Témoignages. Troubles du sommeil, insomnie... Ils ne dorment quasiment pas : c’est grave docteur ?

Publié le Écrit par Antoine Comte

La journée internationale du sommeil, c'est ce vendredi 15 mars 2024. L'occasion de renseigner sur l'importance de bien dormir pour rester en bonne santé. Pourtant, en France, ils sont beaucoup à souffrir de troubles du sommeil, et de plus en plus. Témoignages d'insomniaques et éclairage d'un médecin spécialiste.

Une journée pour "célébrer le sommeil"... mais pas pour eux. Depuis 24 ans, le 15 mars est la "journée internationale du sommeil". Dans le monde entier, c'est le moment de parler de l'importance de dormir en quantité et en qualité. Alors que dans nombre de recommandations, des nuits de 7h à 9h sont conseillées pour rester en bonne santé, un nombre important de personnes dorment pourtant beaucoup moins. Et en subissent parfois les conséquences.

C'est le cas de Cyril Lucas. À 50 ans, cet habitant de Lons-le-Saunier (Jura), l'avoue directement :"je dors, très peu par nuit, 4h maximum". L'après-midi débute à peine quand nous le contactons, pourtant, le Franc-comtois nous précise que nous venons "de le réveiller d'une sieste de 30 minutes". Des coupures en journée selon lui indispensables pour pouvoir tenir, afin de ne "pas être crevé toute la journée de travail".

J'ai commencé à ne plus dormir il y a trente ans, après la mort de mon père. J'ai consulté pour résoudre cela, mon médecin est au courant. Mais rien n'y fait, mon cerveau n'arrive pas à se mettre en off.

Cyril Lucas,

atteint de troubles du sommeil

Une situation que le cinquantenaire subit. "Cela a beaucoup d'impact sur ma vie personnelle" concède Cyril. "Déjà, dans mon couple. Mon compagnon est lui un gros dormeur. On vit un peu en décalé, et cela joue sur notre sexualité". Sur la sociabilité, aussi. "Quand je vais en soirée, je suis constamment crevé. Là aussi, le décalage continue" poursuit-t-il. "On a les yeux qui tombent, on n'a pas d'énergie, on se sent mal. Alors qu'à 4h du matin, quand tout le monde dort, nous, on est debout. Seul, encore une fois".

Des difficultés professionnelles importantes

Et lorsqu'on aborde le sujet de l'impact de ce manque de sommeil sur sa vie, Cyril Lucas ne peut s'empêcher de parler de ses activités professionnelles. "Bien sûr qu'au boulot, ça m'a joué des tours" regrette-t-il. "En fait, j'ai un coup de barre de 2-3h tous les après-midi. Je suis beaucoup moins réactif, je percute moins, je suis plus maladroit. Et en plus, je travaille dans la restauration. Donc bon..."

J'ai parfois dû m'arrêter au milieu du service, car je faisais n'importe quoi à cause de la fatigue. Ça a énervé beaucoup de patrons, qui ne comprenaient pas forcément.

Cyril Lucas,

atteint de troubles du sommeil

"Ce constat, même moi, ça m'énerve" lâche-t-il. "Je sens que je n'assure plus". Le constat est le même pour Hamid Bouamar, 30 ans, originaire de Belfort (Territoire de Belfort) et aujourd'hui coach sportif en Bourgogne. "Depuis gamin, je ne dors pas, ou très peu. Environ quatre heures. C'est peut-être de famille, car mon père et mon frère étaient pareils". Comme pour Cyril, ce manque de sommeil lui a joué des tours. "Je me suis séparé de ma compagne, car elle n'en pouvait plus. Et au travail, en tant qu'employé, cela s'est toujours mal fini, car j'étais très nerveux et je me mettais en colère pour rien".

Je ne pouvais simplement pas être salarié. J'avais des moments d'absence, du mal à comprendre... Donc j'ai du adapter mes pratiques professionnelles à mon quotidien pour pouvoir bien vivre. C'est pour cela que je suis devenu coach sportif à mon compte.

Hamid Bouamar

atteint de troubles du sommeil

Le sport comme bouée de sauvetage, ce qui a permis à Hamid de redresser la barre. "Cela a changé ma vie" assure-t-il. "Je dors toujours aussi peu, mais je dors beaucoup mieux. Et puis quand je sens qu'en journée, j'ai un coup de mou, je peux décaler mes rendez-vous. Avec le sport, je me suis aussi mis à faire plus attention à mon alimentation". 

"Pour moi, le sommeil est du temps perdu"

Cela l'inquiète-t-il ? "Oui" répond-il sans hésiter. "Pour me tenir éveillé, je mange beaucoup de sucre. Et en vieillissant, cela a des conséquences sur mon corps. La solution serait de dormir plus. Mais j'ai tout essayé. Être au lit plus tôt, arrêter le portable en soirée, mettre moins de lumière... Rien ne marche". Ce qui l'a obligé à adapter son mode de vie.

Certains petits dormeurs, eux, s'accommodent parfaitement de ce manque de sommeil. C'est le cas de Jean-Marc*, 62 ans. À 25 ans, lors de son entrée dans la vie professionnelle, il commence à se coucher "vers 3 heures du matin" et à commencer sa journée "vers 6h, avec des réveils entre-temps". Pourtant, il nous le certifie, il n'en a jamais souffert. Au contraire. 

Je fais un métier passionnant, et ces besoins en sommeil moins important que la moyenne m'ont servi à travailler beaucoup plus. Je pouvais finir à 22h un premier contrat et réattaquer sur de nouvelles missions à 3h du matin. C'était un pétillement intellectuel constant, qui me stimulait.

Jean-Marc

Du côté personnel, Jean-Marc, avec une compagne depuis 35 ans et un fils, "n'a jamais senti d'agacement de la part de ses proches" quant à son mode de vie. "Au contraire, ils ont été très compréhensifs. Et vu que je ne compense pas ces heures, j'arrive tout de même à les voir. Et sans avoir de conséquence physique. En fait, pour moi, le sommeil est un peu du temps perdu".

Un tryptique "dormir-manger-bouger"

Des témoignages variés. Mais qu'en pensent les médecins spécialistes ? Quelles sont les conséquences, sur le long terme, du manque de sommeil ? Sommes-nous tous obligés de dormir plus de 6h par nuit pour être en bonne santé ? La réponse est plus nuancée pour Hubert Bourdin, praticien hospitalier au CHU de Besançon et responsable de l'unité sommeil de l'établissement.

Le sommeil n'est pas LE secret pour mieux vivre. C'est important, certes. Mais il est nécessaire d'y associer une bonne alimentation ainsi qu'une activité sportive pour vraiment agir.

Hubert Bourdin,

responsable de l'unité sommeil du CHU de Besançon

Pour Hubert Bourdin, les causes des troubles du sommeil résultent de multiples critères. "Tout ce qui va affecter notre santé mentale et psychologique va affecter notre sommeil" explique-t-il. "L'insomnie n'est qu'un symptôme d'un problème plus large".

"Dans d'autres cas, la génétique joue une grande part" continue le praticien. "Certaines personnes ne dorment pas, car c'est une caractéristique transmise par leur famille. D'autres ont un métabolisme qui fait qu'ils ont moins besoin de sommeil. Mais c'est très rare". En effet, sur la plupart de la population, il est prouvé que le manque de sommeil a des incidences directes sur la santé.

Chez les enfants, les conséquences se concentrent sur une alimentation déréglée, de laquelle peuvent découler une prise de poids et une baisse des résultats scolaires, qui peuvent aller jusqu'à la déscolarisation. Chez les personnes de 25 à 40 ans, le manque de sommeil permet le développement de pathologies mentales, de maladies cardiovasculaires ou de diabète. Enfin, pour les personnes âgées, ne pas dormir assez est synonyme de maladies neurodégénératives.

Actuellement, les Français dorment en moyenne 6h42 par nuit. On a perdu 15 minutes par rapport à 2023. Et cette différence ne cesse de s'accroître.

Hubert Bourdin,

responsable de l'unité sommeil du CHU de Besançon

Un constat provoqué par l'apparition ces dernières années de nouveaux troubles du sommeil : les troubles du rythme circadien. "C'est lorsqu'on décale l'horloge qui gère notre sommeil" reprend Hubert Bourdin. "On s'endort plus tard. Le lendemain, on ne peut pas se lever et on n'est plus synchronisé avec le rythme de vie social que nous connaissons, réglé par notre travail". Des troubles provoqués par les écrans, qu'une sieste ne viendra pas arranger. "Si on sieste pendant plus de 15 minutes, cela a un effet pervers, car cela nous enlèvera des capacités d'endormissement pour le soir".

D'où l'importance du tryptique "dormir-manger-bouger". C'est d'ailleurs le thème de cette journée du sommeil 2024. D'autant plus pertinent, alors "que 21 % des adolescents de Bourgogne-Franche-Comté sont en surpoids ou en situation d'obésité" selon le RéPPOP (Réseau de Prévention et de Prise en charge de l'Obésité Pédiatrique)" conclut Hubert Bourdin. Un chiffre en augmentation de deux points par rapport à l'avant-Covid.

 * le prénom a été modifié

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