : "Elle pensait de bonne foi qu'elle contribuait à ce que des personnes responsables au sein de l'institution religieuse soient saisies en toute connaissance de cause".
Quant à Pierre Durieux , l'ancien directeur de cabinet de Mgr Barbarin, il est également innocenté. En 2014, il communique aussitôt au cardinal Barbarin un courriel d'une des victimes et planifie une prise de rendez-vous avec lui au mois de novembre. Le tribunal estime donc qu'il n'a fait preuve d'aucune inertie dans cette affaire.
L'évêque de Nevers "sauvé" par la prescription
Thierry Brac de la Perrière est aujourd'hui évêque de Nevers. A l'époque, en 2011, il est évêque auxiliaire de Lyon. c'est vers lui que Régine Maire oriente une autre victime Il lui assure alors que Bernard Preynat n'est "plus en contact avec des enfants" mais n'informe ni les autorités judiciaires, ni son supérieur le cardinal Barbarin."Aucune des raisons invoquées (pour justifier son silence) apparaît sérieuse et recevable", estiment les juges. Notamment, celle de son départ quelques mois plus tard vers un autre diocèse, qui trahit "le signe plutôt de son indifférence aux victimes potentielles de Bernard Preynat et du souhait d'emporter un secret". Toutefois, aucune condamnation n'a été prononcée en raison de la prescription des faits, dont le délai était de trois ans en 2016 quand l'affaire a démarré.
Un autre prélat, Maurice Gardès, aujourd'hui évêque d'Auch, est relaxé pour une toute autre raison. Archidiacre dans le Roannais en 2004, il n'ignore pas la rumeur au sujet de Bernard Preynat. Mais il ne dispose à ce moment là d'aucune plainte de victime ou d'information directe. Le tribunal prononce donc à ce titre sa relaxe.
Le reportage de Sylvie Cozzolino et Thierry Swiderski :
La chronologie de l'affaire avec Julien Sauvadon :