À Besançon dans le Doubs, un chirurgien a été mis en examen le 24 septembre dernier après les plaintes de 37 patients dont la vie est devenue "un enfer". Pour épauler les victimes et aider d’autres patients à se faire connaitre, une association est née.
Fleurs de lotus. C’est le nom de l’association fondée récemment par les victimes présumées d’un chirurgien de Besançon qui pratiquait la proctologie (une discipline qui s’occupe des maladies du rectum, de l'anus et du périnée).
Mardi 2 octobre, le procureur de la République de Besançon Etienne Manteaux avait annoncé la mise en examen du Dr Luc Clemens pour "blessures involontaires ayant entraîné moins de trois mois d'interruption temporaire de travail, aggravées par la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence".
Une cinquantaine de plaintes de patients et patientes de 27 à 70 ans souffrant de graves séquelles après des opérations pratiquées par ce médecin de la Polyclinique de Franche-Comté ont été déposées. Les patients ont gardé des séquelles parfois irréversibles comme de l’incontinence anale.
"6 ans que je vis un calvaire"
Les uns après les autres, les patients sortent du silence et osent témoigner du calvaire qu’ils endurent depuis des opérations effectuées par ce chirurgien bisontin, installé aussi dans un cabinet en ville. Prise en charge pour une fissure anale, cette mère de famille raconte son quotidien :
Depuis 2018, je vis un calvaire, pour vous dire même, mes enfants disent que les toilettes sont ma deuxième maison.
Une patiente du chirurgien proctologue
Cette Franc-Comtoise ne peut plus aller aux toilettes sans prendre de laxatif, elle souffre de “douleurs colossales”, de brûlures, ne peut pas rester assise longtemps, ne peut pas faire de vélo. Sa vie n’est plus celle d’une mère de famille, elle enchaîne les rendez-vous médicaux à l’extérieur de la région pour effacer ou atténuer au moins les signes d’une opération chirurgicale ayant laissé des séquelles.
“Au Dr Clemens, j’en veux beaucoup. Infliger ça à des gens, ce n’est pas humain” confie-t-elle au micro de notre journaliste Stéphanie Bourgeot.
Tout ce que je souhaite, c'est qu’il soit radié du conseil de l’ordre avec tout le mal qu’il a fait. Pour, moi, il n’a plus le droit d’opérer.
Une patiente du chirurgien mis en cause
Cette femme va porter son combat au civil. Les faits étant prescrits du fait de leur antériorité, une plainte au pénal n’est pas possible dans son cas.
“Ça soulage de ne pas se sentir seul(e)s”
L’association Fleurs de lotus est joignable par mail à l’adresse suivante : fleursdelotus2024@gmail.com
“On est là pour écouter les gens, les guider, leur donner des noms d’avocats, pour collecter des fonds et aider ceux qui n’ont pas de protection juridique” indique une de ses responsables.
Ça soulage de ne pas se sentir seuls, mais tous les matins quand on ouvre la boîte mail, on a des personnes qui nous ont contacté, et on se dit que c’est colossal, et on se demande, quand cela va s’arrêter.
Une femme dont la vie a basculé après une opération anale
Interdit d’opérer en attendant des expertises
Le médecin urologue de formation, qui pratiquait des opérations de proctologie, a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'effectuer des actes chirurgicaux. Un expert va étudier les dossiers médicaux des 37 patients ayant déposé plainte.
Le chirurgien encourt un an d'emprisonnement. Il a fait appel de sa mise en examen, ainsi que de son placement sous contrôle judiciaire. Me Xavier Flécheux, avocat du chirurgien mis en cause a indiqué par mail à France 3 Franche-Comté que “la mise en examen du Docteur Clemens est tout à fait discutable, celle-ci reposant, en l'état, sur les seules doléances d'un certain nombre de patients, à l'exclusion, les concernant, du moindre élément expertal de nature médicale. Le contrôle judiciaire, dont la portée est manifestement excessive, a été contesté et le sera à nouveau devant la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Besançon."
Le médecin bénéficie comme tout mis en examen de la présomption d’innocence.