En faisant construire deux villages d'enfants à l'horizon 2026, le Doubs offre cent nouvelles places à l'Aide sociale à l'enfance. Le principe ? Des lieux qui réunissent les fratries d'enfants placés et tentent de reproduire la sécurité affective d'une maison familiale.
Difficile de savoir combien d'enfants placés sont séparés de leur(s) frère(s) et sœur(s). Selon une étude de cohorte mentionnée par le Média social, 10% des enfants étaient accueillis avec l'ensemble de leur fratrie, 20% avec une partie et 50% en étaient séparés à Paris, en 2020.
Séparer les fratries, c'est une pratique en déclin que le Doubs a choisi de ne pas plébisciter. Le département ouvrira 100 nouvelles places à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) d'ici à 2026. La moitié dans le centre-ville de Besançon, l'autre à l'Isle-sur-le-Doubs.
Les jeunes seront accueillis dans des villages d'enfants, ces lieux qui s'appuient justement sur les liens et le cadre familiaux comme source d'épanouissement.
"Le plus durable" des liens familiaux
SOS Village d'enfants a été fondé il y a presque 70 ans. Séparer les fratries des enfants placés est longtemps resté la norme pour deux raisons. L'offre d'accueil, d'abord, puisque les structures sont divisées par groupes d'âge. La recherche et la pensée commune, ensuite, qui mettaient en exergue l'idée selon laquelle "maintenir les liens fraternels laisse l'enfant dans le trauma", explique Hervé Laud, responsable développement de SOS Village d'enfants.
Autant d'années pendant lesquelles l'association a favorisé d'autres recherches sociologiques et neuroscientifiques, afin de faire voir l'importance du lien fraternel dans le développement de l'enfant. Hervé Laud la résume en deux points. C'est tout d'abord "le plus durable" des liens familiaux en termes de nombres d'années à partager. "Une ressource essentielle", donc, peut-être d'autant plus pour des individus aux liens parentaux abîmés.
Mais, deuxième point : la force de ce lien résulte du temps passé ensemble. "On peut avoir des frères de cœur, comme des frères de sang que l'on ne connaît pas", image Hervé Laud. D'où l'importance réunir les fratries, pour éviter que frères et sœurs deviennent, à la force du temps, de parfaits inconnus.
Une norme remise en question
Cette idée commence à faire l'unanimité en France. En 2022, la loi Taquet a réaffirmé le principe de non-séparation des fratries. Les villages d'enfant ont ainsi le vent en poupe. 20 ont été construits depuis 1956, 13 depuis 2013 et quatre sont en cours de construction.
Dans le Doubs, un village s'implantera sur le site de l'ancien Haras national de Besançon (1,7 hectare), rue de Dole, au centre-ville. Un second sortira de terre à l'Isle-sur-le-Doubs, entre Baumes-les-Dames et Montbéliard. Le coût du double projet avoisine les 10 millions d'euros. Fin des travaux prévue en 2026.
Parents SOS
Les villages d'enfants ne répondent qu'à des placements de longue durée. Tous sont structurés de la même manière. Les enfants vivent dans "une maison familiale" (il y en aura neuf sur le site du haras) aux côtés de leurs frères et sœurs.
Deux types de profils pour les accompagner. D'un côté, les éducateurs spécialisés, psychologues et animateurs qui forment le "plateau technique" et fournissent un accompagnement socio-éducatif. De l'autre, les pères et les mères SOS, des membres de l'association censés élever les enfants jusqu'à l'autonomie.
Moins distants que les professionnels du soin, les parents SOS occupent une figure affectueuse pour les enfants. La mission demande cependant un investissement hors du commun : ils sont mobilisés trois semaines, 24h/24 sur les lieux, pour bénéficier d'un repos d'une semaine à 10 jours par la suite.
Le cadre le plus ordinaire possible
Un bâtiment se destine à héberger les visites médiatisées des géniteurs ou d'autres proches. Selon Hervé Laud, un tel concept permet d'"accompagner individuellement les enfants" tout en leur offrant "le cadre le plus ordinaire et le plus affectueux possible".
Ouverts vers l'extérieur, les villages d'enfants veulent aussi aider les jeunes à se sentir libres et membres à part entière de leur ville de résidence.