Le deuxième long-métrage de Jérémy Saulnier était présenté en compétition ce dimanche. Ce qui devait être au départ un polar de série B s'est mué en une dénonciation de la vengeance.
Michael Douglas et Steven Soderbergh vendredi, Cate Blanchett et Forest Whitaker samedi, Jamie Fox et Roland Emmerich ce dimanche, une pluie de star s'est abattue sur le tapis rouge de Deauville ce week-end. Mais le festival, ce n'est pas que les grands noms d'Hollywood mais également une sélection de films indépendants, plus discrets, parfois moins flamboyants, mais tout autant (voire plus) intéressants. Parmi eux, "Blue Ruin", le second long-métrage de Jérémy Saulnier.
L'histoire: celle de Dwight décidé à venger la mort de ses parents près de 20 ans plus tard. Le synopsis classique d'un film de série B, ce que confirme son metteur en scène. "Quand j'ai écrit la première version du scénario, j'étais beaucoup plus cynique, je voulais faire un film d'action cool, un film d'exploitation", à l'instar de son premier long-métrage mêlant horreur et comédie. Mais le train a en quelque sorte déraillé. Au final, le film est une dénonciation de l'absurdité du cycle infernal et sans fin de la vengeance. "J'ai l'air jeune mais je ne le suis pas tant que ça (37 ans), je suis un père de famille et mon expérience a nourri le script. Je m'étais rendu compte que j'étais trop mou, trop gentil pour faire un pur film d'action. J'ai voulu donner le point de vue d'un américain normal."
Par ses thèmes et son iconographie, la vengeance, la famille, les armes à feu, "Blue Ruin s'apparente au western, une influence reconnue par le réalisateur. On pourra y voir également une dénonciation de la liberté du port d'armes aux USA, une interprétation partagée mais tempérée par Jérémy Saulnier. "Quand le film est présenté hors des Etats-Unis, les spectateurs sont marqués par ce déferlement d'armes. Le film se passe en Virginie, l'Etat dans lequel j'ai grandi et là-bas, les armes font partie intégrante de la culture. Même si je ne possède pas d'armes, je sais m'en servir et je me suis exercé sur des stands de tir. Dans la première version du scénario, il y avait plus de dialogues critiques sur la question des armes. Je n'ai pas voulu faire un film trop politique,je n'ai pas voulu me focaliser sur ce sujet mais c'est quand même une déclaration de ma part, que je le veuille ou non".
Six ans séparent les deux longs-métrages de Jérémy Saulnier. Blue Ruin a été "très compliqué à monter". Le réalisateur a voulu construire son film autour de son personnage principal, incarné par Macon Blair, son ami, "un talent énorme qui n'avait pas été utilisé au maximum de ses possibilités". Un talent énorme mais totalement anonyme. Pas de quoi rassurer les producteurs. Il a donc dû mentir pour arriver à ses fins, notamment aux directeurs de casting. Les acteurs expérimentés recrutés pour les seconds rôles ont permis ensuite de trouver les financements.
Un pari risqué mais que voulait tenter Jérémy Saulnier à tout prix. Pas question de transiger sur le rôle principal. "Je savais que mon ami allait s'investir à 100% sur le film. On dit souvent que des comédiens expérimentés vont pouvoir porter un film. Ce n'est pas forcément vrai. J'ai été directeur de la photo sur plusieurs longs-métrages et j'ai pu m'en rendre compte. Quand les comédiens ne sont pas suffisamment investis, le réalisateur peut se retrouver pris en otage par ces mêmes comédiens."