Le métier de cordonnier était devenu un peu dépassé, mais il a aujourd'hui le vent en poupe. Les consommateurs veulent réparer plutôt que jeter. Preuve de l'engouement pour ce travail manuel, trois cordonniers cessent leur activité sur Besançon et ont trouvé repreneurs.
À Besançon, Cynthia Richard et Cécile Laborier seront installées au 1er juillet 2023 dans leurs cordonneries. Elles ont suivi la même formation entre mai 2022 et janvier 2023. Elles sont allées à Romans-sur-Isère dans la Drôme pour apprendre le métier à l’AFPA, l’association pour la formation professionnelle pour adulte. Christian Lemaitre y enseigne depuis 25 ans.
Apprendre la cordonnerie
La formation de cordonnier dure 8 mois avec 800 heures au centre de Romans-sur-Isère et deux fois trois semaines de stage en entreprise. La même formation existe à Nantes. Les apprenants sont de plus en plus des apprenantes. Le métier se féminise.
Depuis 25 ans, la tendance s’inverse. On a de plus en plus de femmes. Et elles s’investissent et progressent tout au long de la formation.
Christian Lemaitre
Christian Lemaitre a vu le nombre d'inscrits parfois diminuer, mais pas par faute d’engouement : par problème de financement de la formation. Elle coûte en effet 13.000 euros.
Jusqu’en 2017, la région Auvergne-Rhône-Alpes participait financièrement au coût de la formation et 10 à 12 personnes pouvaient y participer. Mais ce n’est plus le cas. La demande est toujours forte, mais les participants sont moins nombreux.
La tranche d’âge est large. Le plus jeune formé avait 18 ans et le plus ancien 60 ans. Pour ce dernier, son idée était de faire des remplacements pour compléter sa retraite. Chacun arrive avec son histoire, son passé et son envie d’apprendre un nouveau métier.
Pour la majorité, c’est un deuxième, voir un troisième parcours de vie. Certains ont été virés et veulent être leur propre patron, souvent leur vie professionnelle ne leur convenait pas.
Christian Lemaitre
En 2021, cinq femmes étaient inscrites à la formation. Quatre d’entre elles étaient d’anciennes ingénieures et la dernière était pharmacienne. Des métiers qu’on pourrait leur envier, mais dans lesquelles elles ne trouvaient pas leur compte.
Cynthia Richard était contrôleuse de gestion. Pendant cinq ans, elle a exercé ce métier, mais l’appel de l’artisanat et du travail manuel a été plus fort.
Mon métier ne me convenait pas. En apportant mes chaussures chez mon cordonnier j'ai discuté avec lui. J'ai appris qu'il partait à la retraite. Je me suis mise à rêver...
Cynthia Richard
Cynthia Richard a ensuite fait le tour des cordonneries pour prendre le pouls et elle s’est lancée. Arrivée à la fin d’un CDD, elle a pu faire via Pôle Emploi une transition professionnelle. Et c’est Pôle Emploi qui lui a financé l’apprentissage.
Pour Cécile Laborier, c’est un peu la même histoire que Cynthia. Un désir de changement et de travailler de ses dix doigts. Elle était depuis 17 ans assistante de régulation médicale au Samu.
J’en avais assez de mon métier et je cherchais un métier autour du cuir. J’ai d’abord pensé à la maroquinerie, et la cordonnerie a paru une évidence
Cécile Laborier
Il fallait ensuite qu'elles trouvent une cordonnerie dans laquelle le gérant partait en retraite et était prêt à prendre sous son aile une personne sortant de formation. Chacune a trouvé chaussure à son pied. Cynthia avec Daniel aux Chaprais, Cécile avec Jean-Louis dans le quartier Battant.
Un métier d'avenir ?
Le métier évolue en même temps que les mentalités. Aujourd’hui, beaucoup préfèrent réparer plutôt que de jeter. Une économie circulaire en marche, un désir de mieux faire.
La fédération française de la cordonnerie annonce 700 départs à la retraite dans les prochaines années. De quoi donner du travail aux arrivants.
Il y a des affaires à reprendre mais avant de se lancer, il faut vraiment identifier le potentiel de l’entreprise.
Christian Lemaitre
La profession a traversé les siècles, mais les technologies évoluent et les services proposés à la clientèle s’élargissent. Réparation et nettoyage de baskets, sellerie, maroquinerie, multiservice avec les clés, les plaques d’immatriculation…
On ne peut pas vivre que de la cordonnerie. Ce qui est bien, c'est que c'est très varié. Clé, ceinture, maroquinerie… ça permet de s'en sortir.
Cécile Laborier
Une bouffée d’air dans un métier où les rentrées d’argent sont fluctuantes.
Pour Cynthia et Cécile, le grand saut dans le vide sera le 1 juillet. Elles comptent les jours avant de reprendre les clefs de la boutique, avec une certaine appréhension tout de même. Mais elles savent qu’elles peuvent compter sur leurs tuteurs en cas de pépin.
Reportage Catherine Eme-Ziri et Fabienne Le Moing avec Daniel Di Germanio, Pascal Grau, Jean-Louis Charmasson, Cécile Laborier, Rémy Nourtier et Cynthia Richard-Gognat.