Des photos publiées le 7 septembre sur le réseau social Twitter par Emma Audrey, journaliste à Radio Bip Besançon soulèvent le lièvre. Est-ce bien un(e) élu(e) qui arbore en pleine rue à Besançon (Doubs), une cocarde de conseiller régional sur une voiture décorée avec des autocollants pro armée russe ? Nous avons enquêté. Il s’agit d’une ancienne élue Front National de Haute-Saône, Karine Champy. L’ancienne conseillère régionale assume et ne cache pas son soutien au régime de Vladimir Poutine.
“J’ai tout de suite remarqué des autocollants de bataillon du Donetsk” nous explique la journaliste. “Une dame d’un certain âge conduisait le véhicule” précise-t-elle.
Emma Audrey, journaliste bisontine de la radio associative, est tombée sur la voiture par hasard, non loin du centre ville de Besançon. Son tweet a suscité de nombreux partages et commentaires.
Contacté par France 3 Franche-Comté, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté ne cache pas sa surprise et son embarras suite à la publication de ces photos. La collectivité locale a fait les vérifications de son côté : ce n’est pas un élu en fonction qui roule à bord de cette petite voiture noire. Qui plus est, les élus régionaux n’ont pas de cocarde. Le conseil régional s’interroge sur les suites à donner à cette affaire.
Après plusieurs coups de fil, nous avons fini par retrouver le propriétaire de la voiture. C'est une femme, Karine Champy qui n’est plus élue au conseil régional depuis 2021, elle assume. “C’est bien ma voiture. Je suis allée chez le coiffeur à Besançon, effectivement. Ce véhicule, je l’ai customisé en 2015 avec des badges de bataillons russes du Donbass. Pour moi, le Donbass a toujours été russe, l’Ukraine a toujours été russe” explique l’ancienne élue au téléphone.
Un soutien affiché aux milices militaires russes
Sur son véhicule, plusieurs autocollants sont visibles sur la carrosserie et notamment celui du “Bataillon Somali”. D’après nos informations, il s’agit d’un bataillon de volontaires formés à l’automne 2014 dans la région de Donetsk pour combattre aux côtés des autonomistes pro-russes.
Un autre autocollant de couleur verte laisse apparaître le terme “Bonnes personnes”. Il s’agirait de soldats de l’armée russe sans signe distinctif qui ont envahi la Crimée, toujours en 2014. La Russie avait alors nié le rattachement officiel de cette milice à l’armée russe, avant de reconnaître que ces combattants appartenaient bien à l’armée régulière.
On peut également constater la présence d’un autocollant gris avec une tête de chien. Il fait référence à une formation militaire pro-russe apparue en avril 2014 dans la région de Lougansk et qui a pris part à la guerre dans le Donbass.
Le port des cocardes par les élus réglementé
“Je suis allée siéger au conseil régional avec cette voiture, j’ai même porté en séance sur ma veste l’insigne du bataillon de Saint-Georges, et du symbole antifasciste russe, personne ne m’a jamais rien dit” lance-t-elle.
Quant à la cocarde, l’ex-élue dit n’avoir pas fait attention qu’elle était restée sur son tableau de bord. “Je peux la garder, j’ai été élue à la région” estime-t-elle, précisant que si on lui demande de l'enlever, elle le fera. Cette cocarde lui a été offerte par une collègue, une cocarde très facile à acheter sur internet. Le port des cocardes sur les voitures officielles est pourtant réglementé, les élus locaux ne sont pas autorisés à les arborer.
Qui est Karine Champy, ancienne élue FN ?
Karine Champy a été élue au conseil régional de Franche-Comté en 2015, sous l’étiquette Front National, avant que le parti ne devienne le Rassemblement National. Elle était alors tête de liste départementale pour la Haute-Saône. En 2017, elle est suspendue du FN pour “une attitude contraire aux statuts du Front national”, d’après nos informations. Elle avait terminé son mandat en siégeant comme non-inscrite.
En octobre 2019, au moment où l'élu régional Julien Odoul (RN) prend à partie une accompagnatrice scolaire et demande à ce qu'elle retire son voile lors d'une séance du conseil régional, des témoins voient Karine Champy s'adresser à la femme dans les couloirs. Selon l'enquête de Libération, cette dernière tient des propos agressifs envers cette femme venue accompagner des enfants. "Vous allez voir les Russes, vous allez voir, tu vas voir, ils vont vous dégager."
Karine Champy assume clairement aujourd'hui sa position de soutien à la Russie. “Je ne vais pas enlever ces autocollants que j’ai depuis la révolution de Maïdan. Je suis absolument contre ce processus d’escalade face à la Russie. Notre pays la France ne peut pas psychologiquement supporter cette guerre. Je ne pense pas que les Français puissent supporter les conséquences des sanctions. Si seulement, il y avait une solution diplomatique, car ça s’aggrave. Et ce n’est pas la faute des russes si nos centrales nucléaires ne tournent pas” estime l’ancienne élue. Pour elle, le régime de Kiev est “un régime de nazis”, reprenant la rhétorique de Vladimir Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.
Le RN et la Russie, des liens désormais dérangeants
La présidente du Rassemblement National, Marine Le Pen n’a jamais caché ses liens avec la Russie de Poutine, comme le rappellent nos confrères du Monde.fr. Elle a été officiellement reçue en 2017, par le président russe.
Durant la campagne présidentielle 2022, et alors que la guerre en Ukraine avait éclaté quelques mois plus tôt, le Rassemblement National s’est attaché à gommer discrètement son traditionnel soutien à Vladimir Poutine. Marine Le Pen a néanmoins réclamé début août l'abandon des sanctions prises contre la Russie en raison de la guerre en Ukraine car, selon elle, elles "ne servent strictement à rien", sauf à "faire souffrir" les Européens.
Le 24 août dernier, à Bergerac en Dordogne, le suppléant d’un député RN a affiché publiquement son soutien à la Russie, comme le rapporte SudOuest.fr. Il a brandi un drapeau pro-russe lors d’un rassemblement en soutien au peuple ukrainien. Il va être exclu du parti, selon Louis Aliot, candidat à la présidence du RN.