Et si les cyclistes pouvaient rouler en ville en toute sécurité sur des voies où passent habituellement les voitures, mais qui leur seraient réservées temporairement ? C'est ce qu'on verra peut-être bientôt. Plusieurs villes en Bourgogne semblent vouloir s'y préparer.
Le début du déconfinement c'est pour bientôt. Annoncé à partir du 11 mai, les conditions de sa mise en oeuvre doivent encore être précisées pour éviter une deuxième vague de contamination.
Avec une reprise d'activité, nous serons probablement nombreux à nous déplacer à nouveau. Alors que la distanciation sociale est essentielle pour éviter la transmission du virus, dans les transports en commun la promiscuité pose problème.
Plutôt que de prendre le bus, ou le tramway, beaucoup pourraient préférer utiliser la voiture, même pour des petits trajets. Alors pourquoi ne pas inciter les citadins qui le peuvent à se déplacer en vélo ?
A Paris, Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, a demandé à Pierre Serne, président du Club des villes et territoires cyclables, de coordonner les initiatives des collectivités territoriales pour l'aménagement temporaire de voies cyclables, partout en France, en coordination avec les services de l'Etat et les associations en faveur du vélo.
Appel au collectivités territoriales et aux associations
Première à réagir en Bourgogne, l'association Ensemble à Vélo dans l'Agglomération Dijonnaise (EVAD) a publié un communiqué, qu'elle a relayé sur les réseaux sociaux jeudi 16 avril.Christian Germain, le président de l'EVAD, est plein d'espoir. Son association a élaboré un document de 8 pages, un "manifeste pour une vraie politique cyclable métropolitaine" et un questionnaire à l'attention des candidats aux élections municipales afin qu'ils s'engagent pour mener des actions concrètes pour améliorer le réseau cyclable.[? COMMUNIQUÉ ?]#Covid_19 : Pour un #Deconfinement en sécurité, pensons #velo !
— EVAD Dijon (@EVAD_Dijon) April 16, 2020
EVAD demande à #Dijon et #DijonMétropole la mise en oeuvre de solutions simples, rapides, économiques pour sécuriser les déplacements à vélo pour le plus grand nombre.
➡️ https://t.co/1INuZ0Dir6
L'EVAD se veut plus que jamais partenaire de Dijon Métropole pendant la période de déconfinement. "Ce sont les beaux jours, la saison s'y prête", dit Christian Germain, ajoutant que "pendant la grève contre la réforme de la retraite, beaucoup de monde s'était déjà converti au déplacement à vélo en y trouvant des avantages".
"Dans le contexte actuel, où le trafic automobile est très réduit, il faut en profiter pour donner de la place aux vélos, en aménageant des pistes cyclables provisoires, notamment en réservant sur des grands axes une voie pour les vélos."
Dijon : priorité à la gestion de la crise sanitaire
Adepte du vélo en ville, l'élue municipale écologiste Catherine Hervieu (EELV), Vice-présidente de Dijon Métropole mobilités souhaite pour sa part, que les citadins soient inciter à utiliser le vélo pour leur déplacement en sortie de confinement. Et ce d'autant plus que certaines études relayées par Atmo-France dans un récent communiqué sont inquiétantes.
Notamment une étude italienne 4 publiée le 17 mars 2020 laissant entendre que la pollution atmosphérique par les particules fines pourrait contribuer à la propagation du COVID-19.
Lors du prochain conseil de Dijon métropole, les aménagements cyclables feront partie des sujets abordés. La ville que nous avons contactée,ne donne pas plus de détail sur le sujet. La priorité étant la gestion de la crise liée à l’urgence sanitaire.
Seule précision qui nous a été communiquée : Dijon profite de la quasi-absence de trafic routier pour accélérer l’entretien et la signalisation de l’espace public, dont 250 kilomètres de pistes cyclables.
Le sujet peut s'avérer sensible dans l'attente du 2e tour des élections municipales auquel Europe Ecologie Les Verts-EELV) s'est qualifié face au maire sortant, François Rebsamen.
Chalon-sur-Saône : "on s'inscrira dans la démarche"
L'aménagement de pistes cyclables temporaires pendant la période de déconfinement, c'est une perspective qui plaît à Jérôme Rémy, président de l'association Vélo-sur-Saône. " on a commencé à réfléchir sur certains points et nous espérons communiquer dès la semaine prochaine avec le Grand Chalon sur ce sujet, par mail ou en visioconférence ".
Jérôme Rémy espère voir la réouverture des voies vertes, fermées pendant le confinement par décret municipal. "Ce sont des axes directs et pratiques pour la circulation des vélos"dit-il. "Pour la période de déconfinement, l'idée pourrait être de supprimer une voie le long des quais ou un coté de stationnement sur les parkings"
"Avec le vélo, poursuit Jérôme Rémy, on est gagnant sur tous les tableaux : pas de pollution, en vélo on se déplace en ville pratiquement aussi vite qu'en voiture pour faire le même trajet à une vitesse moyenne d'environ 16 à 17 km/h, et puis ça renforce le système immunitaire et cardiaque".
Vélo-sur-Saône existe depuis 2007 et regroupe une cinquantaine d'adhérents. Comme l'EVAD à Dijon, l'association se veut partenaire de la ville de Chalon-sur-Saône pour la mobilité urbaine.
"Dans la logique des aménagements, il faut penser d'abord aux personnes à mobilité réduite, dit Jérôme Rémy. Ce qui est accessible pour elles, l'est pour tout le monde, tous les piétons. Pour les personnes handicapées, le confinement est permanent tant se déplacer en ville peut-être parfois être compliqué. Les transports en commun viennent ensuite, et au troisième rang, le vélo."
Au Grand Chalon, l'appel lancé aux collectivités territoriales pour l'aménagement de pistes cyclables temporaires pendant la période de déconfinement a été entendu. Pas de précipitation, on attend d'en savoir plus. "S'il y a des directives, un cahier des charges, on s'inscrira dans la démarche. " répond la Communauté d'agglomération.
Mâcon : " pas opposé, mais prudent "
Prudence également à Mâcon. La ville est mobilisée dans la crise sanitaire du Coronavirus Covid 19 et le maire, Jean-Patrick Courtois (LR), souhaite procéder calmement. "J'attends les décisions du gouvernement, dit-il. D'ici le 11 mai, début du déconfinement, on a largement le temps. Je ne suis pas opposé à des aménagements temporaires de voies cyclables mais je suis prudent ".
A Mâcon, les services de la mairie travaillent pour que tout se passe au mieux. Dans l'immédiat, la réouverture prochaine des écoles demande beaucoup de préparation en même temps qu'elle suscite de nombreuses interrogations.
L'association " Vélo en ville " relaie sur les réseaux sociaux les initatives en faveur du vélo. Elle est attentive à la mission confiée à Pierre Serne et encourage les Mâconnais à profiter de ces circonstances particulières pour se déplacer du vélo.
"Le vélo est un moyen de transport individuel qui permet donc facilement de conserver les distances réglementaires. Pour tous ceux et celles qui ont peur de circuler en ville, c’est le moment de vous lancer. La circulation étant réduite, les déplacements sont davantage sécurisés".
«Le vélo, un mode de déplacement particulièrement adapté à la situation qu'on va vivre.» Sur @franceinter, @PierreSerne, président de @Villescyclables appelle les villes à anticiper le déconfinement et à faire la place nécessaire aux vélos https://t.co/6Nesn26SD9
— Maison du Vélo Lyon (@maisonvelolyon) April 16, 2020
Le Creusot : l'occasion peut-être de faire avancer les choses
L'association "Mines de rayon" travaille avec les services de la Communauté urbaine Creusot Monceau. " On va faire des propositions. On en a déjà fait, dit Florent Gallet, le président de l'association, peut-être que la crise sanitaire va permettre d'aller plus vite que ce qui était prévu".Florent Gallet est lui aussi prudent. "On est dans l'attente de savoir comment ça va se passer, on a l'espoir qu'on ne revienne pas à la situation d'avant, et on va avoir des discussions pour ça".
Les propositions d'aménagement temporaires sont simples. Il n'y a pas besoin de grand-chose explique Florent Gallet. Sur les 2X2 voies il suffit de réserver deux voies aux voitures et les deux autres voies aux vélos, séparées par des plots de chantier.
Le président de "Mines de Rayon" rappelle que 50% de nos déplacements en ville font moins de 3 kilomètres. Il faut, dit-il, redonner la place aux piétons et aux cyclistes.
"On ne va pas mettre tout le monde sur un vélo. Le principal mode de déplacement c'est tout de même la marche à pied. C'est important de le rappeler. Il faut hiérachiser, en commençant toujours par les piétons, ensuite les vélos, puis seulement la voiture".
"Malheureusement, l'habitude de prendre la voiture même pour des petits trajets est bien ancrée. C'est vrai qu'elle a un côté pratique : on se sent protégé dans l'habitacle, à l'abri des intempéries, c'est confortables, rapide..."
D'autres actions engagées pour initier des aménagements expérimentaux
Aux côtés de la mission confiée à Pierre Serne, la réflexion est engagée par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).Il propose un webinaire dédié aux opportunités de mise œuvre d’aménagements cyclables temporaires pendant et après le confinement, le 22 avril, de 14h à 16h00.
Dans cette même dynamique, le Club des villes et territoires cyclables, qui coordonne une stratégie post confinement, recense les initiatives en la matière par un questionnaire en ligne à destination des collectivités.