Rencontre avec Ikram, réfugiée syrienne : "maîtresse d'école, j'étais comme analphabète en France"

Le Refugee Food Festival a débuté le 15 juin à Dijon et permet de découvrir des menus et des plats inédits, issus de la collaboration entre des cuisiniers réfugiés et des restaurateurs de Dijon. Rencontre avec Ikram, réfugiée syrienne, arrivée en France il y a 3 ans et demi.

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Chaque année autour du 20 juin, Journée Mondiale des réfugiés, le Refugee Food Festival permet des collaborations culinaires entre des cuisiniers réfugiés et des restaurants locaux ou des artisans des métiers de bouche, dans une douzaine de villes en France et en Europe. Dijon ne fait pas exception avec une dizaine de partenariats.

Des pâtisseries syriennes à la table d'un café

Le "Morning Glory Café" à Dijon propose des pâtisseries syriennes à sa carte du 18 au 22 juin. Une touche de Syrie avec un café à la cardamome, c'est la touche apportée par Ikram, réfugiée syrienne.

Arrivée en France il y a 3 ans et demi, cette mère de famille de 4 enfants, âgée de 37 ans, a étudié à la fac de Dijon (DU passerelle) et s'est investie dans le festival cette année. L'année précédente, elle était bénévole à l'occasion du Refugee Food Festival. Cette année, elle franchit donc le pas et participe pleinement à l'opération : "L'année dernière, c'était chouette, c'était une bonne manière d'échanger et de discuter avec les autres, avec les gens. C'était bien ! J'aime la cuisine, c'est pour cela que j'ai voulu participer."

Il a fallu faire toutefois des petites concessions dans la préparation : "On a changé les recettes, ça n'est pas complètement syrien, ça n'est pas français non plus. On a pu faire les mélanges, c'était bien pour moi !", explique Ikram. Au-delà de la confection, Ikram était présente durant la matinée de ce mardi 18 juin pour pouvoir échanger avec les clients : "J'étais là pour présenter les pâtisseries, les clients sont gentils, ils m'ont dit merci, c'est très bon, parfait...!"

Réfugié, un statut provisoire qui parfois dure...

Pouvoir parler de son pays avec les clients, c'est quelque chose qu'Ikram adore faire. Elle explique son parcours : "Je viens d'un pays développé, malheureusement il y a la guerre. J'étais maîtresse d'école pendant 10 ans. Nous, les Syriens, on aime le travail, dans tous les domaines, on fait toutes les tâches parfaitement, c'était une habitude pour nous. J'aime confirmer ce que je fais." 

Mais la jeune femme se souvient de son arrivée en France : "Au début, c'était difficile pour nous, car on a totalement changé de vie. J'étais comme analphabète en France, j'ai fait mes études en anglais, mais sinon c'était juste bonjour/au revoir."

Le statut de réfugié pour Ikram, cela fait déjà 3 ans et demi, elle confirme que "c'est difficile". La jeune femme poursuit actuellement son perfectionnement linguistique : "Je suis en train d'atteindre le niveau traduction. Il me faut un bon niveau en français, je vais continuer avec le DU Passerelle. Être prof, c'est difficile, mais j'essaie."

Déjà, Ikram se projette dans l'avenir : "Quand j'aurais étudié le français, ça sera plus facile pour partager, participer, en sortant, en échangeant avec les voisins, avec les amis."

En évoquant la situation d'autres compatriotes, le jeune femme syrienne souhaiterait aider : "pourquoi pas ?"  mais Ikram demeure assez occupée avec sa famille : "avec 4 enfants, c'est pas facile."

Dans la même situation de réfugié, Ikram évoque la situation de son époux, Chadi, qui était pédiatre en Syrie : "mon mari était pédiatre mais pour lui c'est pas facile, il a besoin de stages de langues, et de stages à l'hôpital. Rester à la maison c'est très difficile pour nous, car ce n'est pas une habitude !"

Sur le statut de réfugié, Ikram résume : "C'est compliqué, il faut du temps. Avec le temps, j'ai trouvé plein de choses bien pour moi. Beaucoup de personnes sont gentilles avec nous. Quand j'avais besoin d'aide, j'en ai trouvé ! Je dois travailler et être responsable. On m'a dit 'vous devez travailler pour trouver la voie ici !"

Au delà du festival, une aide pour l'insertion

Le Festival donne la possibilité aux cuisiniers du monde de pouvoir faire partager leurs cultures et traditions culinaires, mais au-delà de ça, l'organisation facilite l'insertion socio-professionnelle des réfugiés. Sandy Bergeron, porteuse du Refugee Food Festival sur Dijon, explique : "Après le festival, on a pour mission de suivre les cuisiniers. Pour cela, on s'entoure d'un écosystème et on identifie les besoins des cuisiniers, les freins à l'insertion. C'est très large, cela peut être du côté professionnel mais aussi des soucis de santé, de logement, de formation en langues. Nous ne sommes pas là pour remplacer France Travail ou les assistantes sociales. En tout cas, on essaie de donner un petit coup de pouce."

La référente du Festival donne en exemple le cas de Mohamad Al Aarouk, qui était cuisinier du Refugee Food Festival 2023. Il souhaitait créer son restaurant syrien. "On s'est entourés de personnes qui pouvaient l'aider à la création d'entreprise, nous l'avons positionné sur une formation "tour de main" à la Coursive à Dijon pour améliorer sa carte et avoir des prix justes. Il va bientôt ouvrir un restaurant qui va s'appeler aux saveurs de la Syrie, rue d'Auxonne, cet été !" 

La cuisine, un outil universel favorable à l'échange

Si la majorité des cuisiniers réfugiés participants au festival ne sont pas des cuisiniers professionnels, Antoine Barréfoncelle, directeur de "La Menuiserie" et du "Morning Café Glory" relève que "ce sont des gens qui ont une grosse culture de la cuisine familiale et du "fait maison", comme c'était le cas chez nos arrière-grands-parents." 

Au-delà de la gastronomie, c'est bien un rapprochement de cultures qui est recherché. Antoine Barréfoncelle n'a pas eu "d'hésitation" à participer au Festival : "Essayer de créer un échange au sein de l'équipe, au sein des salariés, une autre vision. En qualité d'établissement avec des valeurs fortes philanthropes et ouvertes sur le monde, on a plutôt une bonne idée de l'étranger ou de la personne différente. Néanmoins, il reste des inconnues, cela permet de se confronter à des gens dans des actes, dans un moment du travail, autour de recettes, ça c'est chouette. Chacun essaie de faire un pas vers l'autre." 

Dernier détail, Ikram a reçu ce jour les résultats de son diplôme universitaire "passerelle" : reçue en deuxième année, elle pourra passer son niveau B2 et entrer en 2025 à l'université dans le domaine de la traduction, une étape de plus vers la naturalisation.

► La programmation du festival sur Dijon est à retrouver sur ce lien : https://festival.refugee-food.org/dijon

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