Le gouvernement envisage de réguler les vols privés, jugés trop polluants. Mais en Bourgogne, ces vols d'affaires représentent une ressource économique indispensable pour l'aéroport de Dijon, qui a cessé les vols commerciaux en 2014.
"Je pense qu'on doit agir et réguler les vols en jet privé. Cela devient le symbole d'un effort à deux vitesses", déclarait le 20 août dernier Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports. "Il est temps de bannir les jets privés", renchérissait le secrétaire national des Verts, Julien Bayou, qui souhaite déposer une proposition de loi dans ce sens à la rentrée. Trop polluants, pour des trajets trop courts et très peu de passagers : les vols d'aviation privée sont dans le collimateur des politiques. Mais à l'aéroport Dijon-Bourgogne, cette activité représente une manne financière essentielle.
L'aviation privée, source principale de revenus de l'aéroport de Dijon
Contacté, le gestionnaire de l'aéroport ne souhaite pas s'exprimer sur le dossier. Mais une source proche de l'aéroport explique : "L'aviation d'affaires représente 7% de l'activité de l'aéroport de Dijon, mais 60% de son chiffre d'affaires."
"Les revenus qu'engendre l'aviation d'affaires permettent à l'aéroport dijonnais d'assurer ses missions de service public au service du territoire, comme les vols sanitaires par exemple, dont on a beaucoup parlé pendant le covid. C'est aussi grâce à cela qu'on peut héberger le championnat de France de parachutisme" (qui se tiennent ce week-end du 26 au 28 août). "Donc si on commence à dire qu'on interdit les vols privés, on tue la poule aux œufs d'or."
"Davantage de mobilité" pour les entrepreneurs locaux
Difficile donc pour l'aéroport bourguignon de se passer de cette rentrée d'argent. Notre interlocuteur avance également l'argument du dynamisme économique qu'engendrent ces vols d'affaires, qui permettent à leurs usagers de relier en très peu de temps leur destination. "Ce n'est pas de l'aviation de loisir, mais de confort. Cela confère davantage de mobilité aux chefs d'entreprise locaux qui veulent rayonner plus vite sur le territoire, être plus réactifs. Cela permet aussi de promouvoir notre région."
En effet, depuis la promulgation de la loi Climat et résilience à l'été 2021, les vols commerciaux sont interdits si le trajet peut s'effectuer en moins de 2 heures 30 en train. Mais les vols privés ne sont pas concernés par cette interdiction. Les clients peuvent donc voler de Dijon à Paris, Lyon ou Strasbourg, s'ils le souhaitent.
Les avions privés, 50 fois plus polluants que les trains
Ces courts trajets très gourmands en kérosène sont considérés comme des "aberrations" par les écologistes. En une heure, un jet privé transportant une poignée de passagers peut émettre jusqu'à deux tonnes de CO2, selon un rapport cité dans cet article de Franceinfo. En comparaison, un Européen "lambda" consomme 8,2 tonnes de CO2... par an. Par passager, un jet privé émet cinq à 14 fois plus de CO2 qu'un vol commercial, et 50 fois plus que le train.
Du côté de l'aéroport de Dijon, on explique que des modes d'aviation plus vertueux sont à l'étude : en 2021, le groupe Edeis, propriétaire de plusieurs aéroports régionaux dont celui de Dijon, a réalisé un "tour de France" en avion hybride, visant à démontrer qu'il est possible d'effectuer de courtes distances avec des avions moins polluants. Pour autant, ce type d'avions est encore loin d'être utilisé à l'échelle nationale.
À Dijon, plus aucun vol touristique depuis huit ans
L'aéroport de Dijon a cessé son activité de vols commerciaux et touristiques en 2014. À l'époque, aucun délégataire n'avait pu être désigné pour remplacer la Chambre de commerce et d'industrie, dont le mandat de gestion touchait à sa fin. En outre, l'aéroport a aussi subi le retrait fin 2013 de l'armée française de la BA 102, site de 400 hectares mitoyen à l'aéroport.
Aujourd'hui, l'aéroport le plus proche est celui de Dole dans le Jura, qui permet notamment d'aller en Corse, au Portugal, à Londres et au Maroc.