Vacciner un enfant doit-il rester une obligation ou relever désormais du libre choix des parents? Le Conseil constitutionnel répondra à cette question sensible vendredi 20 mars 2015.
Pourquoi la famille Larère refuse-t-elle la vaccination ?
Marc et Samia Larère, qui habitent dans l'Yonne, ont contesté mardi 10 mars 2015 devant la haute juridiction la conformité de cette obligation à la Constitution.En octobre 2014, le couple a été convoqué devant le tribunal correctionnel d'Auxerre pour n'avoir pas fait vacciner leur fille de trois ans contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP).
Or, la vaccination contre ces trois maladies est rendue obligatoire par le code de la santé publique et le fait de s'y soustraire est réprimé par le code pénal, qui prévoit jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Marc et Samia Larère expliquent leur refus par le fait que tous les vaccins disponibles combinent le DTP à d'autres comme la coqueluche, l'hépatite B ou la méningite, qui eux ne sont pas obligatoires.
Ils affirment avoir reçu, à leur demande, du laboratoire Sanofi Pasteur deux vaccins ne ciblant que la DTP, mais qui contenaient du mercure.
L'avocat des deux parents, Emmanuel Ludot, a donc soumis à la justice une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les juges d'Auxerre ont accepté de la transmettre à la Cour de cassation, qui l'a elle-même transmise au Conseil constitutionnel.
Cette question oppose d’une part le droit à la santé, inscrit au préambule de la Constitution, et d’autre part, les dispositions du code pénal et du code de la santé publique. Ce droit à la santé serait aussi le droit de ne pas se vacciner, selon l'avocat.
Quels sont les arguments avancés par l’avocat de la famille ?
A l'audience du 10 mars, Me Ludot a rappelé que les trois maladies visées par le vaccin DTP avaient disparu de France et d'Europe. Citant des études, il a également assuré qu'on n'avait "plus la certitude que ces trois maladies (avaient) été éradiquées par une campagne de vaccination". "On n'est plus en phase avec les pays européens qui nous entourent", a-t-il plaidé, seule l'Italie ayant maintenu, selon lui, l'obligation de vaccination.Cependant, selon une étude de l'OCDE datant de 2011, près de 100% des enfants étaient vaccinés contre la diphtérie et le tétanos dans huit pays de l'Union européenne, dont la France.
L'avocat de la famille auxerroise a aussi évoqué des cas de complications liées à la vaccination, mis en avant par les opposants aux injections obligatoires ou recommandées.
Dès lors, il faut "rendre aux parents leur liberté" et "faire de la vaccination l'exception", en cas de résurgence ou d'émergence d'un virus, a-t-il plaidé, citant le cas d'Ebola.
Pourquoi les autorités de santé devraient-elles organiser un débat ?
Le représentant du Premier ministre, Xavier Pottier, a rappelé que la jurisprudence de la Commission européenne laissait aux Etats le droit à l'appréciation des mesures appropriées pour protéger leurs populations."Je suis confiant", a déclaré après l'audience Marc Larère, qui attend du Conseil constitutionnel une "clarification". "La loi, je ne l'ignore pas, mais j'essaye de réagir en bon père de famille", a-t-il ajouté. Il dit regretter d'avoir subi le "mépris" et les "menaces" des autorités.
Le jour de l'audience correctionnelle, la ministre de la Santé Marisol Touraine avait rappelé le caractère "absolument fondamental" des vaccins "pour éviter les maladies". "Il y a un mouvement qui me préoccupe en France de méfiance, de défiance même vis-à-vis des vaccins (...) La liberté s'arrête là où commence la santé publique et la sécurité de l'ensemble de la population", avait-elle ajouté.
Début septembre, le Haut Conseil de la santé publique, qui conseille le ministère, a estimé que le maintien ou non de "l'obligation vaccinale en population générale" relevait "d'un choix sociétal méritant un débat que les autorités de santé se doivent d'organiser".