Ce samedi 8 octobre une manifestation a eu lieu à Cérilly (Côte-d'Or) contre un projet d'installation d'un méga-méthaniseur. Les opposants dénoncent un projet "financier" et "une aberration écologique".
Le projet Secalia d'installation d'une unité de méthanisation "XXL" sur la commune de Cérilly divise les habitants. Un groupe d'une cinquantaine de personnes s'oppose à l'implantation du projet soutenu par Dijon Céréales et d'une association de 150 exploitations agricoles.
La dernière réunion d’information à la population sur la commune (230 hab.), destinée à exposer le projet aux habitants, s’était déroulée vendredi 10 juin. Les professionnels mandatés par le tribunal administratif avaient remis leurs conclusions au Préfet de Côte-d'Or, qui a répondu favorablement au projet.
Un projet "aberrant écologiquement"
Le rassemblement de ce samedi a conduit une centaine de personnes à défiler à travers le village de Cérilly.
Le méthaniseur serait un des plus gros d'Europe, situé à Cérilly (à 5 km de Châtillon-sur-Seine), il serait aussi le deuxième en France, groupant plusieurs milliers d'hectares sur 150 exploitations agricoles dans un rayon de 50 km, "dédiés à l'alimentation du monstre, avec des conséquences graves sur l'environnement" selon le collectif composé d'associations de riverains (Bien vivre à la Campagne-Bourgogne, La Grande Côte Chatillonnaise), de la Nupes et de la Confédération Paysanne.
Ce que le collectif dénonce, ce sont les conséquences écologiques d'une culture spécifique dédiée à l'alimentation du méthaniseur de fourrage de seigle.
Ainsi, les opposants voient dans le projet un risque de :
- destruction de la faune, notamment de nombreuses espèces d'oiseaux protégés
- nuisances pour les riverains : allers et venues incessants des camions et tracteurs, bruit, altération et dévaluation du patrimoine environnant, pollution visuelle, nuisances olfactives
De plus, les associations dénoncent un risque sécuritaire d'incendie ou d'explosion "qui serait catastrophique étant donné les dimensions du méthaniseur et la proximité du village."
Karine Brune, de l'association "La Grande Côte Chatillonnaise", fustige le projet : "ce qu'on trouve aberrant, c'est qu'on va garder 5000 hectares pour alimenter le méthaniseur, alors qu'a priori, les agriculteurs sont là pour nourrir l'humanité, et non pas produire du gaz. On va avoir 20 000 camions sur les routes toute l'année sans compter les tracteurs, 120 000 mètres cubes d'eau rejetés, on ne sait pas comment. Donc en fait d'un point de vue écologique, le bénéfice il est nul, voire négatif et c'est juste un projet financier qui va profiter à une firme danoise, à Dijon Céréales, et à quelques agriculteurs. Sachant quand même que beaucoup d'agriculteurs n'ont pas voulu suivre ce projet et sont contre ce projet."
L'association de la Grande Côte châtillonnaise a déposé deux recours contre le permis de construire, dénonçant de graves irrégularités.
Une pétition en ligne a aussi reçu plus de 13000 soutiens depuis le mois de juin 2022.
Un système "extrêmement vertueux"
Le directeur de Dijon Céréales, Christophe Richardot se défend du qualificatif "d'aberration écologique" donné par les opposants au projet. Selon lui, ce système de méthanisation permet de "retrouver une rotation aux cultures" de façon "vertueuse".
Il explique que l'agriculture dans le châtillonnais souffrait du réchauffement : "il fallait trouver des solutions à la fois agronomiques, à la fois économiques pour apporter un confort et un soutien à cette agriculture dans le Châtillonnais. On s'est penchés il y a 4 ans sur le volet des agro-énergies, en intégrant le fait qu'on avait une possibilité sur les CIVES (cultures intermédiaires à vocation énergétiques) qui est le seigle qu'on utilise aujourd'hui. Dans le monde agricole, on est obligé de couvrir le sol avec deux cultures.
Vous produisez une culture comme le blé, que vous semez en octobre, que vous récoltez en juillet, derrière, vous voulez mettre une culture de printemps et c'est important pour les rotations. Vous avez l'obligation de couvrir les sols pendant l'hiver, c'est la PAC (politique agricole commune) qui nous y oblige, cette culture doit avoir une vocation de piège à nitrates et limiter l'érosion. Cette culture est en général broyée par l'agriculteur au mois d'avril-mai avant implantation d'une nouvelle culture.
Ce qu'on a fait, c'est qu'on a proposé à 150 agriculteurs, c'est de créer une méthanisation sur laquelle ces fameuses CIVES (ou CIPAN cultures intermédiaires de pièges à nitrates) pouvaient être intégrées dans un méthaniseur."
Concernant le fonctionnement de cette culture pour couvrir les sols pendant l'hiver, Christophe Richardot explique que "de toute façon, les agriculteurs l'effectuaient puis broyaient la récolte pour l'intégrer dans les sols".
Grâce à la méthanisation, ces cultures vont donc servir à de la fabrication d'énergie (du gaz méthane), et aussi donner un produit fertilisant résultat de la 'digestion' de ces cultures dans le méthaniseur : "on sème le seigle fourrager au mois d'octobre, on le récolte avant maturité au mois de mai, on l'ensile. Le seigle a des vertus extraordinaires, pas de produits phytosanitaires, il restructure le sol, donc on est sur une forme d'allongement des rotations. On l'ensile, on l'injecte dans le méthaniseur. On produit de l'énergie, on paye les cultures à l'agriculture, on produit un digestat, un fertilisant vert, qui retourne à la parcelle. C'est un système extrêmement vertueux car tous les 6 ans, on a que 15% de ces cultures de printemps qui sont mises en place. "
En termes de rendement énergétique, la première phase du méthaniseur permettra de fabriquer "200 000 MegaWatt heures de gaz, soit 15% de la consommation des ménages de Côte-d'Or, la phase 2 dans cinq ans produira 400 000 MWh de gaz. "
Les travaux ont déjà commencé
Les travaux de terrassement sont en cours pour l'implantation du site du méthaniseur, entre les communes de Cérilly et Sainte-Colombe-sur-Seine.
Une décision du préfet datée du 19 juillet 2022 a autorisé l'exécution de travaux anticipés, tels que
- la mise en place de la base vie et des aires de stockage matériel
- le décapage et l’enlèvement de la terre végétale
- les travaux de terrassement et de mise à niveau du site
- le traitement des sols en préparation des routes et fondations.
Le méthaniseur de Cérilly devrait être opérationnel fin 2023, les opposants quant à eux demandent l’annulation des permis de construire et d’exploitation.
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