L'Alliance contre le tabac a demandé ce jeudi 25 mai l'interdiction de la puff, ou cigarette électronique jetable. Un produit populaire mais clivant, que les mineurs arrivent à se procurer facilement. Illustration à Dijon.
En descendant la rue de la Liberté depuis la place Darcy à Dijon, impossible de ne pas trouver un magasin pour acheter de la Puff. Les boutiques de vapoteuse et les bureaux de tabac proposent tous plusieurs exemplaires de cette cigarette électronique jetable.
Concrètement, c'est alimenté par une pile non-rechargeable, avec un système de filet résistif autour du coton pour créer de la vapeur. Un fonctionnement assez proche de la cigarette électronique classique.
Un packaging coloré, des goûts sucrés proches des bonbons... tout est fait pour tenter les plus jeunes. Un point inquiétant parmi d'autres, qui pousse l'Alliance contre le tabac à monter au créneau devant l'Assemblée nationale ce jeudi 25 mai. Avec pour objectif de faire interdire ce produit.
"Ça a été un carton total"
Au début de la rue de la Liberté, le magasin Taklope, spécialisé dans les cigarettes électroniques ne passe pas inaperçu pour les amateurs. Théo est vendeur, il conseille une cliente avec un grand sourire. Cette boutique vend des Puffs quasiment depuis leur arrivée sur le marché, en 2019.
"Ça a été un carton total", se rappelle-t-il. "Après il y a eu pas mal de polémiques disant que ça incitait les jeunes avec les goûts fruités." Face à ce constat, la politique ici est très claire : demande systématique de la carte d'identité.
"On interdit la vente aux mineurs, ce que ne font pas les bureaux de tabac. Ils préfèrent payer l'amende."
Théovendeur à Taklope à Dijon
Un produit très critiqué
Un autre problème vient de l'aspect "jetable". Une incompréhension pour Théo. "C'est une catastrophe écologique", déplore-t-il. "C'est surtout ça que je déteste là-dedans. Je ne suis pas particulièrement écolo, mais on nous apprend depuis petit à recycler pour finalement avoir des produits jetables."
Ces produits peuvent contenir de la nicotine. Un autre fait critiqué par Théo : "Certains taux de nicotine sont très mal calculés. Il y en a avec de la nicotine sous différentes formes. C'est une matière pas nocive, mais très addictive. C'est dur de faire comprendre aux gens que ce n'est pas une bonne chose qu'il y ait de la nicotine."
Une Puff coûte en moyenne 9€, un coût qui n'est pas négligeable. "Ça ne sera jamais un produit que je mettrai en valeur. Je préfère orienter vers une cigarette électronique, c'est plus rentable à long terme."
Une interdiction qui serait bien acceptée...
Saida vend des Puffs depuis deux ans à Vapo'Dij. Elle explique avoir une clientèle assez large pour ce produit, de 20 à 50 ans. Mais elle refoule régulièrement des personnes plus jeunes. “Je passe mon temps à chasser les jeunes”, s’agace-t-elle. “Je leur dis d’aller acheter des bonbons, des fringues. Même sans nicotine, je leur dis de ne rien fumer du tout. Surtout ceux qui n’ont jamais fumé, il ne faut rien mettre dans la bouche.”
Face à l’éventualité d’une interdiction des cigarettes électroniques jetables, Saida en ferait le deuil très facilement : “Ce n’est pas une grosse vente, ça ne me changera rien du tout. Si ça peut aider certaines personnes à arrêter ces Puffs et éviter que des jeunes commencent à vapoter, c’est très bien.”
...ou regrettée
Comme une très grande majorité des buralistes, France a fait une place pour les Puffs sur les étagères de sa boutique. Si la clientèle était plutôt jeune au début, la donne commence à changer. "Tout le monde s'y met, il n'y a pas d'âge", assure-t-elle avant de préciser. "Je n'en vends pas aux mineurs, c'est interdit." Mais sans remettre en cause le packaging qui n'est pas sans rappeler un paquet de bonbon : "Tout le monde a droit aux choses colorées."
Si le produit venait à être interdit, la buraliste verrait cela comme une perte réelle pour son commerce. "Pour un bureau de tabac, c'est un produit sur lequel on a un peu plus de marge dessus. C'est un produit qui fontionne bien, l'interdiction ça voudrait dire de la perte de chiffres."
Elle reconnait en revanche que ce serait une bonne chose d'un point de vue écologique : "C'est de ce côté là qu'il y a des progrès à faire."
"Ils ne demandent pas l'âge"
Au croisement d’une rue un peu plus bas, Shénia sort tout juste d'un bureau de tabac, avec en sa possession une Puff goût fruit du dragon. Son “parfum préféré”. Elle en achète au moins une fois par semaine.
Cette jeune lycéenne n’a que 17 ans et demi. Elle a pu obtenir ce produit interdit aux mineurs sans besoin de présenter une pièce d’identité. Elle en a conscience, mais elle n'a jamais eu de problème pour s'en procurer. “J’en consomme depuis 1 an et demi environ”, assure-t-elle.
Shénia fume aussi des cigarettes de temps en temps, ce qui n'entre pas en conflit avec les Puffs, selon elle. "J'ai commencé par les cigarettes. Mais les Puffs je trouve ça agréable, ça fait du bien. C'est plus agréable que la cigarette au niveau du goût. C'est mon petit plaisir de la semaine."
"Les bureaux de tabac ne font jamais gaffe, on passe à chaque fois. Moi on ne m'a jamais refusée, pourtant j'y vais depuis que j'ai 11 ans. Tant qu'ils vendent..."
Cécilelycéenne de 17 ans
Un peu plus loin, deux amies remontent la rue piétonne. Cécile a 17 ans et Lison les aura bientôt. Les deux lycéennes fument des cigarettes, mais ont été attirées par le goût des Puffs. Elles les ont découvertes dans un endroit un peu particulier. "Au début on allait tous à Gifi pour acheter des Puffs", se rappelle Cécile. "Il n'y avait que là-bas qu'on en trouvait, je ne sais pas s'ils en vendent encore", se questionne Lison.
Aujourd'hui les bureaux de tabac sont moins chers et plus laxistes d'après les adolescentes. "Ils ne demandent pas l'âge. Pour eux, c'est le business avant tout", s'amuse Lison. Cécile de son côté s'inquiète de voir ces produits assimilés à des bonbons : "Ça attire plus les jeunes. Il y a même plus de collégiens que de lycéens qui en prennent."
Si elles en consomment de manière occasionelle, ce produit ne leur manquera pas s'il venait à être interdit. "Ce n'est pas un truc vital. Que ça disparaisse, ça ne me dérange pas. C'est un petit plaisir, c'est tout. Et en soit ça coûte cher et ce n'est pas rechargeable", conclut Cécile.