Besançon: malgré le déconfinement, difficile sortie de crise chez les luthiers et les magasins d'instruments de musique

Les commerces ont rouvert lundi 11 mai 2020, mais la filière reste en souffrance. En cause notamment : la disparition des concerts et autres festivals.

D'accord, il fait froid, presque glacial pour un 15 mai. Mais tout de même, on ne croise pas grand monde ce vendredi matin au quartier Rivotte de Besançon.

"Tout le monde a la tête entre les mains, se désole Hervé Prudent, luthier depuis 35 ans. Alors je vous le demande à vous, mes chers compatriotes : faites-nous bosser !"
 

Mes chers compatriotes : faites-nous bosser !

Tout ce que la ville compte de luthiers ou de vendeurs de pianos vous le dira : il a fallu survivre tant bien que mal pendant deux mois, et la reprise reste timide, aujourd'hui encore. 

Heureusement, il y a ces coups de la providence, qui vous aident à finir vos mois. Hervé Prudent a réussi à vendre un instrument de sa composition, facturé 3.000 $ à un musicien new-yorkais, quand la France était à l'arrêt. Tous n'ont pas eu cette chance. 
 

Mais la palme des situations délicates revient sans doute à Renaud Chadeuf. Lui est spécialisé dans les instruments à vent. Un cauchemar à l'heure du coronavirus. 

"Par définition, les instruments à vent sont des instruments dans lesquels on souffle, commente le patron de Reno Music. En clair, on met de la salive partout !"

Conséquence pour son travail en atelier : la moindre réparation nécessite de mettre l'instrument à l'écart, entre sept et neuf heures, le temps que la salive disparaisse.

Plus la peine d'envisager des cuivres dans un orchestre, ou des cours privés de saxophone. Quant à jouer du Wagner entre amis, n'y pensez même pas. 

"Mon activité va être sacrément merdique dans les prochains mois", conclut objectivement Renaud Chadeuf.
 


"On fait partie d'une chaîne, poursuit celui qui s'est installé à Besançon en 2014. Enlevez un maillon, et tout s'effondre." 

Le maillon en question, c'est le monde du spectacle, en sourdine jusqu'à nouvel ordre. Tout concert est interdit, les festivals n'auront pas lieu cet été. Même les conservatoires de musique sont fermés.

Qui pour acheter ou faire réparer un instrument dans ces conditions ?

LA FILIERE TIRE LA SONNETTE D'ALARME

Préoccupée, la chambre syndicale de la facture instrumentale (CSFI) a mené l'enquête. L'organisme, qui représente les sociétés et artisans travaillant dans la conception et la vente d'instruments de musique, leur a adressé un questionnaire. 

Sur 400 entreprises ayant répondu (plus de détails ici), 234 pensent que leur avenir sera "difficile, mais surmontable" ; 109 estiment qu'il est "insurmontable si des aides pérennes et plus fortes ne sont pas mises en place" ; 23 envisagent un dépôt de bilan. 
 

NE PAS METTRE TOUS SES OEUFS DANS LE MÊME PANIER


"Si le gouvernement nous file les aides promises, je m'en sortirai, reconnaît Renaud Chadeuf, optimiste. Sinon, tant pis ! Je ferai boulanger ! Ou je vendrai des montres !"

Hervé Prudent devrait s'en tirer lui aussi. Mais il pense à se diversifier, au cas où. Ainsi cette idée qui ressurgit (elle ne date pas d'hier), au sujet d'une salle de spectacle qu'il aménagerait dans sa cave : 

"On accueillerait le moins de monde possible, on installerait des caméras, et on diffuserait des concerts en direct sur YouTube ou sur Facebook, en essayant de monétiser le nombre de vues", explique-t-il, enthousiaste. Un peu sur le modèle des "concerts confinés" ayant fleuri sur Internet ces deux derniers mois.

Précisons aussi, puisqu'il est question de concerts, que leur disparition fait courir un risque supplémentaire aux artisans comme Hervé Prudent ou Renaud Chadeuf. 

Si les musiciens se produisent moins, ils gagneront moins, et dépenseront moins d'argent dans leurs instruments. Le made in France pourrait en pâtir, au profit de la Chine. 


QUELLES SOLUTIONS ?


Pour sortir de l'impasse, la chambre syndicale de la facture instrumentale (CSFI) émet plusieurs pistes. Il faut, dit-elle, encourager les collectivités locales à renouveler les instruments déjà disponibles dans les écoles de musique. Le tout en faisant travailler les artisans locaux. 

Autre proposition audacieuse : l'instauration d'un crédit d'impôt de 1.000 €, pour les revendeurs d'instruments. 

Le gouvernement les entendra-t-il ? 
 

 
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