Besançon : à la rencontre de Nacle, le graffeur qui colore le quotidien des soignants

L'artiste bisontin a posé ses bombes au pied du centre hospitalier de Besançon (CHRU Minjoz) pour réaliser une grande fresque. Une manière de témoigner sa gratitude au personnel soignant, déjà présent avant la crise du covid-19.

En face du centre hospitalier, les passants vont et viennent. Dossiers à la main. Des airs soucieux, parfois hagards. Souvent pressés. Pas mon cas. A la recherche de la fresque, j’erre entre les bâtiments, presque labyrinthiques, un appareil photo autour du cou. Au bout d’une quinzaine de minutes de promenade, l'hôpital m’indique : « Prenez la voie du tram, et contournez l’hélistation et vous trouverez... » Trouver la fresque, à moitié entamée, et surtout Nacle, le graffeur bisontin.

« C’est ma pause ! J’en profite pour la contempler de loin », lance l’homme à la trentaine, l’air affable. Roulant une cigarette entre ses doigts, il traverse plusieurs fois la rue, regarde les formes, les couleurs, les nuances. Le tout en répondant à mes questions. Chaque jour, l’artiste consacre une dizaine d’heures, bombe à la main, à réaliser son œuvre. « À peu près, huit mètres de haut sur cinquante mètres de large », voilà les dimensions supposées de la fresque. Le graffeur en aura pour deux à trois semaines de travail.

Nacle et le CHU, main dans la main

« L’hôpital, c’est quelque chose qui nous appartient à tous, qui nous tient à cœur, et qui, parfois, chamboule nos vies », lance-t-il, méditatif, examinant sa peinture de rue. Sur les murs, des mains se relayent : l’une sur une souris d’ordinateur, l’autre tenant une seringue, ou encore une avec un scalpel. Pas par hasard, détaille Nacle : « En tout, il y aura une dizaine de mains. Chacune représentera un métier de l’hôpital, ou alors un trait symbolique comme la main tendue. J’aimerais aussi montrer la transmission, avec une main d’une personne âgée, et celle d’un enfant. La main a un caractère universel. »

Et justement, tout est fait à main levée. « À l’artisanale », aime-t-il à dire, lui qui travaille seul. Casque sur la tête, puis masque sur le visage, Nacle précise pourtant : « c’est un projet collectif, et c’est le personnel soignant qui a choisi l’œuvre ». Après un appel d’Aline Chassagne, adjointe à la maire, en charge de la culture, le graffeur a proposé différentes maquettes pour parer les murs. Soumis au vote des 7000 salariés de l’hôpital, 1200 personnes ont participé. Une démarche qui lui tenait à cœur : « Je m’immisce un peu dans leur quotidien, leur vie. Cette fresque-là, ils la verront tout le temps en allant travailler, alors autant que cela leur plaise. » C’est donc une œuvre colorée qui a été choisie. Et Nacle confie : « cela m’arrange, c’était ma préférée ! »

Deux hélicoptères plus tard…

Sur sa nacelle, le haut-parleur entonne des airs de rap états-unien, parfois de pop-rock. Et rapidement, un bruit saccadé rompt la musique. Un hélicoptère décolle. Peut-être en direction de l’hôpital de Trévenans. « Ça arrive souvent qu’ils passent au-dessus de moi. Mais normalement, on m’appelle avant pour que je baisse la nacelle. Question de sécurité », me prévient-il, avant de manier ses manettes. Le bruit aigu de la machine se marie à l’enceinte.

Quatre-vingt bombes de peintures, dans différents cartons, délimitent les bords de la plateforme. Et au milieu, assez de place pour faire quelques pas. « Parfois, j’en utilise que 30 ! », rit Nacle. Le graffeur commence par établir des formes, puis écrit des symboles : des lettres, des étoiles, des figures géométriques. « Cela me permet de savoir où je dois colorer », explique-t-il, en passant une couche de peinture sur ces signes. Sous sa bombe, une main se dessine doucement.

Des rencontres à la volée

Une ambulance s’arrête, fenêtres baissées. « C’est vous qui faites ça ? », lance une jeune femme, les yeux écarquillés. « Oui, oui, je viens de commencer », répond Nacle, réservé. Il esquisse un sourire. « Continuez, c’est vraiment beau. Bravo ! ». Et le véhicule s’éloigne. Des échanges, comme celui-ci, l’artiste bisontin en a plusieurs par jour. Et en une heure et demie d’entretien, quatre personnes ont pris des photos ou discuté avec Nacle. Et ce n’est pas pour lui déplaire : « Généralement, mes œuvres ne sont pas visibles tout de suite, ou alors, il s’agit de lieux plus cachés. Ici, la visibilité est plus grande. La fresque peut être aperçue depuis le tram. Alors, les gens passent une tête, curieux. Et cela fait plaisir de les rencontrer, de discuter. »

C’est une démarche que Nacle apprécie. Celle d’une accessibilité de l’art. Le graffeur remarque : « Je mets souvent des références aux super-héros, à la culture geek ou à la culture pop’, populaire, qui sont reconnaissables de tous. » Et de conclure : « Le graffiti, c’est peut-être le véritable ‘art contemporain’, l’art d’aujourd’hui. Pas celui élitiste, qui s’expose dans les musées. Mais, celui qui est facilement compréhensible. »

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