En quatre ans, à Besançon, près d’une assistante maternelle sur quatre aurait arrêté d’exercer. Elles auraient notamment de plus en plus de mal à trouver des jeunes enfants à garder. Alors, certaines d’entre elles ont créé un collectif "Sauvons les nounous".
"Ça fait 10 ans que je suis dans cette profession, mais j’ai l’impression que c’est de plus en plus difficile d’accueillir un enfant quand il y en a un qui part". En quelques mots, Camille Michelin-Meynier vient de résumer son désarroi. Avant le premier confinement, cette assistante maternelle n’avait jamais eu de difficultés majeures à trouver des jeunes enfants à garder. Depuis 3 ans, "j’ai des difficultés" confie-t-elle. Elle, qui a un agrément pour deux enfants, n’en garde plus qu’un seul, faute d’avoir trouvé des parents prêts à l’engager. "L. va partir en juillet, si je n’ai plus du tout d’enfant d’ici là, ça va être difficile", s’inquiète-t-elle.
Alors, depuis peu, elle a trouvé du réconfort auprès d’un collectif, fraîchement fondé : "Sauvons les nounous". Créé par des assistantes maternelles, qui se retrouvaient chaque semaine autour des ateliers du Relais Petite Enfance de la ville, ce groupe de discussion était à l’origine destiné à leur permettre de discuter et de se remonter mutuellement le moral. Mais au fil des échanges, les participantes ont réalisé qu’elles étaient loin d’être les seules à rencontrer les mêmes difficultés.
Du haut de ses 30 ans d’expérience, Patricia Martinez a constaté le même phénomène. "Mon avenir, il n’est pas très rigolo" se désole-t-elle. "J’ai des contrats qui vont s’arrêter, je n’en trouve pas de nouveaux". "Je me disais ‘peut-être que c’est mon âge, peut-être que les jeunes se disent, c’est une mamie’, mais non ! Mes collègues ont le même problème".
A Besançon, le phénomène aurait pris une telle ampleur, que de nombreuses assistantes maternelles renonceraient à exercer leur métier. "Depuis 2018, on a perdu 116 assistantes maternelles sur la ville" confirme Marie Etevenard, adjointe à la Petite Enfance pour la ville. Elles, qui étaient 618 à exercer en 2018, ne seraient plus que 502. En quatre ans, la municipalité aurait ainsi perdu près d’une nounou sur cinq. Si une partie de ces assistantes maternelles serait partie à la retraite, la profession serait vieillissante, c’est la baisse de la natalité, et de leur activité, qui serait en cause. "On a une baisse des demandes en garde individuelle pour les enfants, et a contrario, on a une augmentation des demandes de garde en crèche collective" explique Marie Etevenard.
La concurrence des micro-crèches et des collectivités
Pour Patricia Martinez, il n’y a d’ailleurs pas de doute : "Je pense que les jeunes parents sont à fond pour les crèches". Comme d’autres, elle s’est plusieurs fois vu répondre, après plusieurs contacts, une visite et des discussions avec des parents, que ceux-ci préféraient finalement confier leur enfant à un mode de garde collectif. Certains lui auraient même proposé de venir compléter les heures de garde de la crèche. "Ils disent ‘les enfants sont plus nombreux’ " relaie-t-elle." Chacun peut aller où il veut, mais nous les nounous, on a aussi un intérêt pour les enfants, c’est un environnement familial" soupire-t-elle. Pourquoi préférer un accueil collectif ? Les nounous du collectif se le demandent. "Les parents auraient moins envie que leur enfant soit avec une seule personne ? Ils préfèrent une mixité ?" s’interroge Camille Michelin-Meynier.
En tout cas, une chose est sûre : comme ses consœurs du collectif, la multiplication des micro-crèches dans la ville l’inquiète. Ces infrastructures privées, qui accueillent en général une dizaine d’enfants, se multiplieraient sur la commune. Selon la municipalité, il y en aurait aujourd’hui 16, pour 160 enfants accueillis. "On voit que des micro-crèches vont arriver dans notre secteur, trois, et on sent bien que le quartier est impacté" affirme Patricia Martinez. "Il y en a encore deux qui vont ouvrir ... Quand je pense qu’ils prennent facilement 10 enfants, multipliés par 2, 3 4, 5 micro-crèches …" Camille Michelin-Meynier n’ose pas finir sa phrase.
Bien que nettement plus chères que les assistantes maternelles, leurs tarifs avoisinent plutôt les 10 euros de l’heure, quand les nounous sont souvent payées entre 3 euro 50 et 4 euros 60 de l’heure, ces infrastructures bénéficient de plusieurs avantages sur ces dernières : "Ils ont le droit de faire de la publicité" remarque d’abord Camille Michelin-Meynier. "Avant, le relais des assistantes maternelles avait une liste où les parents s’inscrivaient, ils pouvaient avoir une liste d’assistantes maternelles, et nous des parents en recherche. Maintenant, tout ce que l’on peut faire, c’est être sur le site monenfant.fr" explique-t-elle. Peu pratique, ce site internet leur donnerait l’impression d’être "invisibilisées".
Autre explication : "pour les assistantes maternelles, les parents ont à devenir particulier employeur, contrairement au recours à l’accueil collectif". Face aux crèches et micro-crèches, qui fournissent factures et justificatifs, les contrats et bulletins de salaire à confectionner soi-même, site internet pour les déclarer très loin d’être ergonomique, et la convention collective alambiquée rebuteraient de nombreux parents. Un argument administratif difficile à surmonter pour ces assistantes maternelles. Pourtant, pendant les différents confinements, les nounous avaient été les seules à continuer à accueillir les enfants.