Covid-19 : “Je ne retrouve pas de travail, je me sens rabaissée”, au chômage, la galère des nouveaux demandeurs d’emploi

L’épidémie de coronavirus a fragilisé l’économie française. Derrière les malades et les morts dans les hôpitaux et Ehpad, se cachent d’autres victimes souvent invisibles. Les chômeurs, souvent jeunes. Nous leur avons donné la parole en Franche-Comté.

54 licenciements chez Maty à Besançon. 22 dans des entreprises textiles à Châtillon-le-Duc dans le Doubs. Des plans sociaux dans l’aéronautique. 92 suppressions de postes chez Peugeot Japy à Valentigney. 150 postes menacés dans l’aluminium chez MBF à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Chaque semaine, la liste des emplois supprimés s’allonge en Franche-Comté.

Manon, 26 ans allait signer un CDI quand le Covid a tout stoppé

Derrière ces chiffres, des hommes et des femmes comme Manon*. Cette jeune femme de 26 ans s’apprêtait à signer un contrat à durée indéterminée dans l’industrie dans le pays de Montbéliard. “Avec le Covid, l’usine a été fermée pendant le confinement. À la sortie, les intérimaires n’ont pas été repris” explique Manon. La jeune femme aurait dû signer son CDI le 27 mars. Le Covid a mis un brutal coup d’arrêt à ses projets. “J’espérais ce CDI, on avait des projets, comme se marier, changer de logement, c’est violent” confie-t-elle.

On se sent rabaissée, humiliée. Mon métier ne sert à rien et je suis fauchée.

Manon, 26 ans, Bac+4

Depuis l’arrêt de son contrat, la jeune femme a retrouvé quelques missions. “J’ai fait quelques nuits d’inventaires dans des magasins, j’ai même été factrice pour la Poste durant deux semaines” explique-t-elle. Titulaire d’un Bac+4, Manon surveille les petites annonces. “On se rue sur toutes les offres, je ne suis pas la seule. C’est celui qui va demander le moins cher qui aura le poste, j’ai revu mes prétentions financières à la baisse, je vise maintenant le SMIC” déplore la jeune femme qui occupait un poste à responsabilités auparavant. “Je travaillais dans des bureaux, aujourd’hui, je ne trouve pas, je me sens rabaissée. Je postule, mais les factures s'enchaînent. Je n’ai plus d’économies. Mon père m’aide financièrement, c’est humiliant” avoue Manon. Factures, crédit maison, crédit voiture, alimentation... l’allocation chômage dont elle dispose actuellement ne suffit pas, dit-elle, à tout couvrir.

Ludovic travaillait dans la restauration en Suisse 

La crise du Covid a touché aussi les frontaliers dans le Nord Franche-Comté. L’eldorado suisse s’est refermé sur Ludovic, père de famille de 30 ans qui travaillait dans la restauration dans le canton du Jura. Plus de boulot. “Au 30 avril, tout s’est arrêté, mon patron a mis un terme à mon contrat” explique Ludovic.

C’est une mauvaise passe, je ne suis pas le seul, on est des millions comme moi.

Ludovic

À Delle près de Belfort, où il vit, ce chômeur touche des indemnités comme tout frontalier qui se retrouve au chômage. “Pour l’instant, je n’ai rien retrouvé, ni en France, ni en Suisse. Le virus dure, ça fait peur aux entreprises, la restauration, c’est un secteur qui n’a toujours pas repris” ajoute-t-il. Sur le marché de l’emploi, il a vu passer des petites annonces, mais d’une courte durée, et peu rémunérées.

“Pour l’instant, je reste à la maison pour m’occuper de ma fille, mais au bout d’un moment ça suffit. La crise du covid, je ne l’ai pas vue venir. Je vais essayer de m’en sortir financièrement en faisant du traiteur à domicile pour les fêtes, j’espère retrouver un travail d’ici la fin de l’année” explique Ludovic. “C’est une mauvaise passe, je ne suis pas le seul, on est des millions comme moi” se console-t-il conscient qu’il n’est certainement pas le plus en difficulté. Cet habitant du Territoire de Belfort dit avoir la chance d’avoir une famille qui peut l’aider financièrement. Face au chômage, il fait face. “Je n’ai pas d'autre choix que d’encaisser tout cela” dit-il. 

De Paris aux montagnes du Haut-Doubs, retour à la maison pour Loïc

Lui aussi fait partie des chômeurs étiquetés “covid”. À 27 ans, Loïc Bôle Richard travaillait à Paris sur le marché de Rungis. Il dirigeait un centre d’insertion professionnelle pour des jeunes de toute la France attirés par les métiers de l’agro-alimentaire. Mais le Covid a eu raison des activités du centre d’insertion. “Il y avait moins d’offres d’apprentissages, on ne pouvait plus aller dans les lycées agricoles, la structure est pour l’instant à l’arrêt” explique Loïc. En CDI depuis trois ans, le jeune Comtois a donc été licencié. Il est au chômage depuis la fin août. Son choix a été vite fait. Quitter Paris. Sans regret. “Je suis en train de chercher du travail dans le secteur du Haut-Doubs ou Neuchâtel. Je commence à m’inquiéter, j’envoie des candidatures spontanées, je réponds à des annonces, mais on est nombreux à y postuler. On ne sait pas où on va. Ce n’est pas le plein-emploi, il ne faudrait pas que ça dure” ajoute Loïc qui garde le moral. “Pour l’instant, je cherche dans mon secteur, celui de la restauration, je n’ai pas envie de me réorienter pour quelques mois, je veux faire un métier qui me plaît” avoue le jeune homme qui a fait des études en école hôtelière. Quand le secteur de la restauration verra-t-il le bout du tunnel ? Il se le demande. Financièrement, c’est pour l’instant la débrouille. Loïc se bat avec des formalités administratives pour percevoir les indemnités auxquelles il a droit.

Baptiste a lui aussi quitté Paris, et son travail, il est sans indemnités

Baptiste, 20 ans, vit actuellement à Moirans-en-Montagne dans le Jura chez ses parents.
Durant un an, il a travaillé sur Paris comme consultant en informatique. Il s’est retrouvé dans un petit appartement à télétravailler de mi-mars à mi-mai, puis il est revenu chez ses parents dans le Jura pour continuer à télétravailler. Fin août, son choix était fait. “Je n’avais plus de logements en Ile-de-France, et j’avais peur de retourner sur Paris en raison du Covid, j’ai préféré démissionner” explique ce jeune Jurassien.

Baptiste recherche un emploi de technicien de maintenance en informatique dans le Jura, en CDI. “Pour le moment, je ne trouve pas car je ne peux pas bouger vu que je n’ai pas encore le permis de conduire, je suis en train de le passer” explique Baptiste.
"Je vis forcément mal le fait de ne pas travailler actuellement, mais comparé à la vie angoissante du Covid et monotone que j’aurais pu avoir à Paris (métro, boulot, dodo), je préfère rester dans le Jura qui reste un cadre beaucoup plus agréable. Pour la suite, je n’ai pas de visibilité, avec la crise c’est très difficile voire impossible de se projeter” ajoute Baptiste.

840.000 emplois en moins en France, et un taux de chômage devrait grimper à 9,7% en France d’ici la fin de l’année

Fin juillet, rien qu’en Bourgogne-Franche-Comté, on comptait pour le deuxième trimestre 2020, 151 610 demandeurs d’emploi de catégorie A en Bourgogne-Franche-Comté. La hausse allait de +24% à +34,5% en fonction des départements. José Avilès, secrétaire de la CGT dans le Doubs s’attend à des chiffres douloureux ces prochains mois. “Le pire, ce sera en début d’année 2021” confie-t-il voyant une à une les entreprises se délester d’une partie de leurs effectifs. Tous les secteurs sont touchés. 

Selon une note de conjoncture de l’Insee publiée début octobre, le taux de chômage en France grimperait à 9,7% de la population active en fin d'année, soit 1,6 points de plus qu'un an plus tôt.

L’Insee prévoit un taux de chômage prévu à 9% au troisième trimestre puis à 9,7% fin 2020. En septembre, l'Insee tablait sur un taux "autour de 9,5%".

Cette hausse est la conséquence des suppressions d'emplois massives intervenues au premier semestre (715.000 emplois salariés), qui augmenteraient très légèrement au second semestre pour atteindre 730.000 emplois salariés et 840.000 emplois au total.


*Le prénom a été modifié pour respecter l'anonymat de la personne
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