Crise énergétique, inflation : comment font les sociétés coopératives, les SCOP, pour préserver leurs salariés et leur activité ?

Alors que les entreprises françaises se préparent à faire face à une explosion de leurs factures énergétiques, et que leurs salariés composent avec la plus forte inflation que le pays ait connu depuis les années 70, les SCOPs, sociétés coopératives, tirent leur épingle du jeu.

"On s'en sort pas trop mal". Un début de sourire aux lèvres, Jacques Landriot, Président de la confédération générale des SCOP, ces Sociétés Coopératives et Participatives où les salariés sont leurs propres patrons, n'est pas mécontent. Malgré le contexte économique difficile, il estime que les 4.100 SCOP de son association ne sont pas menacées. Pour le moment du moins. "On voit que notre modèle, dans les périodes difficiles comme aujourd'hui, il se porte bien" va-t-il même jusqu'à affirmer.

Dans un contexte où les prix de l'électricité et du gaz explosent, alors que l'inflation atteint des niveaux jamais vus en France depuis les années 70, et que les négociations salariales donnent lieu à des bras de fer très tendus dans de nombreuses entreprises, on aurait pu s'attendre à ce que les SCOP peinent à suivre, elles qui doivent concilier chiffre d'affaires et bien-être de leurs salariés sociétaires, décideurs des politiques de leur entreprise. Mais pour leurs gérants, ce statut est au contraire un atout.

"C'est à nous de trouver les moyens de maintenir l'activité".

"On ne conservera pas les mêmes marges, ça c'est sûr, mais on vise l'équilibre économique". À Lons-le-Saunier, dans le Jura, Matthieu Grasset, gérant de Demain SCOP, reste calme. La facture d'électricité de son groupe spécialisé dans le recyclage et la valorisation pourrait être multipliée par quatre l'année prochaine, selon les dernières prévisions, mais il estime que son entreprise est capable d'y faire face : "C'est à nous de trouver les moyens de maintenir l'activité".

Il faut dire que sa société a anticipé la problématique des économies d'énergies : "de notre point de vue, la logique inflationniste des prix de l'énergie est durable, c'est la conséquence de tendances lourdes de raréfaction de l'énergie". Alors, ces dernières années, Demain SCOP a investi et rénové son bâtiment administratif, qui est désormais passif. "Pour 1.000 mètres carrés de bureaux, qui sont tout le temps occupés, on consomme 1.500 euros d'électricité tout compris". Du côté des lignes de tri, des systèmes de pilotage ont été mis en place pour éteindre au maximum les machines, dès lors qu'elles ne sont plus utilisées.

Le statut des SCOP leur impose de consacrer une certaine part de leur résultat d'exploitation à l'investissement, ou aux réserves. "16% au minimum, entre 40 et 45% en pratique", selon la confédération des SCOP. Une politique qui leur permet d'anticiper un certain nombre de difficultés. "On a mis en place des pratiques autour de la sobriété", résume Matthieu Grasset. Une sobriété qui concerne également la rémunération des salariés de l'entreprise, sans pour autant avoir mis à mal leur pouvoir d'achat.

Des choix stratégiques sur les salaires, mais sans gel des revenus pour les plus modestes

"Sur les 15 derniers mois, les salariés ont eu une augmentation des salaires nets d'environ 12%, hors prime de participation", avance avec fierté le gérant de Demain SCOP. Un chiffre à faire pâlir d'envie de nombreux employés, résultat de choix stratégiques : "On a une échelle de salaires très resserrée. Le rapport entre les salaires les plus bas et le salaire le plus haut est de 2,5." Autrement dit, le meilleur salaire de l'entreprise est 2,5 fois plus important que le plus petit. "Ça nous permet de faire évoluer les salaires les plus faibles sans mettre en péril l'entreprise".

À Besançon, la SCOP "La canopée", qui gère trois magasins d'alimentation bio, l'écart entre le plus bas et le plus haut salaire est là aussi attentivement surveillé. "On a une grille des salaires", explique Didier Maillotte, salarié sociétaire, "on est au smic plus 10% pour le plus bas, et pour le plus haut, à 1,7 fois ce montant". Le groupe, qui doit faire face à un recul des ventes dans le domaine de l'alimentation bio, a choisi cette année de suivre les augmentations du smic pour les salaires les plus modestes. Les autres n'ont donc pas été revalorisés. Un choix "collectif".

"L'avantage d'être une coopérative de salariés, c'est que de toutes façons, la valeur ajoutée de l'entreprise retombe sur les salariés" argumente-t-il. En effet, les statuts SCOP lui imposent de partager "au minimum 25%, en pratique de 40 à 45%" de son résultat. "Ce qui fait notre force, c'est que les salariés savent tout", affirme Jacques Landriot, "ils savent que si ça va mieux, ils auront quelque chose". "Les gens sont au courant de tout ce qui se passe, de la stratégie, des comptes, ils comprennent. Tout le monde fait attention". À Besançon, les revalorisations salariales sont donc restées modérées : "On a fait le choix des primes plutôt que des augmentations de salaires, en se disant qu'en cas de difficulté, la prime ferait fusible, plutôt qu'un emploi", expose Didier Maillote.

Si l'année 2023 s'annonce difficile pour l'épicerie bio, Didier Maillote ne perd pas son sang-froid : "On est vigilants". L'ancien gérant de la SCOP estime que les statuts de la SCOP et l'accompagnement de la fédération permettent aux sociétés concernées de conserver des finances saines, et une capacité à faire face aux conjonctures défavorables. Du côté de la confédération des SCOP, l'optimisme est même de mise : "On a 81.000 salariés qui travaillent pour 4.100 SCOP environ, on a un objectif pour 2026 à 100.000 salariés". Nouveaux projets, recrutements… La confédération mise sur le développement de son mode de gestion.

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