Dominique Andolfatto, professeur à l'université de Bourgogne : "la CGT n'a plus de boussole"

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a été réélu vendredi 17 à la tête du syndicat à l'issue d'un 52e congrès tendu. Le chercheur Dominique Andolfatto, spécialiste des syndicats à l'université de Bourgogne, analyse le mécontentement de certains militants. 

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Professeur en Sciences politiques à l'université de Bourgogne, Dominique Andolfatto est depuis des années un observateur avisé des évolutions des syndicats. Il regrette que la CGT lui ait refusé l'accès à son 52e congrès qui se tenait du 13 au 17 mai à Dijon et à l'issue duquel Philippe Martinez a été réélu dans ses fonctions de secrétaire général avec 90,65% des voix. "Cela illustre leur manque d'ouverture", dit-il. 
 



Dominique Andolfatto, plusieurs délégués syndicaux ont pointé lors du congrès de Dijon le manque d'empathie de la CGT envers le mouvement des gilets jaunes. Est-ce une réalité ?

"La stratégie vis-à-vis des gilets jaunes a été louvoyante. Il y a d'abord eu une hostilité de la direction de la CGT envers ce mouvement populaire, dont la composante était mal identifiée. Puis le syndicat s'est rendu compte qu'il y avait de nombreux travailleurs modestes sur les ronds-points et dans les manifestations des gilets jaunes. La CGT a alors essayé de se montrer empathique avec ces travailleurs précaires qui ont réussi à mobiliser des foules là où la CGT peine à rassembler du monde avec ses journées d'action.
 
Cette position floue de la CGT envers les gilets jaunes a t-elle détourné ces derniers du syndicat ? 

La CGT a finalement proposé des journées d'action commune, et ça a relativement bien fonctionné à Marseille par exemple. Mais pas vraiment dans le reste de la France. Les gilets jaunes sont plutôt en opposition au syndicalisme classique. Pour eux, les syndicats défendent des travailleurs déjà bien installés sur le marché du travail, fonctionnaires, cheminots..., mais pas les précaires qui luttent pour décrocher des contrats. Finalement, la mayonnaise entre rouges et jaunes n'a pas vraiment prise. 
 
Parmi les rangs de la CGT, plusieurs voix se sont élevées pour demander à Philippe Martinez de mettre en place une ligne plus contestataire. Ce courant très à gauche au sein de la CGT est-il important ?

Martinez a été confronté à une double opposition lors de ce 52e congrès. Très à gauche, il y a une opposition avec les fédérations de chimie, les délégations départementales des Bouches-du-Rhône ou du Nord, qui souhaitent une radicalisation de la CGT. C'est assez traditionnel dans les congrès, mais cette fois c'est plus fort et hostile à Martinez, contrairement au congrès précédent. Il y a aussi une opposition plus modérée au sein du syndicat, qui se positionne moins à gauche que la direction. Mais ces deux courants contestataires reprochent à Philippe Martinez d'avoir une stratégie sans boussole.

Peut-on s'attendre à de vrais changements à l'issue de ce congrès dans la ligne politique de la CGT ?

Philippe Martinez semble avoir fait son autocritique. Il semble avoir admis que la CGT, qui perd des adhérents, n'ait pas réussi à se tourner vers les nouvelles catégories de travailleurs. Mais cela ressemble à des paroles, sans suite. Cela fait 20 ans que la CGT dit vouloir se tourner vers ces nouveaux salariés. Je ne crois pas que la direction ait une solution clés en main. 

 

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