Coronavirus Covid-19 : la chauve-souris, une coupable idéale

C’est le bouc émissaire idéal de cette pandémie. Non seulement, la chauve-souris en serait à l’origine mais elle serait aussi porteuse de tous les maux. Avec la chercheuse bisontine Eve Afonso, nous allons tenter de redorer le blason de cet étonnant mammifère. 

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Depuis le début de la pandémie, la chauve-souris fait figure de coupable idéal. Or si la plupart des scientifiques s’accordent aujourd’hui sur l’origine animale du coronavirus Covid-19, incriminer directement ce petit mammifère nocturne est indéniablement un raccourci.

Nous allons tenter de vous expliquer pourquoi avec EVE AFONSO-DOUABLIN, maître de conférences au laboratoire Chrono-environnement de l'Université de Franche-Comté. 
Ses recherches portent sur les impacts des changements globaux sur l'écologie de la faune sauvage et la transmission de maladies parasitaires. Elle travaille essentiellement en Europe et en Asie, et étudie des espèces de mammifères, en particulier les chauves-souris.
  


Pourquoi la chauve-souris a-t-elle si mauvaise réputation ?


Ces animaux nocturnes ont de tout temps enflammé l’imagination humaine comme nous le rappelle Eve Afonso-Douablin et ont longtemps été perçues comme maléfiques.

« Dès la Rome antique puis après l’apparition de la religion chrétienne, les chauves-souris étaient considérées comme des animaux apparentés par nature au diable et aux démons. Le rôle maléfique des chauves-souris se retrouve ainsi dans de nombreuses iconographies à travers les siècles, et persiste aujourd’hui sous d’autres formes (par exemple lorsque leur image est associée à Halloween). »


Les chauves-souris sont-elles vraiment porteuses et vectrices de virus ?


PETITE DEVINETTE : quelle est l’anagramme de « chauve-souris » ?
La réponse est : « souche à virus ». Voilà qui en dit long... Oui naturellement, la chauve-souris est porteuse de nombreux virus. On retrouve ainsi plus de 90% des lyssavirus (ceux associés à la rage) et des coronavirus connus. Elle est aussi porteuse du virus Ebola et de nombreuses bactéries et parasite. 

« Et parfois, nous explique Eve Afonso, ces virus peuvent être directement transmis aux humains, ou bien indirectement en passant par des recombinaisons génétiques chez des hôtes intermédiaires. Ils causent alors des épidémies qui sont en général très contagieuses ou très virulentes chez les humains : les plus emblématiques sont le SARS (2003), le MERS (2012), et Ebola (2014-2015).»


Que sait-on à ce jour du rôle joué par la chauve-souris dans l’origine de l’épidémie ?


Pire qu’une équation à plusieurs inconnues mais quand même avec une quasi-certitude : au départ est bien la chauve-souris !  

« Clairement, le risque de contracter le SARS-Covid-19 dépend d’un contact avec un autre être humain. Une souche virale isolée chez des chauves-souris (des rhinolophes) en Chine, dans la province du Yunnan, est proche de celle qui infecte actuellement les humains, mais n’est pas identique. Un des scénarios possible est qu’il a fallu des recombinaisons génétiques, probablement à travers la contamination d’hôtes intermédiaires (des scientifiques ont parlé du pangolin, mais cela reste à confirmer), pour que le virus traverse la barrière immunitaire inter-espèces et contamine l’humain. »  

Mais comme nous le précise Eve Afonso, pas de certitude en la matière « cela reste encore un scénario ».
 



Les chauves-souris sont-elles menacées ? 


Nous craignons effectivement qu’un sentiment anti-chauves-souris se développe en réponse à la situation actuelle, et que des colonies soient chassées de leurs gîtes par méconnaissance de ces animaux.

Le manque de connaissances et la défiance par rapport à ces animaux rendent aujourd’hui leur conservation assez délicate. Faut-il le rappeler, la chauve-souris est en France une espèce protégée…depuis 1976. Il est donc strictement interdit de les détruire, de les transporter ou de les commercialiser.
En Europe, la grande majorité des espèces de chauves-souris a décliné à partir des années 1950, certaines populations ont disparu localement, d’autres commencent seulement à se rétablir.

« En Chine, nous raconte la chercheuse Eve Afonso, les chauves-souris sont perçues comme des animaux annonciateurs de bonheur et de prospérité. Pourtant, une menace s’ajoute à celles citées puisque les chauves-souris sont consommées pour leur viande, même si cela reste anecdotique dans la diversité des ressources alimentaires. Jusqu’ici j’avais peu entendu parler de sentiment de défiance à l’égard des chauves-souris en Chine, mais des collègues chinois ont récemment alerté sur des destructions de gîtes et sur l’urgence de mettre en place rapidement des plans de conservation à l’échelle de tout le pays. »


Et pourtant, avec un système immunitaire étonnement efficace, les observer et les étudier plutôt que les chasser permettrait peut-être de nous aider à lutter contre de futures épidémies.




 
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