Après une première tentative en 2019, l'aventurier bourguignon va de nouveau se lancer pour un "two-way", le défi fou d'un aller-retour à la nage entre Angleterre et France, en juillet 2022. Plus de 100 km de nage, une trentaine d'heures immergé, le tout sans jamais remonter sur le bateau : Arnaud Chassery nous dit tout ce qu'il faut savoir sur cet exploit sportif.
Dans le milieu, on parle d'un "two-way" : un aller-retour, à la nage, seul dans la Manche, vêtu d'un simple maillot de bain - pas de combinaison, malgré les températures très fraîches des eaux du Nord de la France. Un défi fou que l'aventurier bourguignon Arnaud Chassery se lance à nouveau, trois ans après sa première tentative. Sa fenêtre de tir : entre le 10 et le 19 juillet prochains. Il l'annonce ce mercredi sur France 3 Bourgogne, avant la diffusion ce jeudi 17 mars à 23h15 du documentaire "2 Way, Don Quichotte de la Manche".
Plus de 100 km de nage, 35 heures dans l'eau : comment va se passer cette traversée ?
Arnaud Chassery partira de la plage de Samphire Hoe, entre Douvres et Folkestone - les traversées à la nage se font toujours au départ de l'Angleterre, pas de la France. "J'espère arriver du côté du cap Gris-Nez. A priori, le retour est toujours un peu plus facile grâce aux courants, mais à condition qu'on arrive à Gris-Nez. Lors de ma dernière tentative, je suis arrivé vers le cap Blanc-Nez, j'ai trop dévié." Il avait alors été forcé d'abandonner sur la route du retour, après une vingtaine d'heures de nage.
Arnaud Chassery prévoit entre 110 et 130 km de nage, et "autour de 35 heures" passées dans l'eau. Une durée et un itinéraire variables à cause des courants : "des fois tu nages vites, des fois tu es à deux à l'heure".
Il reste encore quelques détails à finaliser. "A priori, je vais partir avec un équipage anglais. Les Britanniques ont vraiment les codes, l'expérience des traversées de la Manche, un réel engouement et une vraie solidarité avec les nageurs qui fait plaisir à voir", explique Arnaud Chassery. Il faudra aussi prévoir en fonction de la météo : sa fenêtre est donnée du 10 au 19 juillet, mais la date variera en fonction de l'état du ciel et de la mer.
Manger, faire des pauses, est-ce possible ?
Les traversées de la Manche à la nage sont homologuées par des juges britanniques, il y a des règles à respecter. Pendant tout son temps de nage, Arnaud Chassery sera entièrement immergé, sans possibilité de remonter sur le bateau : s'il touche la coque, c'est éliminatoire.
Il est en revanche possible de manger. Enfin, relativement. "On me tend une perche, une sorte d'épuisette, et on a un bidon pour le liquide. De toutes les façons, je ne pourrai pas vraiment mastiquer, comme je serai à la limite de l'hypothermie. J'aurai même des difficultés à parler."
Quelles difficultés Arnaud Chassery va-t-il rencontrer ?
"Il y a plusieurs paliers. Les trois premières heures sont vraiment difficiles, c'est la mise en route. Ensuite, j'arrive habituellement à trouver mon rythme autour de cinq heures de nage, et il y a un nouveau coup de bambou autour de la 10ème heure."
"Entre la 15ème et la 20ème heure, on est dedans, on ne ressent plus vraiment la douleur, on passe dans une autre dimension. Et au-delà de 20 heures, c'est l'inconnu. Je n'ai jamais nagé plus longtemps dans la Manche."
L'aventurier compte sur son expérience, ayant déjà effectué quatre traversées de la Manche, en solo et en relais. "Je connais le passage, le lieu, et par rapport à ma façon de nager, je me connais mieux. Depuis ma première traversée en 2008, j'ai pris quelques années et quelques kilos en plus ! Mais c'est nécessaire pour préparer un tel projet. Cette idée, je l'ai dans la tête depuis longtemps."
Comment le corps humain peut-il surmonter un tel effort ?
"C'est dans la tête", résume Arnaud Chassery. "L'action du corps est mécanique, mais il y a un gros gros travail de mental." Sophrologie, yoga, méditation : l'aventurier travaille beaucoup sur lui-même. "Il y a une vraie dimension psychologique, voir même spirituelle qui prend le pas sur tout le reste. On est obligé d'aller chercher des ressources enfouies au fond de nous. C'est une sorte d'état de grâce, que tous les sportifs extrêmes connaissent. C'est un bien-être indescriptible."
Lorsqu'il nage, Arnaud Chassery dit penser à sa famille et aux proches qui le soutiennent dans son aventure. Il se focalise aussi "sur le moment présent, à l'écoute de ce qui se passe dans mon corps. Je visualise mon corps, mes organes." En 2019, il s'est préparé avec des navigateurs en Bretagne, notamment avec Yves Le Blévec (Actual). "Ils ont toujours quelque chose à faire sur leur bateau lorsqu'ils sont en solitaire. Je retrouve un peu les mêmes choses en nageant."
"Le corps, c'est un véhicule. Je vais passer par de nombreux états de souffrance ; mal de crâne, crampes, tendinite, des relents d'eau de mer qui peuvent me rendre malade... Tout ça se gère et s'écoute."
Dans quel état sortira-t-il après plusieurs dizaines d'heures passées dans l'eau ?
"Déjà, à force d'être en position horizontale pendant longtemps, j'aurai tous mes organes vitaux qui vont vers le bas. D'où mon "ventre de nageur" !", sourit Arnaud Chassery. "Et évidemment, la peau sera très fragile. Le moindre caillou, la moindre aspérité, peut vite blesser. Le corps humain n'est pas fait pour rester aussi longtemps immergé."
Quel message veut-il faire passer ?
Malgré l'effort extrême qui lui sera demandé pour boucler cette double traversée, Arnaud Chassery assure : "L'idée n'est pas de me mettre en danger. L'idée, c'est de faire passer l'idée que rien n'est impossible, de parler du dépassement de soi. Dire que tout est permis, qu'il faut s'autoriser à rêver, même de choses qui nous paraissent inaccessibles."
Comment se prépare-t-il ?
Préparer un "two-way" demande une discipline de fer, un "mode de vie et un travail quotidien". Les deux années de covid n'ont pas été faciles pour s'entraîner, les piscines étant souvent fermées. En ce moment, Arnaud Chassery nage 5 à 6 km par jour, à la piscine de Joigny et dans le Tholon, la petite rivière qui coule près de chez lui à Chamvres dans l'Yonne, pratique mais trop froide pour s'y entraîner longtemps. Il est aussi parti s'entraîner en mer : Méditerranée, Atlantique, et bien sûr la Manche.
"À partir du 5-6 juillet, je vais vraiment réduire la cadence. Je me mettrai à l'eau seulement une vingtaine de minutes par jour, pour emmagasiner de l'énergie et être le plus frais possible."
Combien coûte ce défi ?
"Je n'ai toujours pas bouclé mon budget", regrette Arnaud Chassery. Son exploit lui coûtera environ 15 000 euros : pour le bateau d'abord, il faut compter 8000 euros. Ajouter à cela le voyage, le logement sur place pour les cinq à six personnes de l'équipe : "en fonction de la météo, on peut rester une semaine ou 15 jours..."
Pour l'instant, il manque environ 4000 euros, qu'Arnaud Chassery espère avoir réunis en juin. Si vous le souhaitez, vous pouvez donner à l'association Alopias, qui œuvre pour le handicap et l'environnement. Vous pouvez aussi joindre Arnaud Chassery au 06 45 61 96 46.
► Le documentaire "2 Way, Don Quichotte de la Manche" est diffusé sur France 3 Bourgogne ce jeudi 17 mars à 23h15, et lundi 21 mars à 9h50. À voir aussi en replay.