Que faire si l'on est allergique ? La désensibilisation, ça marche vraiment ? Vers qui se tourner ? Les conseils de Jean-Marc Rame, allergologue coordonnateur du réseau d'allergologie en Bourgogne-Franche-Comté.
Chaque année, c'est la même galère pour des millions de Français : au printemps, la nature se réveille... et avec elle, les allergies au pollen. Yeux qui piquent, nez qui coule, palais qui gratte... Nous serions 30% à en souffrir, et environ 20% chez les enfants, selon le ministère de la Santé. Des traitements existent, mais ils sont parfois difficiles à comprendre ou à demander. Le docteur Jean-Marc Rame, allergologue à Besançon et coordonnateur du réseau d'allergologie de Bourgogne-Franche-Comté auprès de l'ARS, nous aide à y voir plus clair.
Comment traiter les allergies au pollen ?
Jean-Marc Rame : "Globalement, il existe trois manières de traiter les allergies. La première, c'est d'éviter les contacts avec les produits allergènes. Avec les pollens, notre marge de manœuvre est évidemment limitée. On peut éventuellement porter le masque, et se référer aux bulletins polliniques pour éviter, un jour de pic, d'aller faire un footing dans les champs !
La deuxième solution, c'est le traitement médicamenteux classique, à doser selon les symptôme. Il y a les antihistaminiques en cas de rhinite, de rhinoconjonctivite. On peut aussi utiliser des corticoïdes locaux et en cas d'asthme, un traitement spécifique de crise associé à un traitement de fond anti-inflammatoire. Mais cette solution médicamenteuse consiste à traiter les symptômes.
La troisième solution consiste à traiter l'allergie en elle-même plutôt que les symptômes : c'est ce qu'on appelle la désensibilisation, ou ce qu'on appelle dans le jargon médical "l'immunothérapie spécifique". C'est un traitement par voie sublinguale : autrement dit, des gouttes ou un comprimé à mettre sous la langue."
Comment fonctionne la désensibilisation ?
Jean-Marc Rame : "Moi, je commence par évaluer les critères cliniques de sévérité des allergies. Par exemple : la rhinite, je la note de 0 à 3. Pareil pour le nez qui pique, la perte d'odorat, l'écoulement nasal, les éternuements, l'obstruction nasale, les yeux... J'évalue aussi la consommation médicamenteuse.
Ensuite, c'est un traitement qui va durer trois à cinq ans. D'abord, il faut l'essayer sur une saison, et à la fin de cette saison, on fait les comptes. Dès la première année, on doit voir une amélioration clinique. À partir de là, si cette première étape a fonctionné, on part sur le suivi de trois à cinq ans."
Est-ce que ça marche vraiment ?
Jean-Marc Rame : "Il y a aux alentours de 60 à 80% de réussite. La première année de traitement est décisive : si ça ne fonctionne pas, ou si au maximum on constate deux années d'échec consécutif, il faut se dire que la désensibilisation risque de ne pas fonctionner. Si au bout de maximum deux saisons de traitement, on voit que ça ne marche pas, on continue de traiter par voie médicamenteuse.
C'est aussi au patient de voir ce qu'il est prêt à faire : peut-il et veut-il prendre ses gouttes ou ses comprimés tous les jours six mois dans l'année ? Un traitement, c'est toujours "bénéfices vs contraintes".
Pour ceux chez qui la désensibilisation fonctionne, on ne "guérit" pas de l'allergie, mais on améliore sa tolérance et donc, les symptômes diminuent. Certains vont même se dire qu'ils ne sont plus allergiques, parce que leur seuil de tolérance est remonté à un tel niveau que, face à une exposition habituelle de pollen, ils ne réagissent plus."
On a du mal à trouver des allergologues en Bourgogne-Franche-Comté. Pour quelle raison ?
Jean-Marc Rame : "C'est vrai que si vous cherchez "allergologue" dans Doctolib, vous n'allez pas en trouver beaucoup. D'abord parce que la spécialité en elle-même est très récente : elle a été ajoutée en 2017 au Journal Officiel. Avant, il n'y avait pas d'enseignement obligatoire : moi j'ai fait médecine générale avec une capacité d'allergologie. Puisqu'il faut quatre ans pour les former, les premiers diplômés vont sortir maintenant. Et il y en aura peu : la faculté de médecine produit un allergologue par an en Bourgogne et un en Franche-Comté. Donc, les malades ne doivent pas se contenter de rechercher des allergologues "officiels".
On peut en revanche trouver des pédiatres qui font de l'allergologie pour les enfants, des pneumologues, quelques généralistes, ainsi que des dermatologues pour les allergies cutanées.
Par ailleurs, parmi ces médecins qui font de l'allergologie, il est clair que la pyramide des âges est en déclin. En Bourgogne-Franche-Comté, il n'y a quasiment plus personne dans certains départements comme la Nièvre, l'Yonne, le Jura. La Côte-d'Or et le Doubs sont mieux dotés, le Territoire de Belfort est relativement bien doté. Mais ailleurs dans la région, ce n'est pas simple. Il faut souvent faire des kilomètres pour aller voir un médecin qui pratique l'allergologie."
Comment faire alors pour trouver un médecin et surtout une date de rendez-vous ?
Jean-Marc Rame : "L'idée est de se dire : si on a des symptômes qui reviennent tous les ans, il faut aller voir quelqu'un. Ensuite, si on est sensible aux pollens en ce moment, l'urgence c'est de consulter son médecin pour traiter ses symptômes. Pour la désensibilisation, il faut arrêter les antihistaminiques une semaine avant d'effectuer les tests. Donc, lorsque l'on prend de nouveaux patients, on les voit après la saison allergique, c'est plus confortable pour eux.
La difficulté, c'est que souvent, les gens nous appellent pour des désensibilisations lorsqu'ils commencent à ressentir les symptômes. En réalité, il faut commencer en amont : pour les pollens d'arbre, on commence la désensibilisation vers l'automne, et vers le début d'année pour les graminées. Il faut donc essayer de s'y prendre à l'avance si on sait que l'on est allergique tous les ans."