Ce jeudi 27 juillet, la "grève" des policiers est au plus haut à Dijon. À cette occasion, un fonctionnaire de police du commissariat a répondu anonymement à nos questions. Il évoque son quotidien et la peur d'une sanction qu'il juge injuste.
France 3 Bourgogne : Comment se concrétise votre mouvement ?
Depuis quelques jours, on sort désormais principalement sur appel, comme nos camarades pompiers. Nous sommes pourtant censés être tout le temps sur le terrain. On va néanmoins faire quelques patrouilles, mais on va faire preuve de largement moins d'initiative. On ferme les yeux sur les petites infractions. On va par exemple laisser une personne fumer du shit, alors que d'ordinaire on aurait fait un contrôle et une palpation, voire une verbalisation. C'est d'ailleurs le grand leitmotiv du ministère car ça fait monter les statistiques et cela rapporte de l'argent. Désormais, il y a moins d'interpellations et les chiffres au niveau du ministère ne sont pas bons.
France 3 Bourgogne : Vous, personnellement, pourquoi vous être engagé dans le mouvement de protestation ?
Tout simplement car beaucoup de collègues de terrain sont malheureusement incriminés dans de nombreuses affaires et incarcérés. Moi je suis sur le terrain depuis plus de 20 ans, donc ce qui arrive à mes collègues pourrait m'arriver.
Moi, quand je prends le boulot je ne sais pas si je vais rentrer le soir. On ne choisit pas qui on a en face, qui on contrôle et sur quelle intervention on est envoyé. Une action inappropriée d'un individu peut avoir pour réponse un réflexe humain d'un policier. Et il ne faut pas oublier que le policier reste avant tout un être humain, même s'il est formé aux techniques d'interventions. Un geste mal placé ou une parole mal prononcée, un enregistrement et une vidéo faite par une tierce personne… et le soir c'est la garde à vue et le surlendemain c'est la prison. On apprend maintenant que même une blessure involontaire peut emmener un policier en prison.
C'est un ras-le-bol. Le ras-le-bol de devoir sortir menotté alors que les menottes, c'est à nous de les mettre !
Un policier du commissariat de Dijon
France 3 : Quelles sont vos craintes vis-à-vis de la prison ? De quoi avez-vous peur ?
Ce n’est pas de la peur. 98% des policiers sont droits dans leurs baskets, donc on ne doit pas avoir peur. On a la crainte de la provocation par la personne en face. Il faut savoir qu'un contrôle sur deux se passe mal car les gens savent que les téléphones et les caméras vont dans leur sens. Donc ils se permettent d'aller à la provocation.
Nous, on est fatigué. Il y a eu les attentats en 2015, puis les gilets jaunes, les différentes manifestations contre les réformes, et dernièrement les événements de juillet avec Nanterre. On fatigue. Un policier n'est pas un robot, nous sommes des humains ! Ce n'est pas de la peur que nous ressentons, c'est un ras-le-bol. Le ras-le-bol de devoir sortir menotté alors que les menottes, c'est à nous de les mettre.