Coronavirus Covid-19 : le personnel pénitentiaire est sous tension

Depuis la suspension officielle des parloirs mardi 17 mars, la tension monte dans les lieux de privation de liberté. Alors que les personnels pénitentiaires manquent de moyens de protection, les détenus changent de comportement.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

C'est une annonce que les personnels pénitentiaires redoutaient : la fermeture des parloirs dans les prisons. 
La mesure a été mise en place le mardi 17 mars, annoncée par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, dans un message adressé aux agents du Ministère de la Justice. Les parloirs sont suspendus pour une période de 15 jours, en accord avec les règles de confinement actuelles.
Ce jeudi 19 mars, la Garde des Sceaux a fait une annonce en direction des détenus, en accordant des facilités de communication (voir encadré)

Un manque de matériel de protection

Contacté par France 3 Bourgogne, Thierry Cordelette, secrétaire régional UFAP-UNSa Justice (Union Fédérale Autonome Pénitentiaire, Union des Syndicats Autonomes), décrit la situation dans les prisons.
"Actuellement, la consigne de sécurité des 1 mètre, 1m50 de distance avec toute personne ne peut pas être respectée.
Dans les établissements pénitentiaires, on a les fouilles par palpation qui vous obligent quasiment à vous coller à la population pénale.
Pour continuer les fouilles par palpation, il faudrait avoir des masques évidemment, ce que n'ont pas les personnels pénitentiaires, mais il faudrait aussi changer de gants à chaque personne détenue. Vous ne pouvez pas fouiller toutes les personnes détenues avec la même paire de gants !
Cela nécessite un stock de gants et une organisation de travail différente, car vous imaginez quand vous sortez une centaine de détenus sur la cour promenade, le temps qu'il faut pour les fouiller et changer de gants entre chaque détenu."

La peur de la propagation du virus

Dans les prisons, c'est la même crainte lors de tout regroupement de personnes. Thierry Cordelette l'exprime : "On n'est pas plus à l'abri que qui que ce soit, ce n'est pas la suppression des parloirs qui rend les prisons hermétiques. On a quand même des intervenants extérieurs dans les prisons, il peuvent être porteurs. Parmi les détenus arrivants, on peut avoir des détenus porteurs. Il n'y a pas de dépistage, parmi la population pénale et parmi tous les intervenants qui viennent en prison, on ne sait pas si on n'a pas des gens porteurs du virus."

Chez les détenus, la tension monte aussi

La suppression des parloirs a engendré avant-hier (mardi 17 mars) un refus de réintégrer les cellules à Varennes-le-Grand
"80 détenus environ ont réintégré après quelques minutes de discussion avec les personnels pénitentiaires, qui ont su dire ce qu'il fallait pour mettre fin à la contestation et faire réintégrer les détenus. Mais on était qu'au premier jour de suppression des parloirs. On ne sait pas comment vont se comporter les détenus dans les quinze jours à venir."
"Hier à la Maison d'Arrêt de Dijon, il y a une vingtaine de détenus qui ont refusé de réintégrer, il a fallu parlementer."


Les personnels pénitentiaires craignent que des problèmes identiques aux prisons en Italie ne surviennent.
"Il y a eu un premier début de mutinerie à la prison de Grasse, et des refus de réintégrer ici ou là en France, et on n'en est qu'au premier jour des suppressions de parloir."

Pas de consignes particulières pour l'instant pour les personnels pénitentiaires

Thierry Cordelette déplore : "Rien ne vient de la Chancellerie, rien ne vient non plus du Ministère de l'Intérieur. On aurait pu attendre que des mesures soient prises par le Ministre de l'Intérieur pour un renforcement des prisons et des dispositifs de sécurité... rien de tout ça, non ! Je pense qu'on s'adapte au jour le jour, que c'est un peu la panique à bord, qu'on doit s'adapter au quotidien au mouvement de la population pénale. Si ça devient très méchant on va avoir du mal à juguler tout ça."
"Si tout cela se durcit et qu'il y a des phénomènes de violences, il faudra envisager des renforts de l'armée ou des forces de l'ordre pour renforcer les personnels pénitentiaires."


Au niveau régional, quelques petites avancées : "Sur Dijon, on a réussi à créer des surnombres de personnels pénitentaires (en ratio, par rapport à la population pénale) pour ne pas se retrouver en insécurité. On sait que la tension va venir. Petit à petit, on se règle pour trouver des moyens de protéger les personnels pénitentiaires face à l'éventuelle violence de la population pénale."

Droit de retrait ?

Selon Thierry Cordelette, "le droit de retrait ne s'applique pas aux personnels placé sous statut spécial, c'est une mesure du Code du Travail qui ne s'applique pas aux personnels pénitentiaires."
La seule voie d'action "c'est des gens qui prendront des dispositions d'arrêt maladie, pour ne plus être exposés. On n'envisage pas de mouvements sociaux dans de telles circonstances, ça serait mal venu et mettre en difficulté les personnels qui sont à l'intérieur des établissements."
Mais la difficulté est bien réelle : "On ne va pas continuer à faire des fouilles par palpation sans masque et sans gants, c'est sûr et certain."
Et syndicalement, M.Cordelette confirme que la Direction de l'Administration Pénitentiaire est au courant, que "d'ici la fin de la semaine, si aucune mesure n'est prise pour protéger les personnels pénitentiaires, on passera au cran au-dessus".


 
La Garde des Sceaux fait un geste en faveur des détenus
Afin d’accompagner les restrictions autour des détenus (suspension des parloirs, plus d'activités encadrées), et notamment pour maintenir les liens familiaux, Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, a pris des mesures exceptionnelles qui s’appliqueront dès le 23 mars.

"Durant la crise sanitaire, et jusqu’à la fin de la période de confinement, chaque détenu pourra bénéficier d’un crédit de 40€ par mois sur son compte téléphonique, lui permettant de rester en contact avec sa famille et ses proches.
Cette somme, utilisable dans les 64 établissements déjà équipés de téléphones en cellule ou depuis les cabines téléphoniques installées dans l’ensemble des détentions, correspond à 11 heures de communications en France métropolitaine vers un téléphone fixe ou à 5 heures vers un téléphone portable. Un service de messagerie téléphonique sera en outre ouvert aux familles via un numéro non surtaxé.
Afin d’accompagner la suspension des activités en détention, la gratuité de la télévision sera également assurée pendant cette période.
Les détenus les plus démunis pourront quant à eux bénéficier d’une aide majorée de 40 euros par mois leur permettant notamment de cantiner, dans un contexte où les familles pourraient rencontrer des difficultés à effectuer des virements."


La Garde des Sceaux a demandé aux juridictions de différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement, pour réguler les entrées en prison.
Ces mesures sont déjà suivies d’effet : on comptabilise ces derniers jours une trentaine d’entrées en prison quotidiennes contre plus de 200 habituellement. (source Ministère de la Justice)
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité