Revue du web : L'Origine du monde au coeur de la controverse

Dès son annonce, le "scoop mondial" de Paris-Match a été largement commenté chez nos confrères et très vite des doutes ont été émis. Nous avons également interrogé la conservatrice du musée Courbet qui attend l'identification du laboratoire de musées de France pour se prononcer.

"Je suis effondré. Cette histoire est de la foutaise. La manière n'a rien à voir avec celle de Courbet. Un enfant de 2 ans verrait cela! On ne repère nulle part le métier, la touche large, grasse et majestueuse. La matière pétrie…" déclare le marchand et expert Hubert Duchemin, interviewé par Le Figaro et l'AFP. "Il y a chez Courbet une sauvagerie, un travail avec des brosses larges. Ici le visage de la femme est réalisé de façon plus fine, plus méticuleuse, plus académique. C'est un travail de belle qualité, contemporain de Courbet mais ce n'est pas un Courbet". 


Le journaliste spécialisé du Monde Philippe Dagen lui non plus ne veut pas y croire et s'en amuse même : "Mais le plus gênant se trouve dans la reconstitution de ce qu'aurait été la toile avant découpe. Pas besoin d'être anatomiste pour remarquer que, pour que ces épaules soient attachées à cette poitrine et ce ventre, il faudrait des seins très bas - ou une gorge très haute - et une colonne vertébrale d'une rare souplesse : le modèle de L'Origine du monde est à demi couché vers la droite alors que le cou et le visage du tableau réapparus sont tournés vers la gauche.
Pour un peintre aussi attentif à la réalité des corps que Courbet, cette absurdité serait pour le moins étrange. A moins que se cache là la clé de l'énigme. Comme les odalisques d'Ingres, la modèle de Courbet jouissait de quelques vertèbres supplémentaires qui lui auront permis une élasticité hors du commun. La version "hard" de la Femme au perroquet était donc en vérité un hommage rendu par Courbet à Ingres, dont le Bain turc se trouvait alors chez Khalil-Bey, heureux possesseur au même moment de L'Origine du monde... On plaisante, évidemment."


On imagine ces spécialistes manipulant leur exemplaire de Paris-Match pour se faire leur avis. Comme André Gunthert sur son blog L'atelier des Icônes : « Dommage que le mouvement du buste, tourné vers la gauche, ou celui du drapé paraissent incompatibles avec la position de la jeune femme du portrait. Dommage que la pose envisagée par le croquis de Match soit d’une niaiserie difficilement conciliable avec le style de Courbet autant qu’avec le réalisme de “L’Origine…”. Rien de grave, le magazine publiera un autre article sur la controverse, qui fera encore une bonne vente. »

Rien de grave effectivement et rien de définitif. Didier Rykner le souligne sur son journal en ligne La Tribune de l'art : "« il est dommage que les conservateurs du Musée d’Orsay, sans doute tétanisés par l’enjeu et qui savent bien qu’il s’agit d’un scoop frelaté, ne veuillent pas le dire franchement sous prétexte qu’ils auraient « un devoir de réserve s’agissant d’œuvres en mains privées ». (...) Et comme il est dommage qu’un expert effectivement (pour une fois) reconnu de l’artiste puisse faire preuve d’une telle légèreté. »

Laissant le mot de la fin à Frédérique Thomas-Morin, conservatrice du Musée Courbet à Ornans. Elle affiche son scepticisme auprès de nos confrères de l'AFP : "L'Origine du monde a toujours été décrite par les critiques de l'époque de Courbet comme une femme sans tête, ni jambes. Évidemment la question de savoir qui était cette femme s'est posée mais personne n'a jamais parlé d'un autre tableau", dit la conservatrice. Courbet a fait plusieurs portraits connus de Jo Hifferman, qui était rousse, et je trouve qu'il y a peu de ressemblance avec le visage de la brune du tableau de Paris-Match".

Vous pouvez également écouter sa réaction dans le reportage de Pascal Schnaebele et Jean-Pierre Belon. Le vice-président de l'Institut Gustave Courbet explique également pourquoi il souscrit à la thèse élaborée par le propriétaire du portrait.

 


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