Parmi les 53 mesures du Plan eau présentées le 30 mars par le chef de l’État, l’une d’entre elles annonce la "tarification progressive et responsable" de l'eau potable. À Besançon, ce calcul du prix de l’eau qui incite à la sobriété a déjà été mis en place depuis 2015. Explications.
Sans forcément le savoir, les habitants des 68 communes du Grand Besançon paient leur eau potable selon le principe de la progressivité du prix. Depuis 2015, la municipalité a changé sa grille tarifaire et va même plus loin que ce que souhaite le président de la République Emmanuel Macron. Et depuis 2018, c’est l’ensemble des 68 communes du Grand Besançon qui l’applique.
Les trois premiers m3 sont gratuits. “Ces 3000 litres correspondent à la consommation d’eau qu’un foyer de 5 à 6 personnes boit en une année, explique Christophe Lime, l’adjoint PCF à la maire de Besançon chargé de l’eau. Ensuite, il y a deux prix. À partir de 100 m3 par an, c’est plus cher”.
Une tarification déjà annoncée en 2019
Dans son communiqué, l’Elysée précise que cette "tarification progressive et responsable de l'eau” avait été déjà annoncée en 2019, mais restée au stade de l'expérimentation. L’Elysée n’envisage pas la gratuité mais propose que les "premiers mètres cubes" soient "facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant", mais "au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé".
Pour l’élu communiste, l’annonce d’Emmanuel Macron ne pourra se réaliser que si c’est imposé.
Il faut une loi pour avancer, estime Christophe Lime. Sinon certains gros consommateurs vont freiner cette tarification progressive dans toute la France.
Christophe Lime, maire-adjoint de Besançon
Pourquoi est-ce déjà en place à Besançon ?
“C’est une décision politique”, estime l’élu en charge de l’eau depuis 2001. Lors de ses deux précédents mandats, cette tarification progressive et surtout la gratuité des 3 premiers m3 n’avaient pas pu être votées. L’élu communiste a pu la mettre en place au début de son 3e mandat en 2015. Christophe Lime a toujours été convaincu de la nécessité pour les communes de rester maître de leur gestion de l’eau. C’est une régie publique qui gère la ressource en eau pour le Grand Besançon. “L’eau est un bien commun”, rappelle Christophe Lime. L'élu vient de participer aux assises de l’eau de l’ONU. Au niveau mondial, l’Organisation des Nations Unies s’interroge de plus en plus sur les moyens à mettre en place pour préserver l’eau pour les générations futures.
La gratuité peut faire peur à une partie des élus mais, en fait, il n’y a pas de gaspillage. Pour nous, c’était important que la Bisontine soit une eau potable de qualité et gratuite. On diminue ainsi l’usage des bouteilles en plastique.
Christophe Lime, maire-adjoint de Besançon
Depuis janvier 2023, les habitants des 14 communes de la métropole autour de Montpellier bénéficient de 15 premiers m3 d’eau potable gratuits. Un “tarif éco-solidaire” associé à des conseils pour économiser l’eau.
Difficile de savoir combien de municipalités ont choisi de faire payer plus quand on consomme plus. Cette logique est contraire à celle encore largement répandue : les gros consommateurs d’eau ont des rabais.
Qui consomme beaucoup d’eau ?
Les professionnels. “Pour éviter de mettre en difficulté les agriculteurs et les industriels, nous avons mis en place ce système progressivement sur trois ans”, précise l’élu bisontin. Les plus concernées sont les 165 exploitations agricoles du Grand Besançon. Un diagnostic a été mis en place avec la chambre d'agriculture du Doubs pour aider les agriculteurs à baisser leur consommation d’eau afin de ne pas avoir à terme une augmentation de leurs factures.
Dans la vallée de la Loue, le syndicat des eaux de la Haute-Loue gère l'eau potable pour 74 communes. Là aussi, les élus sont en train de faire évoluer leur grille tarifaire. Une évolution prévue entre 2015 et 2027. "On ne voulait pas que cela soit trop brutal pour les entreprises et les agriculteurs", explique Philippe Bouquet, le président de ce syndicat des eaux. L'élu serait assez favorable à une tarification en fonction des périodes où l'eau est plus ou moins consommée. De l'eau plus chère en période de sécheresse et moins chère quand elle est abondante. "Avec les annonces du président de la République, la question du tarif progressif va se poser". Pour l'instant, les 74 communes avaient voté pour la fin de la dégressivité, favorable aux gros consommateurs d'eau, avec la mise en place d'un prix unique.
Quelles sont les conséquences sur la ressource en eau ?
Difficile de le dire sur les communes périphériques, la consommation variant beaucoup en fonction du climat. En revanche, sur Besançon, la ville constate une baisse d’environ 20% en 20 ans. ”La technologie explique ces résultats” commente Bernard Lime. Lave-linge, lave-vaisselle, chasse d’eau sont effectivement devenus moins gourmands au fil des ans. “Mais, poursuit l’élu, pour la première fois en 2022, on a vu une stabilité voir une petite baisse de la production d’eau pendant les arrêtés sécheresse. Les gens consommaient moins. La sensibilité a bougé”.
Si la gratuité des 3 premiers m3 et les tarifs progressifs s’appliquent dans toutes les communes de l’agglomération bisontine, ce n’est qu’au premier janvier 2026 que les 68 communes du Grand Besançon auront le même prix de l’eau. Sur la facture eau-assainissement, le tarif peut encore passer du simple au double (de 3 à 6 euros/m3). “Il faut parvenir à une convergence et cela demande du temps” remarque Christophe Lime.