Les fromageries Lactalis de Lons-le-Saunier (Jura) et de Vercel-Villedieu-le-Camp (Doubs) font partie des treize sites industriels ou de traitement des eaux usées placés par l'Etat en "vigilance renforcée" du fait de non-conformités ou d'incidents récurrents.
"Plusieurs sites font encore l'objet d'incidents réguliers ou de non-conformités récurrentes" prévient le ministère de la Transition écologique qui communique ces informations et place 13 sites en "vigilance renforcée". Cette dernière a été mise en place le 1er juillet sur la base des dernières inspections d'installations classées. Au total, 13 sites relevant de six exploitants sont pointés du doigt : le gestionnaire de déchets Pena, le sucrier Tereos, le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne), Esso, Lactalis et le fabricant d'engrais Yara.
En Franche-Comté, deux sites sont jugés dangereux et doivent mettre en oeuvre des mesures immédiates concernant "des rejets aqueux non conformes" :
- La société fromagère Lactalis de Lons-le-Saunier, dans le Jura. Elle emploie 350 personnes et produit notamment des crèmes de roquefort, du fromage fondu burger, croque pour les marques Super U, Président, Cora, Carrefour et Société.
- La société fromagère Lactalis de Vercel-Villedieu-le-Camp, dans le Doubs. Elle emploie 86 personnes et produit notamment la cancoillotte Raguin et le comté de la marque Président.
A l'origine, c'est le média d'investigation Disclose qui avait tiré la sonnette d'alarme en publiant une enquête fouillée et accablante au sujet des agissements de Lactalis, en novembre 2020. Nos confrères précisent alors, concernant le site de Vercel-Villedieu-le-Camp, qu'"en 2020, l’inspection des ICPE (Installation classée pour la protection de l'environnement) observe qu’il y a des dépassements de rejet en débit, DBO (demande biochimique en oxygène), DCO (Demande chimique en oxygène) et pH (potentiel hydrogène). Elle souligne aussi que la demande d’investissement est réitérée chaque année auprès du groupe Lactalis."
Au sujet de la société installée à Lons-le-Saunier, nos confrères écrivent : "En 2017, un rapport de l’inspection des installations classées observe de nombreux dépassements pH, MES, DCO, et de soude. Les données d’autosurveillance de 2017 à 2019 montrent en plus des dépassements en dioxyde d’azote et, ponctuellement, de soude".
"On a un chantier en cours"
Les industriels concernés par le classement en "vigilance renforcée", ont dû présenter ou renforcer un plan de mise en conformité, fait de mesures concrètes et vérifiables, avec des échéances, d’ici fin 2022. "Ils pourront aller plus vite, s’ils souhaitent sortir de la liste plus rapidement", explique-t-on du côté du ministère.
France 3 Franche-Comté a contacté le service communication de l'usine Lactalis implantée à Vercel-Villedieu-le-Camp. Ce dernier nous a expliqué brièvement : "Ce que je peux vous dire c'est qu'on a un chantier qui est en cours sur un bassin de confinement. Le bassin sera réalisé d'ici le mois d'octobre 2021. On sera complètement dans les clous à partir de ce moment-là. On nous a demandé d'accroître les capacités de notre bassin" avant de nous diriger vers la communication officielle du groupe Lactalis. Notre demande de tournage sur place, à Vercel-Villedieu-le-Camp, n'a pas été acceptée pour l'instant.
Dans un communiqué diffusé le 7 juillet Lactalis écrit : "Le Groupe Lactalis est pleinement conscient de sa responsabilité environnementale et améliore en continue sa maîtrise des risques industriels. Pas moins de 45 millions d’euros ont été investis ces six dernières années pour le traitement des eaux et 45 millions le seront dans les trois prochaines années. Concernant la Fromagerie de Vercel, les travaux de réalisation d’un bassin de confinement sont en voie de finalisation pour une mise en service dès octobre 2021. Pour la Fromagerie de Lons le Saunier, un dossier technique est en cours de finalisation avec les services de la Préfecture et la collectivité locale. Concernant la gestion de pH des effluents, des améliorations ont été apportées en juin 2021 et permettent d’assurer la conformité sur ce paramètre."
Découvrez notre reportage :
Reportage de Stéphanie Bourgeot, Florence Petit et Manu Dubuis.
Avec : Daniel Fleury - Vice-président de la Communauté de Commune des Portes du Haut-Doubs, en charge de l'assainissement ; Claude Le Quéré - Directeur départemental de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations - DDETSPP 25 ; Marc Goux - Co-animateur du collectif SOS Loue et rivières comtoises.
"Des pressions politiques"
La Préfecture du Doubs précise que huit entreprises sur 95 dans le département du Doubs étaient actuellement dans l'obligation d'une mise en conformité de certaines installations : "Ce sont les entreprises les plus importantes avec des rejets importants qui ressortent avec des améliorations à apporter. Il s'agit principalement de la mise en cohérence entre les rejets et les performances de leurs stations d'épuration". Des mises en demeure ont été dressées. Les infractions sont-elles graves ? "Ce ne sont pas des infractions, ce sont des non-conformités aux arrêtés initiaux. Mais ne pas respecter la mise en demeure peut exposer à des poursuites pénales" répond la préfecture, sans dévoiler les détails concernant les infractions relevées.
L'association SOS Loue et rivières comtoises, spécialisée dans la surveillance de l'état des cours d'eau en Franche-Comté, nuance l'efficacité des mises en demeure, en citant l'exemple de la fromagerie Monin installée à Chantrans (Doubs). "Concernant les mises en demeure, la laiterie de Chantrans, par exemple, en est à sa troisième mise en demeure... Il doit y avoir des pressions politiques et tout le monde s'écrase, y compris les préfets" nous a expliqué le collectif environnemental.