Mobilisation inédite de la justice à Dijon : "on a des personnels qui sont épuisés par l'ampleur de la tâche et qui tombent les uns après les autres"

Ce mercredi 15 décembre, à l'appel d'un mouvement national, les magistrats, avocats, greffiers sont descendus dans la rue pour manifester contre le manque de moyens. Un rassemblement s'est tenu à la mi-journée devant la Cour d'Appel de Dijon.

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Les tribunaux étaient vides ce mercredi matin, pas d'audiences car les personnels des métiers de la justice ont pris part au mouvement national, lancé à l'appel de 17 syndicats, pour dénoncer leurs conditions de travail.

Une mobilisation pour plus de moyens

La mobilisation n'est pas sans rappeler celle de mars 2020, qui dénonçait "l'état de délabrement de la Justice", où déjà les professionnels dénonçaient un "système à bout de souffle". Pourtant, le Ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, s'est exprimé le matin même sur une radio nationale, en évoquant "les mesures d'urgence" qu'il avait débloquées pour la Justice :  « Il faut savoir d’où nous venons, ce que nous avons fait et ce que nous pouvons faire, s'est défendu l’ancien pénaliste. J’ai réparé l’urgence. »

Manque de budget et de personnels, les personnels de la justice ne peuvent plus rendre la justice correctement et dans des délais raisonnables

Pour le bâtonnier du barreau de Dijon, Maître Stéphane Creusvaux, cette mobilisation d'un caractère inédit met en lumière  un "ras-le-bol" généralisé : "ce qui est assez inédit, c'est cette tribune qui a été prise par un certain nombre de magistrats, qui est montée en puissance au fil des semaines. Avec des prises de position aussi de la conférence des Premiers Présidents, des Procureurs de la République, même les Magistrats de la Haute-Cour, de la Cour de Cassation, se sont positionnés aussi pour faire part de ce malaise de la Justice, qui est prégnant et qui existe depuis plusieurs années maintenant."

Le bâtonnier quant à lui dénonce le recours à des créations de poste de contractuels. Selon lui, "on n'a pas de magistrats à proprement parler. Il y a une légère augmentation, mais qui n'est pas suffisante. Il y a deux fois plus de magistrats en Allemagne qu'en France, par exemple. Forcément, cela entraîne des délais de traitement des dossiers très importants au niveau du territoire Français. Il faut des magistrats c'est sûr, mais on n'a pas pris la mesure du temps qu'il faut pour les former. Et des moyens financiers aussi pour améliorer le système de traitement, les systèmes informatiques."

"On a besoin de retrouver le sens de notre travail, et nous avec tout ce qui nous est tombés dessus, on a perdu le sens de notre travail."

La mobilisation de ce jour apparaît comme le dernier recours, face à des conditions de travail qui se sont dégradées au fil du temps mais aussi, au fil des réformes.
Aurélie Lavenet est greffière remplaçante et élue CGT au Comité Technique de la Cour d'Appel de Dijon, ainsi que représentante au CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Pour elle, les réformes et le manque de moyens sont les deux principaux problèmes : "on vient dénoncer nos conditions de travail. Ce n'est pas un phénomène nouveau, on l'a dénoncé depuis une dizaine d'années. On est dans un épuisement réel, à la fois des personnels de greffe, des magistrats. On est épuisés par les réformes qui se sont suivies, et les moyens humains et matériels qui n'ont pas suivi !"

Ce que l'élue dénonce, c'est que le Ministre n'a pas su "entendre les personnels de terrain". "Ce qui nous manque, c'est d'avoir des personnes formées, des juges en nombre, des greffiers en nombre, des adjoints administratifs en nombre. Effectivement, on a vu arriver des contractuels, ce sont des personnes qui sont dans la précarité, qui, lorsqu'elles voient les conditions de travail, partent  ! Toute leur formation repose sur les greffes, qui continuent à travailler avec un régime constant, tout en formant, tout en accueillant dans ces formes-là. Les contractuels n'ont pas les mêmes prérogatives que les greffiers. Ils ne peuvent pas signer, ils n'ont pas prêter serment. Ces personnes-là ont pu apporter un peu de souffle, mais ce n'est pas pérenne, mais ce n'est absolument pas suffisant dans les besoins que nous avons !"

Les magistrats en burn-out

Les magistrats participent aussi au mouvement, car ils sont les témoins des épuisements dans les différents services de la Justice. Odile Legrand est Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Dijon. La multiplicité des tâches reportée sur les personnels est vraiment importante : "Actuellement on a des personnels qui sont épuisés par l'ampleur de la tâche et qui tombent les uns après les autres. Psychologiquement, c'est assez terrible et on sait qu'on ne va pas y arriver."

Pour la magistrate, le temps de la Justice doit être "posé et réfléchi", ce qui n'est pas son quotidien : "notre quotidien, c'est d'avoir à appliquer une quantité de règles, de lois nouvelles, de réformes qui s'empilent, pour de bonnes raisons à la base. Mais, qui empilées de cette façon-là, ne nous facilitent pas la tâche, nous détournent de nos missions premières, qui est justement de réfléchir posément à tout ce qu'on fait, car ce sont des actes importants que l'on prend, nous, magistrats."

Face aussi au nombre de dossiers à traiter, la magistrate fait l'amer constat : "nous sommes trop peu nombreux pour y faire face correctement. On est pris tous dans un phénomène d'injonctions contradictoires, où l'on doit se concentrer de façon très sérieuse sur toutes les tâches que l'on accomplit, et en même temps, les traiter rapidement et bien. Ça, on n'y arrive plus !"
Ce volume de dossiers est vécu comme une souffrance pour les magistrats : "ce sont des fonctionnaires qui remportent du travail chez eux. Ceux qui craquent, ce sont les gens les plus consciencieux. On a tous été le témoin de la souffrance d'un fonctionnaire, d'un collègue. Sur les 10-15 dernières années, on a un volume d'affaires qui a augmenté. "

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