La vache, tout le monde la connait, on en voit partout, mais depuis un certain temps on se demande à quoi elle sert : il ne faut plus la manger, il ne faut plus la tuer, il ne faut plus boire du lait, il faut leur couper les cornes… Verra-t-on un jour un monde sans vaches ?
Autrefois, les vaches broutaient paisiblement dans nos pâturages et mourraient sans tapage. Aujourd’hui, on dit qu’elles encombrent les paysages, souffrent et polluent la planète !
Face aux attentes sociétales en termes de bien-être animal et d’environnement, son avenir est-il encore dans le pré ?
Le rôle fondamental de la vache
Une vache, c’est un ruminant, un bio fermenteur sur quatre pattes.
Le ruminant a sur terre un pouvoir extraordinaire : celui de convertir en aliment pour l’Homme (lait, viande), des ressources végétales que l’homme ne peut pas consommer directement, des ressources à base de cellulose.
Ces ressources végétales représentent 80 % de la production de la biomasse sur terre, hormis les forêts.
Sur terre, pratiquement les 2/3 des surfaces émergées possiblement utilisables pour l’agriculture, sont des surfaces sur lesquelles on ne peut pas faire de cultures à cause du climat ou de la pauvreté des sols.
Jean-Louis Peyraud, ingénieur agronome
Il n’y a que de l’herbe qui pousse et seuls les ruminants sont capables de valoriser ces surfaces pour produire de l’aliment pour l’Homme.
L’élevage de ruminants permet donc de conserver, au niveau national, 11 millions d’hectares de prairies permanentes. Une prairie permanente est un terrain herbeux peu ou pas travaillé, un terrain non labourable, pentu, humide ou caillouteux qui sert au pâturage.
Si, dans le passé, les grands mammifères herbivores ont pu entretenir les prairies naturellement, leur maintien dépend aujourd’hui du travail des éleveurs, des bergers et de la présence de leurs troupeaux. Les prés communaux et les prairies permanentes anciennes sont aussi des prairies fleuries. Parmi les terres agricoles, ce sont celles qui ont été le moins modifiées par l’Homme qui accueillent un nombre considérable d’espèces végétales et animales. Sans élevage, les prairies se ferment et évoluent vers des milieux forestiers.
Pendant l’été, l’herbe des montagnes sert à constituer une partie de la réserve de fourrage nécessaire à l’alimentation du cheptel enfermé à l’étable l’hiver.
Ce mode d’élevage, appelé pastoralisme, est fondé sur l’exploitation de la végétation naturelle et sur le déplacement régulier des troupeaux (les transhumances). Activité ancestrale pratiquée sur tous les continents du monde, elle ne perdure aujourd’hui que dans les zones d’accès difficile où l’élevage extensif est le seul mode d’exploitation possible.
En plaine, ces prairies de moindre surface possèdent des arbres isolés et sont entourées de haies, sources d’ombre et d’habitat pour une large biodiversité d’oiseaux, rongeurs et insectes.
Par ces pratiques, les animaux et ceux qui les conduisent entretiennent également les paysages et assurent l’équilibre entre l’herbe et l’arbre. En alpage, les équilibres écologiques et paysagers entre l’herbe et l’arbre sont fragiles. Ils sont dépendants du pacte ancien qui lie l’homme, l’herbe et l’animal. Au fil des siècles, les éleveurs de montagne ont façonné des paysages, inventés des modes d’exploitations durables et ont constitué des réserves de biodiversité incontestables.
La vache, productrice de protéines consommables pour l’Homme
Pour une vache laitière, en moyenne, il faut entre 3 et 4 kg de protéines végétales pour faire 1 kg de protéines dans le lait.
Pour un bovin producteur de viande, en système extensif (agriculture qui consomme moins de facteurs de production par unité de surface – opposition à agriculture intensive), il faut environ 10 kg de protéines végétales pour faire 1 kg de protéines animales.
Ces chiffres-là, intrinsèquement ne sont pas faux, mais on oublie de dire que l’essentiel de ces protéines ne sont pas consommables par l’Homme. Je n’ai jamais vu personne dans une prairie en train de brouter !
Jean-Louis Peyraud, ingénieur agronome
L’Homme ne peut pas manger d’herbe, car son système digestif ne lui permet pas de digérer la cellulose.
"On constate que le ruminant qui mange en système herbagé produit plus de protéines qu’il n’en consomme. Il n’est donc pas en compétition avec l’alimentation humaine et il est producteur net de protéines (..) Les ruminants, s’ils sont bien conduits, avec une population moins importante au niveau de la planète telle qu’elle est aujourd’hui, sont des animaux qui peuvent contribuer valablement à la sécurité alimentaire mondiale", indique Jean-Louis Peyraud.
Pour cet ingénieur agronome, ce qui compte quand on veut raisonner la compétition entre l’alimentation animale et l’alimentation humaine, c’est la part de protéines que mange l’animal qui aurait pu être mangé par l’Homme.
C’est là où, selon lui, se pose la question de l’efficacité réelle du système intensif, avec des bovins nourris par exemple aux protéines de blé, protéines consommables par l’humain (pour la fabrication du pain par exemple).
Vers une disparition des vaches dans le paysage français ?
L’avenir de la vache est incertain face aux questions sociétales et environnementales actuelles. Les bovins sont rendus "responsables" de la pollution atmosphérique et de la déforestation et peuvent être victimes de mauvais traitements.
En tant qu’omnivores, il était jusqu’ici pour nous évident d’élever et de manger de la viande bovine. Pourtant, la possibilité d’un monde sans cet animal, et sans cet aliment, émerge depuis quelques années.
De plus en plus nombreux sont celles et ceux qui renoncent aujourd’hui aux produits d’origine animale. Le monde moderne condamne moralement les mangeurs de viande. Aux préoccupations portées par les Etats et l’Union européenne (la sécurité sanitaire, le respect de l’environnement et des animaux) s’ajoutent les revendications des associations de la cause animale, qui préconisent d’interdire l’élevage au nom du bien-être animal.
L’activisme de ces mouvements, jusque dans les instances institutionnelles, sème le trouble dans les sociétés occidentales. Ainsi, renoncer à manger de la viande, deviendrait un moyen de préserver à la fois l’environnement et l’animal. Car la vache, n’est ni une matière première, ni une marchandise. La vache… C'est du vivant !
Selon le sociologue Jean Viard "Le rapport à l’animal a profondément changé en Occident…" et le droit de le tuer également.
Si l’éleveur est aujourd’hui dénigré, le boucher criminalisé et le mangeur de viande montré du doigt, la vache est très probablement l’animal domestiqué le plus important dans l’histoire de l’Homme : il s’est nourri avec sa viande, son lait, a utilisé sa peau, ses cornes, ses déjections comme engrais naturel et a mobilisé sa force de travail.
Actuellement, la viande est toujours d’origine animale, mais elle peut aussi être cultivée en laboratoire à partir de cellules souches de fibres musculaires. Les chercheurs parviendront prochainement à reconstituer, le grain, la jutosité, la tendreté et la couleur de la viande presque à l’identique !
Même la tension du muscle et sa fixation sur l’os seront bientôt aussi parfaites que sur un bovin charolais que l’on voit paître dans nos prés.
Si nous n’avons plus besoin de prélever le lait et la viande des vaches pour nous nourrir, nous pourrions alors vivre dans un monde sans vaches.
Mais concrètement, que sera notre monde si l’élevage bovin venait à disparaître ?
"Oh la vache !", un documentaire de Dominique Garing
Produit par VDH Production, avec la participation de France Télévisions et en partenariat avec Le Blob, le média numérique d'actualité scientifique d'Universcience
Diffusion jeudi 29 février à 23h30 et déjà disponible sur la plateforme france.tv