A l'initiative de trois syndicats étudiants, les caisses du restaurant universitaire Montmuzard, à Dijon, ont été bloquées pendant 40 minutes ce 6 mars. 300 étudiants ont pu ainsi bénéficier d'un repas gratuit. Une action qui s'inscrit dans la semaine de manifestation contre la réforme des retraites.
"Allez-y, pas besoin de payer. Aujourd'hui, c'est gratuit". Au restaurant universitaire (RU) Montmuzard, à Dijon, la scène a de quoi surprendre. Ce 6 mars, à midi, les étudiants ne s'arrêtent pas aux caisses du RU pour payer leur repas. Les agent du Crous sont pourtant là, mais ne bougent pas.
À l'accueil, une vingtaine de jeunes appartenant à trois syndicats de l'Université de Bourgogne (Solidaires étudiant.e.s, L'Aube, Unef). Tous sont masqués et beaucoup portent des bonnets pour cacher leur identité. "On fait ce qu'on appelle une opération RU gratuit", explique l'un d'eux, responsable d'une des organisations. "On entre dans le restaurant, on bloque les caisses et on laisse passer les étudiants qui peuvent manger gratuitement."
Une action qui s'inscrit dans la "semaine noire" contre la réforme des retraites
Une action inédite que les syndicats entendent inscrire dans la "semaine noire" contre la réforme des retraites. Après plusieurs semaines de mobilisation traditionnelle (manifestations, tractages, interventions en amphithéâtres...), " il fallait augmenter d'un niveau pour montrer qu'on est toujours là", souligne un autre manifestant. "Et puis nous luttons aussi contre la précarité étudiante."
Qu'en pensent les principaux concernés ? Si au départ la plupart n'étaient pas mécontents de ne pas payer leur repas, plus le temps passe, plus les nerfs se tendent. "On s'y attendait", confesse une jeune femme, elle aussi responsable syndicale. "Le personnel du RU ne nous empêche pas d'agir mais en revanche, quand nous sommes là, ils ne ravitaillent plus les buffets. À un moment, ils n'auront plus rien à servir."
Arrêtez de faire les guignols ! On a cours nous, on n'a rien à manger là, vous bloquez tout le monde
Un étudiant de l'Université de Bourgogne agacé par l'opération syndicale
Et c'est bien ce qui énerve : "Arrêtez de faire les guignols ! On a cours nous, on n'a rien à manger là, vous bloquez tout le monde", s'écrie un jeune homme. "Il n'y a plus de viande, on ne va pas manger que des haricots", complète sa voisine. "Notre volonté n'est pas de pénaliser les étudiants", reprend la responsable syndicale. "Quand on voit que la file n'avance plus car il n'y plus rien dans les bacs, on s'en va."
Le personnel du Crous "comprend" les jeunes syndiqués
Après quarante minutes d'opération, les manifestants plient bagage vers 12h30, avec le sentiment du devoir accompli. "Notre action a permis à 300 personnes de manger gratuitement, donc c'est une réussite pour une première", analyse un membre du syndicat l'Aube. "Ça permet de communiquer sur la réforme des retraites et la précarité étudiante. Manger, c'est une nécessité, et trop d'étudiants se privent à cause du coût."
On ne dénonce pas ce mouvement. Ce que ces jeunes font remarquer, on le comprend totalement
Eric Briez,secrétaire général CGT du Crous BFC
Nassine, en L2 économie, confirme : "D'habitude, je paye trois balles pour un plat de pâtes. Donc ce genre d'opération est important. Je ne mange que deux fois par semaines au RU sinon je ne m'en sors pas." Son camarade Wassim, étudiant en L1 Sciences, ajoute : "Un repas gratuit, ce n'est pas négligeable. On a toujours en travers de la gorge le vote défavorable du Parlement, qui n'a pas voulu faire passer les repas à 1 euro. Je salue cette opération, ce sont des petites actions comme ça qui font avancer les choses. Bravo à eux."
De son côté, le personnel du Crous Bourgogne-Franche-Comté n'a pas cherché à s'opposer à l'opération. Bien au contraire. "On ne dénonce pas ce mouvement. Ce que ces jeunes font remarquer, on le comprend totalement", explique Eric Briez, secrétaire général CGT du Crous BFC. "La précarité, on la voit tous les jours chez les étudiants, ils nous en parlent et on la ressent aussi. Depuis des mois, on se bat pour plus de moyens, plus de personnel, plus de places dans le resto U. Je pense que nos revendications convergent". Contactée, la direction du Crous BFC n'a pas répondu à nos sollicitations.
Et la réforme des retraites dans tout ça ? "Nous nous inscrivons totalement dans le mouvement d'opposition syndical", affirme une membre de l'Unef. "Et nous prévoyons des actions tout au long de la semaine sur le campus de Dijon".
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Au menu de cette semaine noire "à la sauce étudiante", tout d'abord une assemblée générale en amphithéâtre et une participation à la manifestation intersyndicale le mardi 7 mars. Suivront deux nouvelles manifestations : la première à l'occasion de la journée des droits des femmes le 8 mars, la deuxième pour le climat le 10 mars. Entre temps, jeudi 9 mars, les syndicats entendent organiser un rassemblement sur le campus pour "alerter l'opinion publique sur les problématiques du monde étudiant".