Jeudi 1er octobre, les apiculteurs du syndicat apicole du Doubs se sont mobilisés à Besançon contre le retour des néonicotinoïdes. Ils craignent une nouvelle décimation des colonies d'abeilles.
Jeudi 1er octobre, l'Union nationale d’apiculture française a lancé un appel à la mobilisation. A Besançon, des membres du syndicat apicole du Doubs y ont répondu. Ces apiculteurs sont venus dénoncer la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes. Un projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée nationale.
"Ce sont 27 tonnes de produits qui vont être réintroduits. Remettre en route ces néonicotinoïdes c’est juste impensable", s’insurge Michel Mesnier, président du Syndicat apicole du Doubs.
Les néonicotinoïdes, qu’est-ce que c’est ?
Les néonicotinoïdes sont un ensemble d’insecticides agissant sur le système nerveux des insectes. Disponibles depuis les années 1990, ce sont les insecticides les plus utilisés dans le monde. En agriculture, ils permettent de débarrasser les cultures des chenilles, cochenilles, pucerons ou insectes mangeurs de bois.Mais depuis l’apparition des néonicotinoïdes en France, les apiculteurs ont constaté un effondrement des populations d’abeilles. En effet, ces substances les désorientent, elles perdent la mémoire et ne retrouvent pas le chemin de leur ruche. Ainsi, environ 300 000 ruches périssent chaque année. Un taux de mortalité qui est passé de 5% en 1995 à 30% aujourd’hui.
"L’apiculture a perdu 50% de sa production de miel en 30 ans et personne n’a aidé l’apiculture à ce moment-là", continue Michel Mesnier.
Les néonicotinoïdes interdits…puis de nouveau autorisés
C’était une victoire pour les apiculteurs et les associations écologistes. En 2018, le gouvernement interdisait définitivement l’usage de ces pesticides sur les champs. Le but étant de sauvegarder les colonies d’abeilles. Mais le ministère de l’Agriculture a annoncé, le 5 août, un possible retour des néonicotinoïdes dès 2021 et jusqu’en 2023. Avec pour objectif d’aider la filière sucrière, qui lutte contre la prolifération de pucerons provoquant la jaunisse de la betterave. Ces insectes entrainent une perte de rendement allant de 30% à 50%.Selon le Ministère de l’Agriculture : "Cette crise de la jaunisse fragilise l'ensemble du secteur sucrier et crée le risque d'un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs au profit d'autres cultures. Or la France est le premier producteur de sucre européen. Le secteur concerne 46.000 emplois dont 25.000 agriculteurs et 21 sucreries." Cette crise fait suite à l’abandon des néonicotinoïdes. Les alternatives utilisées contre les pucerons s’étant "révélées inefficaces".
Producteur de betteraves fourragères à Champagne-sur-Loue (Jura), Christian Colmagne est favorable au projet de loi : "L’interdiction a un impact direct sur mon métier. Aujourd’hui si on n’a pas de solution pour contrecarrer cette interdiction, soit on continuera à traiter avec d’autres impacts concernant l’application d’insecticides en surface, soit on arrêtera de produire de la betterave".
Cette dérogation est semblable à un rétropédalage pour les apiculteurs, syndicats et écologistes. Indignés, ils veulent rappeler les risques qui pèsent sur la biodiversité. "On nous dit qu’il n’y a pas d’effets sur les abeilles car les betteraves n’ont pas de fleurs. Mais ces néonicotinoides on va les trouver dans la terre. Ils ont un pouvoir de rémanence énorme donc quand on va remettre des cultures où il y aura de la floraison derrière, ça va forcément impacter l’abeille", explique, Gérard Simplot, technicien sanitaire apicole. L'apiculteur redoute que des dérogations soient également octroyées à d’autres secteurs.
Mais pour Christian Colmagne, le retour des néonicotinoïdes est indispensable : "Pour nous ça avait un intérêt important sur la protection de la végétation des betteraves. Depuis que nous n’avons plus le traitement sur les semences, nous sommes impactés par les parasites. […] Si la loi passe, je repasserai sans hésiter aux néonicotinoïdes", conclut le producteur. Le projet de loi sera voté à l'Assemblée nationale le 6 octobre prochain.
Avec
Michel Mesnier Président du Syndicat apicole du Doubs
Gérard Simplot Technicien sanitaire apicole
Christian Colmagne Agriculteur